
Dix ans après leur duel hors des urnes, Marc Ravalomanana et Andry
Rajoelina se retrouveront de
nouveau face à face, cette fois-ci pour le
second tour de l'élection présidentielle malgache. Après l'annonce des
résultats de la première manche, samedi 17 novembre par la Ceni, retour
sur les principaux enseignements du scrutin.
Presque une décennie plus tard, le duel se reproduira entre
les deux anciens présidents malgaches Marc Ravalomanana et Andry
Rajoelina. En 2009, le premier avait perdu le pouvoir au profit du
second, mais sans passer par les urnes.
Samedi 17 novembre, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a proclamé les résultats provisoires de l’élection présidentielle. Dans leur annexe de Nanisana, dans le nord d’Antananarivo, les commissaires ont donné en tête Andry Rajoelina, avec 39,19%, talonné par Marc Ravalomanana, crédité de 35,29% des voix. Quant au président sortant, Hery Rajaonarimampianina, il échoue en troisième position (8,84%).
Seuls six des 36 candidats dépassent les 1%. Le quatrième, André
Christian Dieudonné Mailhol dit Pasteur, plafonne à 1,27%. Le chanteur
Dama, du célèbre groupe malgache Mahaleo, reste à 0,33%, tandis que
l’ancien président Didier Ratsiraka, surnommé l’Amiral rouge, ne dépasse
pas les 0,45%.
Le centre pour Ravalomanana, la côte pour Rajoelina
Selon les tendances régionales du 15 novembre, alors que 80% des
bureaux de vote étaient dépouillés, le centre de l’île tombe globalement
dans l’escarcelle de Marc Ravalomanana. Les régions côtières, plus
nombreuses mais chacune moins peuplée, reviennent au candidat Andry
Rajoelina. Quant à « Hery », il réalise son meilleur score (40%) dans la
région Sava (nord-est) – la seule qu’il remporte sur 22.
Cette répartition suit, peu ou prou, celle du second tour de la
présidentielle de 2013, entre Hery Rajaonarimampianina et Jean-Louis
Robinson, respectivement soutenus par Andry Rajoelina
et Marc Ravalomanana. À l’époque, les deux ténors de 2018 n’avaient pas été autorisés à se présenter.
et Marc Ravalomanana. À l’époque, les deux ténors de 2018 n’avaient pas été autorisés à se présenter.
« Désintérêt pour la politique »
Cette année, le taux de participation atteint 54,32%. Un chiffre tout
juste au-dessus de celui du second tour de 2013 (50,72%), mais
inférieur à celui du premier tour, où 61,56% des électeurs s’étaient
déplacés. Cette baisse s’inscrit dans une tendance de long terme à
Madagascar. En 1992, la participation atteignait par exemple 74%. Mais,
plus important, le rapport du nombre de votants par rapport à la
population n’a cessé de baisser depuis 1992, partant de 37,7% pour
atteindre 17,03% en 2013.
En choisissant le même duel qu’en 2009, les citoyens malgaches ont décidé de faire revenir le pays dix ans en arrière
« Ces chiffres marquent un désintérêt de la population pour la politique malgache », commente Toavina Ralambomahay, auteur de Madagascar dans une crise interminable
(L’Harmattan, 2011). Mais plus que du désintérêt, le journaliste et
juriste parle aussi d’une « effarante léthargie collective ». « En
choisissant le même duel qu’en 2009, les citoyens malgaches ont décidé
de faire revenir le pays dix ans en arrière, poursuit-il. Il n’y a pas
d’alternative aujourd’hui. On se retrouve avec les anciens qui ont déjà
divisé le pays. »
L’homme ne se dit pas pour autant surpris. « Ma génération n’a pas
préparé autre chose. En cinq ou dix ans, nous n’avons pas construit de
véritable opposition ». Car selon lui, malgré les joutes politiques,
parfois violentes, « tous les candidats ont le même programme. Ils
veulent tous faire des routes, des hôpitaux, des aéroports, des ports…
Comme n’importe quel gouvernement. Mais c’est vide d’idéologie et de
projet de société. »
Une possible « annulation » ?
Les résultats de la Ceni tombent après une série de contestations
contre le processus électoral et contre l’institution elle-même. Les
attaques ont débuté en même temps que la campagne, et se sont
intensifiées après le scrutin du 7 novembre. Dès début octobre,
« Conférence souveraine », un collectif d’une vingtaine
de candidats, affirmaient que les élections subiraient des « fraudes
massives », demandant un « assainissement », et donc un report.
Aujourd’hui, ils évoquent une possible « annulation » du scrutin si
les autorités ne parviennent pas à régler les anomalies électorales.
« Si les tensions entre les Malgaches deviennent trop fortes, il vaut
mieux annuler », renchérit Max Fabien Andrianirina, coordinateur de
ce mouvement créé le 25 octobre.
Le camp de « Hery » s’est ouvertement rapproché d’eux. Mercredi 14
novembre, des responsables des deux parties se sont retrouvés dans le
gymnase couvert d’Akorondrano, en bordure de la capitale, pour un
meeting. À la tribune, de simples citoyens ont raconté les fraudes dont
ils disent avoir été témoins.
Ravalomanana va déposer des « requêtes »
Cette semaine, le camp d’Andry Rajoelina a aussi dénoncé de
nombreuses anomalies, mais a concentré sa critique sur le traitement
informatique des résultats, pas sur le déroulement des opérations de
vote. Les observateurs du candidat au siège de la Ceni se sont retirés
mardi 13 novembre, dénonçant un manque de transparence et affirmant
qu’il était « difficile de se fier aux résultats provisoires publiés par
la CENI ». Samedi, le candidat arrivé en tête a tweeté : « Je soutiens
la vraie démocratie et regrette que le traitement des résultats par la
CENI n’ait pas été transparent. Cela ne nous empêchera [pas de
gagner]. »
Quant aux équipes de Marc Ravalomanana, après avoir accusé la Ceni
d’avoir touché de l’argent, elle ont annoncé qu’elles allaient engager
des recours. « Nous allons déposer des requêtes auprès de la Haute Cour
constitutionnelle. En attendant, nous nous engageons dans le deuxième
tour avec espoir », a déclaré Rabenja Tsehenoarisoa, directeur de
campagne de Marc Ravalomanana, à l’issue de la proclamation des
résultats.
Tous les regards sont braqués sur les « sages », qui disposent de neuf jours pour proclamer les résultats définitifs
C’est la Haute Cour constitutionnelle qui traitera les contentieux
électoraux. Tous les regards sont donc désormais braqués sur les
« sages ». À partir d’aujourd’hui, ils disposent d’un délai de neuf
jours pour proclamer les résultats définitifs. Leurs équipes ont
commencé depuis samedi 10 novembre à vérifier, jour et nuit, l’ensemble
des 24 582 procès-verbaux. S’ils confirment les chiffres provisoires de
la Ceni, le second tour aura lieu le 19 décembre.
Par Jeune Afrique

