
Le
cardinal australien a été reconnu coupable en décembre d'agression
sexuelle sur deux enfants de
choeur dans la sacristie de la cathédrale
Saint-Patrick de Melbourne dans les années 1990. Le Saint-Siège a
exprimé mardi son «profond respect» pour la justice australienne.
C'est le plus haut responsable du Vatican a être condamné pour pédophilie. Le cardinal George Pell, numéro trois du Vatican, a été reconnu coupable en décembre de crimes sexuels sur mineurs en Australie,
a annoncé mardi un tribunal australien. L'agression se serait produite
contre deux enfants, dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de
Melbourne dans les années 1990.
«C'est une nouvelle douloureuse
qui, nous en sommes bien conscients, a choqué beaucoup de monde, pas
seulement en Australie», a réagi mardi le Saint-Siège dans un
communiqué. «Comme nous l'avons déjà fait plusieurs fois, nous
réaffirmons notre plus profond respect pour les autorités judiciaires
australiennes», ajoute le communiqué.
Pour ceux qui l'admiraient, le cardinal Pell, 77 ans, incarnait avec
son imposante silhouette, son éloquence et son franc-parler, le
traditionalisme catholique australien. Il est désormais le visage d'une institution profondément salie par la pédophilie.
La levée, mardi, de l'obligation de silence qui était imposée par la
justice autorise désormais les médias à faire état de cette condamnation
infamante.
Ascension rapide
Né en 1941, le cardinal Pell
a grandi à Ballarat, une ville de l'Etat de Victoria qui doit sa
prospérité à la ruée vers l'or australienne du XIXème siècle. Membre
enthousiaste de l'équipe de débatteurs de son université, il jouait
aussi les premiers rôles dans les productions théâtrales scolaires et
excellait au football australien. Sa mère, fervente catholique, fut
vraisemblablement comblée, selon la presse australienne, que son fils
réponde à l'appel de la religion. Son père, un anglican, ne comprit pas
que l'athlétique George rejette un contrat en or avec l'une des équipes
de football australiennes les plus en vue du pays.
C'est à Rome
qu'il mène une partie de ses études religieuses avant d'être ordonné
prêtre dans le diocèse de Ballarat en 1966. Son ascension fut rapide
jusqu'à être nommé archevêque de Melbourne en 1996 puis de Sydney en
2001, à l'instigation du pape Jean-Paul II. Il est inclus en 2003 dans
le puissant Collège des cardinaux, siégeant aux conclaves qui élisent
Benoît XVI puis François.
Nommé secrétaire à l'Economie en 2014
Il était encore archevêque de Sydney quand le pontife argentin, tout juste élu, l'a choisi en mai 2013 pour faire partie du conseil de neuf cardinaux (C9)
chargés de l'aider à réformer la Curie, le gouvernement du Vatican.
Puis en février 2014, il devient secrétaire à l'Economie, véritable
numéro trois du Vatican, chargé d'une révolution: regrouper des services
et soumettre leur gestion à des normes internationales strictes et
transparentes.
Devant ses fidèles comme devant l'opinion
publique, le cardinal Pell défend les valeurs traditionnelles du
catholicisme. Tenant de la ligne dure sur des sujets comme l'euthanasie
ou le mariage gay, il rejette aussi la science du climat ainsi que les
critiques contre la politique répressive menée par l'Australie envers
les demandeurs d'asile. «Le cardinal Pell est l'un des plus grands
hommes d'Eglise que l'Australie ait jamais eu», avait jugé sans détour
l'ex-remier ministre conservateur Tony Abott.
Entendu par une commission d'enquête sur la pédophilie
Sa
réputation en a cependant pris un coup ces dernières années avec des
accusations selon lesquelles il aurait couvert des abus sexuels commis
par des prêtres dans l'Etat de Victoria quand il y exerçait son
ministère. Une enquête nationale portant sur les réponses
institutionnelles apportées en Australie aux abus sexuels commis sur des
enfants entre 1950 et 2010 a conclu que 7% des prêtres avaient été
accusés d'actes pédophiles. Ces accusations n'avaient donné lieu à
aucune enquête.
Le cardinal Pell avait été entendu à plusieurs
reprises par la commission d'enquête au sujet des prêtres pédophiles du
diocèse de Ballarat dans les années 1970 et 1980. Il présenta ses
excuses au nom de l'Eglise mais assura n'avoir aucun souvenir de
plaintes reçues pour des crimes commis par des membres de l'église. Il reconnut néanmoins avoir «failli» dans sa gestion des prêtres pédophiles
dans l'Etat de Victoria dans les années 1970. Mais il assura notamment
avoir été trompé par la hiérarchie catholique sur ce qui se passait
réellement à une époque de «crimes et de dissimulation».
Dans ses
tentatives pour dédouaner l'Eglise, le cardinal fort en gueule
multiplia cependant les déclarations maladroites: «Si un chauffeur
routier prend une femme en stop et l'agresse, je ne crois pas qu'il soit
juste que la société de transport soit tenue pour responsable»,
avait-il ainsi lancé en août 2014.
L'étoile
du cardinal a cessé de briller quand aux accusations d'avoir couvert
des prêtres pédophiles se sont ajoutées celles d'avoir été un agresseur,
qui lui ont valu d'être condamné en décembre.
L'ancien archevêque de Sydney et Melbourne avait pris congé de ses fonctions au Vatican pour rentrer en Australie se défendre.
En décembre, au lendemain de sa condamnation qui était encore couverte
par le secret, le Saint-Siège avait annoncé que le cardinal quittait le
cercle de proches conseillers du pape. Désormais passible d'une peine de
prison, son avenir au sein de l'Eglise est incertain.
George
Pell, qui a annoncé son intention de faire appel, reste pour l'heure à
la tête du secrétariat pour l'Economie, soit le troisième plus haut
personnage de la hiérarchie catholique. Cet organe avait été institué
par François le 25 février 2014 pour mettre de l'ordre dans les finances
du Saint-Siège. L'échéance de ce poste clé de cinq ans tombait donc ces
jours-ci.
Par lefigaro.fr

