
"… Je voudrais dire à mes frères présidents des autres pays que
l’alternance est inévitable en Afrique
et en Afrique de l’Ouest…"
[Tribune] Ces propos tenus lors du 3e Congrès ordinaire du RDR, le 10 septembre 2017 par le président ivoirien, M. Alassane Ouattara, répondent en écho à l’un des événements politiques africains majeurs de la fin de cette année : les manifestations des populations togolaises quasiment toutes les semaines depuis le 19 août 2017, dans plusieurs régions du Togo.
Ces événements, similaires à ceux de la Gambie en début 2017,
et du Burkina Faso en octobre 2014, sont l’indication d’un progrès en
matière démocratique en Afrique de l’Ouest. En effet, tout se passe
comme si les citoyens s’accordaient progressivement et très largement
(cf. graphique ci-dessous) sur des valeurs indispensables à la
consolidation de la démocratie, notamment la limitation des mandats et
l’alternance.
Au Togo, 85% des citoyens sont en faveur de la limitation
des mandats présidentiels à 2, en Côte d’Ivoire ils sont 84% et en
Guinée, 85%. Peut-on alors être surpris de la réaction des Togolais qui
réclament depuis la mi-août, entre autres, la limitation des mandats ou
si demain, Ivoiriens ou Guinéens prenaient les rues pour exprimer leur
désapprobation si les rumeurs qui courent, que leurs présidents
tenteraient de se maintenir au pouvoir, devaient se confirmer ?

Mieux, les citoyens de la région semblent faire progressivement le lien
entre leurs conditions de vie et les performances des gouvernants. Par
exemple, entre 2015 et 2016, sur 10 élections présidentielles, 5 des
sortants (candidats, partis) ont perdu directement (Ghana, Gambie,
Nigeria) ou non (Bénin) ou par abandon (Cap-Vert) les élections pourtant
organisées par eux-mêmes. Une véritable révolution puisqu’entre 1990 et
2014, seuls 3 présidents sortants ont perdu les élections.
Ces progrès sur le front des élections ne devraient pas
cacher les défis majeurs qui restent au sujet du fonctionnement et des
performances des institutions démocratiques. Ici, la situation, au
mieux, évolue en dents de scie. Ainsi, afin de faire respecter la
volonté exprimée par les Gambiens lors de la présidentielle de décembre
2016, la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest) était très engagée, au point de recourir à l’emploi de la force
militaire. La même CEDEAO semble impuissante, quasiment paralysée
devant la crise actuelle au Togo, Même si les situations en Gambie au
début 2017 et au Togo en fin 2017 ne sont pas exactement les mêmes, la
réaction de la CEDEAO semble pour le moins passer du jour à la nuit.
Les progrès sur le front des institutions démocratiques sont non seulement faibles mais réversibles
Par ailleurs, les difficultés rencontrées dans l’organisation des élections
au Ghana en fin 2016 et au Sénégal en juillet 2017 montrent bien que
même dans les pays considérés comme modèles en matière électorale dans
la région, des défis demeurent. Pire, il semble difficile pour les pays
de la région de consolider leurs institutions démocratiques sur la base
de leurs expériences. Ces dernières années, les réformes
constitutionnelles sont soit bloquées (Bénin, Ghana, Libéria, Sierra
Léone, Mali …), soit controversées, instrumentalisées (Sénégal, Côte
d’ivoire…). Comme si, dans la région, nous n’étions pas capables
d’apprendre de la pratique de la démocratie pour l’améliorer.
En guise de conclusion, les populations ouest-africaines
entrent progressivement dans leur rôle de citoyens alors que les progrès
sur le front des institutions démocratiques sont non seulement faibles
mais réversibles. Pour relever ces défis, la contribution de tous est
nécessaire à commencer par celle de nos gouvernants dont nous attendons
au minimum des positions très claires sur les valeurs cardinales de la
démocratie et de la bonne gouvernance. Le Président Ouattara l’a fait
par rapport à l’alternance et pour nous, en paraphrasant Petit Denis, grand Zouglouman ivoirien devant l’Eternel, « Ce qui est dit est dit ».
Source:jeuneafrique.com