Nouvelle étape dans le
bras de fer entre Donald Trump et CNN: la chaîne a attaqué mardi en
justice
l'administration Trump pour avoir supprimé l'accréditation d'un
de ses journalistes après un échange houleux avec le président, la
Maison Blanche criant de son côté à la "démagogie".
"CNN a assigné l'administration Trump en justice devant un
tribunal fédéral de Washington", a annoncé une des journalistes de la
chaîne. "Elle demande le rétablissement de l'accréditation de son
correspondant en chef à la Maison Blanche Jim Acosta", a-t-elle indiqué.
"Il est très clair que la décision (de retirer l'accréditation) a été
prise sur la base du contenu de sa couverture" et porte atteinte au
Premier amendement sur la liberté d'expression, a déclaré en direct Ted
Boutrous, l'avocat de CNN.
Donald Trump "a plusieurs fois attaqué et défié CNN et M. Acosta",
a-t-il ajouté. "On ne peut pas accepter que la Maison Blanche jette les
gens dehors juste parce qu'elle n'aime pas ce qu'ils couvrent".
"C'est encore de la démagogie de la part de CNN, et nous allons nous
défendre vigoureusement", a répliqué la porte-parole de la Maison
Blanche Sarah Sanders dans un communiqué, en soulignant que CNN détenait
au total près de 50 accréditations.
CNN, dont la relation conflictuelle avec Donald Trump est une
constante depuis l'arrivée du milliardaire à la Maison Blanche, a assuré
avoir tout fait pour éviter d'aller devant les tribunaux, intercédant
depuis vendredi auprès de l'administration Trump pour qu'elle réinstaure
l'accréditation supprimée.
"Une personne horrible!"
"La Maison Blanche a en gros ignoré nos demandes. Nous n'avions pas
d'autre choix que de les assigner en justice", a assuré M. Boutrous.
La Maison Blanche avait annoncé le retrait de l'accréditation de Jim
Acosta, une sanction inédite, après un échange particulièrement houleux
mercredi dernier entre le journaliste et le président, lors d'une
conférence de presse à la Maison Blanche.
M. Acosta avait, dans ses questions, critiqué notamment la façon dont
M. Trump avait, pendant la campagne pour les législatives américaines
du 6 novembre, présenté comme une menace la "caravane" de plusieurs
milliers de migrants centraméricains faisant marche vers la frontière
américano-mexicaine.
"Vous êtes très impoli et une personne horrible!", avait rétorqué
Donald Trump, en réponse au refus du journaliste de rendre le micro,
après avoir posé plusieurs questions.
La Maison Blanche avait ensuite annoncé la suspension de
l'accréditation de M. Acosta "jusqu'à nouvel ordre", en la justifiant
non par les questions insistantes de Jim Acosta, mais par ce qu'elle
avait présenté comme son comportement déplacé envers une jeune stagiaire
chargée de récupérer le micro.
Mardi, la Maison Blanche n'a pas repris cet argument, soulignant
uniquement le refus de Jim Acosta de rendre le micro après plusieurs
questions.
"Le Premier amendement n'est pas honoré lorsqu'un seul journaliste,
sur plus de 150 présents, tente de monopoliser la parole", a estimé
Sarah Sanders. "S'il n'y a pas de sanction pour ce genre de
comportement, cela nuit à la capacité du président, du personnel de la
Maison Blanche et des membres des médias de faire leur travail".
Depuis son arrivée au pouvoir, le président américain critique en
particulier CNN - mais aussi de nombreux autres médias américains, la
chaîne conservatrice Fox News exceptée - pour leur couverture qu'il
considère comme négative de sa présidence.
Il a qualifié à plusieurs reprises les médias d'"ennemis du peuple".
L'association des journalistes de la Maison Blanche a indiqué mardi "soutenir fermement" CNN dans cette affaire.
Révoquer l'accréditation "constituait une réaction disproportionnée
aux évènements de mercredi", a indiqué l'association dans un communiqué.
"Le président des Etats Unis n'a pas à choisir les hommes ou les femmes
qui le couvrent."
L'institut Knight de l'université Columbia, spécialisé dans la
défense de la liberté de la presse, a également estimé que l'assignation
en justice était "entièrement justifiée".
En attendant une réaction de Donald Trump lui-même, CNN a rediffusé
des extraits d'un enregistrement audio du milliardaire, lorsqu'il
n'était encore que candidat à la présidence mais déjà très critique des
médias, au point de bannir plusieurs médias de ses meetings électoraux.
Dans cet enregistrement, il assurait que s'il était élu président des
Etats-Unis, ce serait différent, il ne prendrait jamais une telle
mesure.
L'avocat de CNN a indiqué espérer obtenir très vite une injonction
temporaire de restitution de l'accréditation de M. Acosta, en attendant
une décision à plus long terme.

