
Des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD)
mettent en avant le rôle
prédateur des élites, la faiblesse de la
société civile et le tabou de la violence pour expliquer la trajectoire
singulière de la grande île de l’océan Indien.
Mireille Razafindrakoto, François Roubaud et Jean-Michel Wachsberger,
tous trois rattachés au centre de recherche Développement, institutions
et mondialisation (DIAL), ont tenté de comprendre l’« énigme »
malgache. Madagascar est en effet le pays n’ayant subi aucun conflit
majeur à s’être appauvri depuis son indépendance, en 1960. Dans leur
ouvrage L’Enigme et le paradoxe. Economie politique de Madagascar (IRD
Editions, 280 p., 32 euros), les trois chercheurs livrent quelques
pistes de compréhension. Une certitude ressort : les élections de 2013,
qui ont porté Hery Rajaonarimampianina au pouvoir, n’ont rien changé à
« la donne structurelle de l’équation malgache. Le déclenchement d’une
nouvelle crise peut intervenir à tout moment ».
En quoi consiste l’« énigme » malgache que vous avez identifiée ?
François Roubaud Parmi les pays en voie de
développement, Madagascar a suivi une trajectoire singulière. Depuis
près de soixante ans, l’île n’a cessé de s’appauvrir, et rien ne semble
pouvoir inverser cette tendance. Le revenu par habitant est inférieur
d’un tiers à ce qu’il était au moment de l’indépendance alors que, dans
le même temps, il a été multiplié par trois dans les pays d’Afrique
subsaharienne, dont les performances sont pourtant loin d’être
mirobolantes. Si l’on compare la situation avec celle de pays tels que
la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Bénin ou le Burkina Faso, on constate
que Madagascar s’est fait distancer économiquement, y compris par ceux
qui sont moins riches en ressources naturelles. Cette récession n’est
pas continue sur la période ; à de nombreuses reprises, une ébauche de
décollage a semblé possible, mais à chaque fois elle s’est soldée par
une crise majeure.
Source: Le Monde

