
Au Gabon, premier conseil des ministres ce vendredi sans Ali Bongo Ondimba toujours hospitalisé en Arabie saoudite. Ce conseil qui sera présidé par le vice-président de la République Pierre-Claver Maganga Moussavou a été possible grâce à une décision de la Cour constitutionnelle qui a écrit un nouvel alinéa sur l’article 13 relatif à la vacance du pouvoir. La classe politique gabonaise et la société civile sont choquées.
Tout est parti de la décision prise mercredi soir par la Cour
constitutionnelle d'autoriser le vice-président gabonais à présider un
Conseil des ministres, en l'absence du président Ali Bongo empêché. Or
l'article 13 de la Constitution ne parle uniquement que de « vacances de
poste » ou « d'empêchement définitif » du président de la République.
La Cour constitutionnelle a dû donc rajouter à cet article le cas
« d'indisponibilité temporaire » du président pour pouvoir autoriser la
ténue de ce Conseil des ministres.
Sinon, explique un constitutionnaliste gabonais, elle n'avait d'autre
choix que de reconnaître la vacance de poste et d'enclencher une
transition dirigée par le président du Sénat, qui doit ensuite organiser
les élections 60 jours au plus tard.
Plusieurs membres de la société civile sont très remontés contre la Cour constitutionnelle qui a écrit cette nouvelle disposition de la Constitution. « La Cour constitutionnelle a mis à terre la Constitution et instaure ainsi un Etat anarchique, s'insurge Noël Bertrand Boundzanga, porte-parole de l'ONG Brainforest. Ça a tout l’air d’un coup d’Etat constitutionnel. »
La Coalition pour la nouvelle République de Jean Ping a aussi
promptement réagi en appelant le peuple à un sursaut patriotique et à
défendre sa souveraineté. Jean Eyeghe Ndong parle ainsi d’un « acte assimilable à un coup d’Etat » et s’interroge sur les motivations de la Cour constitutionnelle. « Nous
dénonçons la direction, je dirais, irresponsable de la vacance du
pouvoir qui n’est pas déclarée. Nous nous interrogeons sur les desseins
inavoués de la Cour constitutionnelle. »
Même intransigeance de la part de Jean Christophe Owono Nguéma, sixième vice-président du Sénat représentant l’opposition. « La
Cour constitutionnelle n’a pas le droit de modifier la Constitution et
de se mettre au-dessus du peuple gabonais. C’est inadmissible, c’est
inacceptable. »
Un « amendement temporaire »
La présidente de la Cour constitutionnelle s’inscrit en faux contre
toutes ses accusations, en expliquant que l’article 83 qui fait de sa
cour « un organe régulateur du fonctionnement des institutions », leur donne la prérogative de créer un « amendement temporaire ».
« La décision que la cour prend pour régler une situation qui n’a
pas été prise en compte au moment de l’adoption de la Constitution
permet de régler provisoirement une situation, assure Marie-Madeleine Mborantsuo. Et
au moment de la révision de la Constitution dans quelques mois ou
quelques années, le constituant pourra prendre une décision définitive. » Mais ses arguments peinent à convaincre l’opposition.
Le porte-parole du gouvernement Guy-Bertrand Mapangou vient de donner aujourd'hui des nouvelles de Bongo, dans un article de Jeune Afrique. Il assure « qu’il se porte de mieux en mieux », avant d'ajouter que « le
Premier ministre et son gouvernement se sont immédiatement mis au
travail dans cet esprit de la continuité de l’État prévue par la
Constitution », en se basant justement sur cette décision contestée du Conseil constitutionnel.

