
Cameroun: L'interview au journal Mutations Mamadou Mota 1er Vice Président du MRC réalisé par
les journalistes Jean De Die Bidias et Florentin Ndatewouo
Question: Avant votre propulsion à la première vice-présidence du
MRC, vous étiez inconnu du grand public. Qui est Mamadou Mota ?
MM: Je suis ingénieur agronome, formé à la Faculté d'agronomie et des
sciences de Dschang, promotion 1999-2004. Je suis zootechnicien,
c'est-à-dire que je suis spécialiste en production animale. Sur le plan
professionnel, j'ai été intégré à la fonction publique camerounaise que
j'ai ensuite abandonnée parce qu'on m'a affecté comme délégué
d'arrondissement à Dschang. Cela veut dire que, vous prenez un général,
vous l'affectez dans une brigade parce que vous voulez le faire taire.
Je suis expert des projets, j'ai piloté plusieurs projets dont certains
de l'Union Européenne, en sécurité alimentaire. Je suis marié. J'ai
trois enfants, protestant de confession.
Question: En l'absence
de Maurice Kamto, emprisonné, vous assurez une sorte d'intérim non
formalisé. Comment conduisez-vous ce parti ?
MM: Je ne suis pas
Président par Intérim du MRC. Je gère les affaires courantes. Mr Kamto
n'est pas déporté, il est au Cameroun. Le MRC n'est pas un individu,
c'est un état d'esprit. Voyez-vous, le Camerounais voit l'homme
politique comme celui qui est fiancièrement très assis, ou ayant une
envergure genre 2 mètres 15; la politique ce n'est pas cela. Sur le plan
personnel, je puis vous dire que la gestion des humeurs des populations
ponctue la vie de la profession que je me suis donné de faire toute ma
vie durant. Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun est un parti
politique bien structuré et bien organisé, où chaque aspect d'un secteur
de développement est affecté à un spécialise bien précis. Nous avons un
présidium, constitué de 04 vice-présidents, et du président Kamto; nous
avons des sécrétaires rompus à la tâche. L'absence du président Kamto
ne peut pas faire en sorte que le MRC baisse les bras. De toute facon,
pour nous, le président Kamto sera libéré par tous les moyens que nous
avons en notre possession. Le Cameroun est une République et comme
j'aime bien à le dire, en République il n' y a pas d'impuissance. Si
monsieur Biya nous dit que nous sommes dans une dictature, nous baissons
les bras. Mais tant qu'il nous dira que nous sommes en République, nous
allons tout faire pour libérer monsieur Kamto. Ce n'est pas normal
qu'on embastille les opposants.
Question: Dans l'opinion, il y'en
a qui pensent que le MRC a été décapité. A preuve, les manifestations
prévues les 02 et 08 février derniers ont été annulées, et on ne parle
presque plus des " marches blanches "
MM: C'est moi qui les
annule, parce que ce régime avait recruté des agents pour inflitrer la
marche et casser. Il est inadmissible qu'on m'appelle et me demande de
ne pas me mettre devant la marche parce qu'on a recu l'ordre de tirer.
Je ne peux pas marcher, et mettre la vie des personnes en danger alors
que je suis derrière par peur. Ca je ne le ferai pas. Nous avons reporté
les marches, mais nous allons marcher. Si pour Biya, arreter Kamto fera
peur aux gens, ou tirer sur madame Ndoki, Celestin Djamen et les cinq
autres camarades, il se trompe. D'ailleurs, nous avons marché à Maroua.
Pourquoi n'ont-ils pas arrêté les gens à Maroua ? Allez chez vous,
laissez les affaires des Bamilékés, ont-ils dit à nos manifestants de
Maroua. Mais, jusqu'à quand mes chers compatriotes on va
instrumentaliser les Camerounais sur le champ du tribalisme ? J'ai fait
l'école à Dschang. Je suis marié à une fille anglophone de Mambila.
