
Six Etats africains figurent parmi les 20 du monde ayant le plus de femmes au Parlement. Le Rwanda arrive en première position, avec 61 % de femmes députées contre une moyenne mondiale de 24 %. Avec la Namibie, l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Mozambique et l’Ethiopie, ce pays marque une longueur d’avance africaine en matière de parité.
Les pays scandinaves et latino-américains ne sont plus les seuls à
pouvoir se targuer d’avoir fait le plus d’avancées en termes de parité
hommes-femmes dans la représentation politique. Premier de la classe
depuis plusieurs années, le Rwanda devance en effet dans cet ordre Cuba,
la Bolivie, le Mexique et la Suède, selon les chiffres 2019 de l’Union interparlementaire, un organisme suisse qui fait référence, en collectant les données à travers le monde.
Avec 46,2 % de femmes au Parlement, la Namibie se classe 7ème, entre
Grenade et le Costa Rica. Viennent ensuite l’Afrique du Sud et le
Sénégal, 10ème et 11ème avant la Finlande, avec environ 42 % de femmes
au Parlement respectivement. Quant au Mozambique (39,4 %), il se classe
17ème après la France, et l’Ethiopie (38,8 %) 19ème après l’Argentine.
Se distinguent également la Tanzanie, le Burundi, l’Ouganda, le
Zimbabwe, le Cameroun et l’Angola, avec plus de 30 % de femmes
parlementaires.
Des gouvernements paritaires en termes de genre dirigent par ailleurs
le Rwanda, les Seychelles et l’Ethiopie, où une femme est présidente
depuis octobre 2018. La diplomate Sahle-Work Zewde a ainsi quitté le
système des Nations unies pour rejoindre une liste d’une dizaine de
femmes ayant été chefs d’Etat en Afrique.
Des quotas dans les Constitutions
Ces progrès n’ont pas été sans volonté politique forte, pour battre
en brèche un patriarcat encore vivace. Plusieurs pays affichent aussi en
Afrique parmi les plus faibles niveaux de femmes députées au monde. Le
Nigeria se classe dernier (5,6 %), après le Bénin, la Centrafrique, le
Mali et le Botswana (entre 7 % et 9,5 %).
Dans certains pays en situation post-crise ou post-conflit, des
mesures fortes ont été adoptées en faveur de quotas. La Constitution de
2003, au Rwanda, a notamment établi « l’attribution d’au moins 30 % des postes aux femmes dans les instances de prise de décision de l’Etat ».
Un quota préconisé en 1995 par la Déclaration de Beijing lors de la
conférence mondiale sur les femmes, et largement dépassé depuis au
Parlement rwandais. Cette volonté politique « correspondait à la réalité du Rwanda après le génocide, les femmes représentant 70 % de la population »,
explique Tito Rutaremara, qui a participé à la rédaction de la
Constitution. Elle s’aligne aussi sur une politique de promotion des
femmes menée par le Front patriotique rwandais (FPR) à tous les niveaux.
Parmi les pays d’Afrique ayant inscrit un quota de 30 % de femmes au
Parlement dans leur Constitution figurent l’Ouganda (34,9 % de femmes
députées), le Burundi (36,4%), la Tanzanie (37,2 %) et le Sud-Soudan
(28,5 %). Au Kenya, un projet de loi
est en cours de discussion, pour faire passer les femmes au Parlement
de 22 % actuellement au tiers des sièges, comme le prévoit la
Constitution de 2010, qui tarde à être appliquée.
Lois électorales et quotas dans les partis
Au Sénégal, c’est une loi électorale sur la parité « absolue » qui a
tout changé en 2010. Adopté sous la pression d’une coalition de femmes
de tous les partis, le texte stipule que 50 % de femmes doivent figurer
sur les listes de tous les scrutins, avec un système précis alternant
hommes et femmes pour éviter que ne soient inscrits 10 hommes en
premier, et les femmes ensuite. Résultat : lors des législatives de
2012, la part des femmes au Parlement a bondi de 22 % à 42 %. La Côte
d’Ivoire a emboîté le pas le 7 mars 2019, en adoptant une loi
établissant un quota de 30 % de femmes sur les listes de candidats aux
législatives, sénatoriales et les élections locales.
D’autres pays voient les partis politiques remplir des quotas,
parfois de façon spontanée, sans contrainte légale. L’engagement
historique des femmes dans la lutte contre l’apartheid et la puissance
de la Ligue des femmes du Congrès national africain (ANC) expliquent
ainsi leur essor en politique en Afrique du Sud. L’ANC a adopté de son
propre chef un quota du tiers des candidates sur ses listes dès 1994.
Les femmes ne sont pas seulement présentes au Parlement, où elles
n’étaient que 2,7 % avant 1994. Elles sont aussi passées de 33 % à 41 %
des membres du gouvernement entre 2004 et 2016.
Des avancées purement cosmétiques ?
Certaines n’en contestent pas moins ces avancées comme peu
représentatives de l’état des sociétés concernées. Au Sénégal, la loi
sur la parité n’a rien changé à des inégalités de genre enracinées,
selon la sociologue et féministe Fatou Sow. « Il n’y a pas d’égalité dans une société patriarcale, estime-t-elle. Les
hommes dominent, même dans les organisations sociales matrilinéaires où
les oncles maternels et les frères occupent une place centrale. Les
hommes affirment par ailleurs que le discours sur l’égalité est "occidental". Ils estiment que la culture "porte le respect des mères", etc. L’opinion publique - quelquefois féminine hélas - en est généralement bien d’accord. »
En Afrique du Sud, l’essor des femmes en politique concerne aussi le
principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), qui compte
parmi les plus jeunes femmes noires députées avec Hlomela Bucwa, 25 ans,
et Gwen Ngweya, 28 ans. Au Rwanda, l’avancée des femmes en politique
est encadrée par l’hégémonie du Front patriotique rwandais (FPR), au
pouvoir. Deux opposantes qui voulaient se porter candidates à la
présidentielle, Victoire Ingabire et Diane Rwigara,
ont ainsi été emprisonnées avant d’être libérées, en septembre et
octobre dernier, peu avant que l’une des femmes les plus puissantes du
Rwanda, Louise Mushikawabo, ancienne ministre des Affaires étrangères,
n’accède au poste de secrétaire générale de la Francophonie.