
Raphaël Katebe Katoto, proche de l'opposant historique congolais Étienne
Tshisekedi, s'est confié lundi à Jeune Afrique. Membre du "conseil des
sages de l'opposition", l'homme d'affaires revient sur les ennuis
judiciaires de Moïse Katumbi, son demi-frère et candidat déclaré à la
présidentielle en RD Congo.
« Les ennuis judiciaires de Moïse Katumbi ne font que commencer. » L’opposant et homme d’affaires congolais Raphaël Katebe Katoto, demi-frère du dernier gouverneur de l’ex-Katanga, en est convaincu.
Joint au téléphone le 26 juin par Jeune Afrique, ce proche d’Étienne Tshisekedi (il a été l’un des artisans du rassemblement de l’opposition congolaise début juin autour de l’opposant historique à Genval, dans la banlieue bruxelloise), soutient mordicus être le propriétaire de l’immeuble qui a conduit, le 22 juin, à la condamnation de Moïse Katumbi à 36 mois de prison et à une amende d’un million de dollars américains.
C’est un citoyen grec, Alexandre Stuupis qui l’accusait d’avoir fait
usage de faux en écriture pour s’approprier une parcelle dans la commune
de Kampemba, à Lubumbashi.
Jeune Afrique : Pourquoi avez-vous décidé de porter plainte contre le Grec Alexandre Stuupis, qui accuse Moïse Katumbi de spoliation ?
Katete Katoto : J’ai porté plainte parce que c’est
un immeuble qui m’appartient. Stuupis n’est qu’un imposteur. C’est un
propriétaire fabriqué de toutes pièces par les services de sécurité. Il
prétend que c’est un bien qui appartenait à sa tante ou àsa mère alors
que j’étais locataire dans l’immeuble auprès de la Sonas [Société
nationale des assurances] en 1970. À cette époque, Moïse [Katumbi]
vivait dans cette maison. Il n’avait que six ans.
Moïse Katumbi fait peur au camp Kabila.
C’est l’ancien propriétaire du bâtiment qui avait en effet donné
mandat à la Sonas de le louer ou de le vendre. En 1976, la Sonas a
décidé de vendre l’immeuble, donnant priorité au locataire pour l’achat.
C’est ainsi que j’en suis devenu propriétaire. Moïse [Katumbi] n’avait
que 12 ans. J’en détiens le titre de propriété depuis 40 ans. Et en RD
Congo, la loi stipule qu’un titre de propriété n’est plus attaquable
après trois ans.
Extrait du certificat d’enregistrement (titre de propriété) détenu par Raphaël Katebe Katoto.

Vous soutenez être le propriétaire de l’immeuble disputé,
mais c’est Moïse Katumbi, votre demi-frère, qui est cité dans l’affaire…
C’est une affaire montée de toutes pièces. Et mal montée. Après l’affaire de recrutement présumé de mercenaires
qui a échoué, le régime a fabriqué cette histoire de spoliation
d’immeuble mais le but reste le même : fragiliser un concurrent
politique, un candidat à la présidence de la République. Avec son
leadership et sa popularité, Moïse Katumbi fait peur au camp Kabila.
Je connais les méthodes du régime en place à Kinshasa. En 2002, j’en
ai été également victime lorsque je m’étais déclaré candidat pour la
présidence de la transition. La justice m’a condamné à perpétuité
dans une affaire de meurtre d’un Grec, là encore montée de toutes
pièces. La Cour suprême m’avait finalement blanchi, reconnaissant ainsi
qu’il s’agissait d’une condamnation politique.
Ce n’est pas fini. Le pouvoir va continuer à utiliser ces méthodes
pour diaboliser Moïse Katumbi. Comme moi il y a quelques années, il sera
bientôt accusé d’entretenir une rébellion pour déstabiliser le pays.
En attendant, Moïse Katumbi a été condamné à trois ans de prison. Que vous inspire ce verdict ?
C’est un faux jugement. Il ne vaut rien. La procédure a été bafouée
tout au long de l’instruction. Récusée par une instance judiciaire
supérieure, la juge du tribunal de paix de Kamalando est passée outre et
continuer à siéger. Elle a ignoré les attestations médicales et le
document du parquet général de la République autorisant Moïse Katumbi à
aller se soigner à l’étranger.
Pis, cette juge a rendu sa décision au lendemain de la prise de
l’affaire en délibéré, sans donner la parole à la défense. L’un de ses
collègues a même refusé de signer le verdict et a fait l’objet
d’intimidation de la part de services de renseignement.
Que répondez-vous à ceux qui, au sein de la Majorité
présidentielle (MP), soutiennent que les ennuis judiciaires de
l’opposant Katumbi ne sont que la conséquence d’infractions de droit
commun qu’il aurait commises régulièrement ?
Comment expliquent-ils le fait que Moïse Katumbi soit poursuivi dans
cette affaire de spoliation alors qu’il n’est pas propriétaire de
l’immeuble ? Il a été condamné parce qu’il s’est déclaré candidat à la
présidentielle à venir.
Cette condamnation de Katumbi aura-t-elle une incidence sur
les tractations en cours entre l’opposition, la majorité au pouvoir et
le facilitateur Edem Kodjo en vue de la tenue d’un dialogue politique
inclusif en RD Congo ?
Kabila a tout mis en oeuvre pour s’accrocher au pouvoir.
Nous n’acceptons pas de dialogue convoqué par le président Joseph
Kabila. D’autant que c’est lui le problème : il veut s’accrocher au
pouvoir et a tout mis en oeuvre pour que la présidentielle ne se tienne
pas dans les délais constitutionnels.
Qu’à cela ne tienne, l’opposition va continuer à dénoncer cette
fausse condamnation de Katumbi de toutes ses forces. Nous allons
l’attaquer sur la forme et sur le fond pour obtenir son annulation.
Regroupée autour d’Étienne Tshisekedi, l’opposition exige
également la libération des prisonniers politiques. Est-ce un préalable à
la participation de ce dernier au dialogue politique ?
Nous avons récemment rencontré le facilitateur Edem Kodjo et nous lui
avons rappelé que nos conditions demeurent incontournables. Nous
exigeons en effet la libération de tous les prisonniers politiques,
l’arrêt de tous les procès politiques et la présence des États-Unis dans
le panel de la facilitation. Si les Américains sont impliqués dans le
dialogue, ils veilleront à l’exécution des résolutions qui seront
adoptées lors du dialogue.
Comment le « comité des sages » de l’opposition, dont vous faites partie, a-t-il reçu la décision du département du Trésor américain de geler des avoirs du général Célestin Kanyama, chef de la police à Kinshasa ?
C’est une décision qui nous réconforte et nous la saluons. Nous ne
cessons de dénoncer les agissements de ce régime qui dérive vers la
dictature.
jeuneafrique.com