Qu'est-ce que sont mes enfants ? Quand un peuple refuse de construire
chez les autres, pourquoi devrait-il s'en prendre à un autre qui
contruit ? Je suis de la région de l'Extrême-Nord. Je connais la maison
d'un seul Bulu dans le grand Nord, celle de Motaze qui a épousé notre
fille. Pourquoi est-ce que les gens, parce qu'ils veulent maintenir un
pouvoir illégitime mal acquis, veulent diviser le Cameroun ? Ils ont
déja réussi dans le Nord-Ouest. Mais si nous les francophones acceptions
cette situation, ca ne sera pas contre Kamto, ca sera contre tout le
monde. Même le journalisme en pâtira. Vous ne seriez pas capables
d'écrire ce que vous êtes en train d'écrire aujourd'hui si vous étiez en
Corée du Nord; et c'est ca qui s'installe aujourd'hui au Cameroun. Ce
que nous sommes en train de vivre au Cameroun est pire qu'en Corée.
Combien de personnes dans cette salle ont déja voyagé dans le Cameroun
pour comprendre la réalité de la souffrance des Camerounais ? Les
Camerounais souffrent de la faim. Lorsque vous ne pouvez pas marcher
dans votre pays parce que vous n'avez pas les moyens de vous offrir le
luxe de connaitre votre pays, c'est un handicap majeur. Combien de
personnes dans cette salle ont 200 m2 pour se bâtir une maison ? Nous
nous sommes enfoncés très bas et cela, sous notre regard complice,
peut-être par peur. Mais, la peur consolide ce régime. Vous avez vu les
nominations fantaisistes. On prend un jeune homme qui n'a pas géré des
vigiles, on le bombarde directeur général de l'Enam (Ecole nationale de
l'administration et de magistrature), et on fait comprendre aux
Camerounais qu'il a de l'expérience. Ce garcon a déja géré 2 millions de
Fcfa ? Soyons sérieux !. Le tribalisme c'est quand Cavaye met 40 de ses
enfants dans la haute administration avec des faux diplômes; c'est
lorsqu'ils se marient entre eux pour nous maintenir dans un état de
servitude. Ils ont créé une tribu des riches et des plus forts, prêts à
tirer sur les pauvres, ceux qui n'ont pas de pouvoir.
Question:
Vous êtes originaire de Tokombéré dans l'Extrême-Nord, avez-vous
l'impression que les populations de cette localité adhèrent au projet de
renaissance du Cameroun ?
MM: Je suis un vice-président. Ce
n'était pas une faveur que le parti m'a fait. La délégation qui est
venue de l'Extrême-Nord, du Nord, de l'Adamaoua, était substantielle par
rapport au nombre de paricipants à la convention. Je peux mobiliser
près de 20 000 personnes dans mon fief politique. Le MRC a eu combien de
voix ? Ce que le Rdpc dit c'est qu'il a eu plus de 1000 voix. Ces voix
sortent d'où ? Alors qu'on sait que tout le monde a fui Kolofata.
Question: Dans votre localité, les chefs ont un pouvoir absolu sur les
populations. Comment les gens seraient-ils capables d'aller à l'encontre
du mot d'ordre d'un lamido ?
MM: Les chefs ont ce pouvoir sur
ceux qui l'acceptent. Je ne peux pas être assujetti à un chef qui viole.
Je vous dis, je n'aime pas les chefferies du grand Nord telles qu'elles
sont. Ce sont des chefferies qui exploitent des jeunes filles de 13
ans. Les parents prennent leurs filles de 13 ans et les donnent aux
chefs pour avoir la grâce aux yeux de ces chefs. Sur le plan humain,
c'est inacceptable. Je le dis et j'assume; les sultanats sont les
pilliers de la dictaure du Cameroun. Vous connaissez ce qui se passe à
Rey-Bouba ? Sur chaque sac de mais que vous produisez, on vous prélève
la somme de 1000 Fcfa. C'est une République dans une République.
Pourquoi devons-nous nous taire devant ce genre de dérives ? On défile
dans le Mayo-Rey, on vient arracher les cartes de tous ceux qui ont
défilé pour dire que Baba [le lamido, Ndlr] n'a pas dit. Baba c'est qui
dans une République ? Cavaye avait 08 bureaux de vote devant sa
cheffereie. Il a fait venir des réfugiés qui étaient affamés et leur a
dit: " si vous votez, je vous donne votre ration alimentaire ". Sur le
plan sociologique, sur le plan humanitaire, c'est une infraction très
grave.
Question: Comment réagirait le MRC si en juin, le
président de la République convoquait le corps électoral en vue des
législatives et municipales ?
MM: Déja, le hold-up que nous
dénoncons n'est pas suelement celui du 07 Octobre 2018. Il y'a eu des
hold-up et il y'en aura encore si rien n'est fait. Il y'a eu le 07
Octobre, il y'en a eu avant. en 1990, monsieur Biya n'a pas gagné.
Avons-nous peur de le dire ? Chez moi, c'est le Sdf (Social Democratic
Front) qui avait gagné. Tout cela parce qu'on voulait faire barrage à
l'Undp (Union national pour la démocratie et le progrès). Et qu'est-ce
qui s'est passé ? Monsieur Biya a volé. Si on ne fait rien, il va
continuer à voler. Mais, ce n'est pas lui de toute facon. Ce sont les
autres qui sont en train de préparer une succession dynamique. Il faut
que les médias camerounais qui ont encore en eux cette parcelle de
justice et d'équité parlent au peuple camerounais. Nous sommes entrain
d'aller tout droit dans le mur. Lorsqu'on nous endette à un rythme où
l'insolvabilité du Cameroun est mise en jeu, ca ne va pas seulement
faire mal aux partisans du MRC. Nous devons défendre notre intérêt
commun. La terre promise c'est le Cameroun. Que faisons-nous de cette
terre ? Nous l'avons laissée entre les mains des bandits. Ils ne
méritent aucun respect. Ils ont mis le Cameroun et les Camerounais au
niveau des besoins primaires, c'est-à-dire manger, boire et dormir. Or,
l'homme doit penser à l'expression de soi. Mais, pour peu qu'on donne
1000 Fcfa à un Camerounais, il vilipende sa famille. On a vu avec Momo,
qui rappelle des points sombres de l'humanité pour pouvoir obtenir un
poste. C'est aberrant et exaspérant.
Question: Est-ce que vous
irez aux élections législatives et municipales si le président de la
République décidait de convoquer le corps électoral dans les prochains
mois ?
MM: Nous irions. Vous savez pourquoi ils arrêtent le
président Kamto ? C'est parce que la où Paul Biya ira voter, le MRC
gagnera la commune. Je suis venu défier le régime de monsieur Biya. Si
je repars de Yaoundé sans qu'ils ne m'arrêtent, ses satrapes et lui,
alors ils sont des lâches. Le Plan National de Résisatnce continue. Je
l'ai dit, on va le relancer. La prison est faite pour les hommes. Que
monsieur Biya qui n'a pas consolidé l'outil de sa dictature sache qu'il
faut construire des prisons parce que sa dictature sera balayée dans les
prochains jours. Nous n'allons pas laisser ca. Nous allons marcher et
il va nous mettre en prison.
Question: La campagne d'adhésion massive au MRC que vous avez lancée au plan national porte-t-elle des fruits ?
Nous recrutons chaque jour. Cette campagne est prévue à Yaoundé, à
Bafoussam, à Douala. J'irai d'ailleurs à Douala pour dire aux gens que
nous défendons notre survie. Peut-être que nous ne l'aurons pas. On ne
vit plus la quarantaine passée. On se maintient pour les enfants. Ce que
nous faions c'est pour la postérité. Je vous assure, si nous ne faisons
rien, collectivement nous allons mourir. Si on ne m'arrête pas, c'est
parce qu'ils sont lâches. L'objectif du régime était d'arrêter ceux
qu'on voit tous les jours pour faire croire que le MRC se bâtit
uniquement autour d'eux
Mamadou Mota, 1er Vice-Président du MRC.

