
La crise politique relative à
l’organisation très prochaine des élections dans le délai
constitutionnel,
que vit la RDC actuellement, est la résultante du
non-respect des lois et accords signés entre les acteurs politiques. En
effet, il y a de cela quelques mois, un accord dit de la Saint-Sylvestre
conclu entre le pouvoir et l’opposition le 31 décembre 2016, sous
l’égide de l’Église catholique, devait permettre l’organisation de ces
élections et éviter de nouvelles violences. Le président Kabila qui n’a
plus le droit de se représenter foule allègrement du pied cet accord et
multiplie des manœuvres dilatoires afin de se maintenir au pouvoir.
Mais, comment Kabila a-t-il réussi à s’accrocher au pouvoir?
Une force armée peu républicaine au service d’un homme
Sur le plan national, la première force
de Kabila est l’armée qui lui a prêté une allégeance jusque là
indéfectible. En 2014, le commandement des Forces armées de RD Congo
(FARDC) a été divisé en trois zones de défense dont les commandants
nommés par Kabila lui rendent directement compte. Ce qui explique sans
ambiguïté qu’il dirige en personne l’armée et s’en sert contre le
peuple. Par ailleurs, dans une série d’ordonnances lues à la radio et
télévision nationale congolaises et rapportée par Africanews en juillet
dernier, le président a nommé des hauts responsables à la tête de la
police nationale. Ce qui est curieux, c’est que ces nominations sont
intervenues dans un contexte de crise et concernent dans la plupart des
cas les villes dans lesquelles les mouvements populaires sont les plus
observés. Il serait donc difficile pour les nominés de ne pas faire la
volonté du chef. Le président Kabila fait ainsi usage abusif de son
pouvoir discrétionnaire sans oublier les faveurs et les privilèges
attribués généreusement aux chefs pour consolider son emprise sur les
forces de l’ordre.
Une opposition affaiblie et peu performante
L’opposition est au centre des pressions
pesant sur Kabila. Malheureusement ces pressions n’ont pas toujours
d’effets. Cette faiblesse vient d’abord du fait que l’opposition n’est
pas complètement unie en raison des différences d’idéologies et de
tactiques des « nouveaux leaders » de l’opposition. D’où le déficit de
sa crédibilité, notamment auprès des citoyens. Cela rend plus facile
d’étouffer les actions projetées par les forces de l’ordre en raison du
manque de mobilisation. Ensuite, les leaders de l’opposition sont
géographiquement diversifiés. Moise Katumbi, principal adversaire de
Kabila n’agit que depuis son pays d’exil, la Belgique. Cet éloignement
rend difficile la coordination des forces pour une riposte énergique.
Enfin, la disparition d’Etienne Tshisekedi n’est pas sans conséquences.
En effet, il faut dire qu’il était le seul qui prenait plus
d’initiatives citoyennes réunissant l’opposition face au régime de
Kabila. Mais depuis son décès, l’opposition manque de leader pouvant
diriger l’opposition. Les initiatives sont aussi de moins en moins
prises par cette nouvelle opposition et on assiste même à des défections
dans le rang de celle-ci. Tous ces facteurs justifient la faiblesse de
l’opposition. Mais cet accrochage de Kabila au pouvoir trouve aussi sa
cause dans la faiblesse des institutions démocratiques du pays.
Une mainmise de Kabila sur les institutions démocratiques de la République
L’emprise de Kabila sur les institutions
se manifeste sur plusieurs plans. D’abord, au niveau du parlement, il
dispose de la majorité. Cette majorité lui permet de modifier la
constitution comme ce fut le cas en 2006 et de faire voter des lois
permissives. Ensuite, le pouvoir judiciaire n’est souverain que sur le
papier. La Cour constitutionnelle est souvent menacée. Pour rappel,
elle devait siéger mi-octobre 2016 pour autoriser ou non la Commission
électorale nationale indépendante (Ceni) à organiser les élections
au-delà des délais constitutionnels. Mais quatre des membres ne
s’étaient pas présentés à l’audience. Or, la Cour ne délibère
valablement qu’en présence des neuf juges qui la composent. Jugeant
certains juges indociles, Kabila veut faire passer un ancien projet de
loi pour rompre l’équilibre constitutionnel de cette Cour. Ce projet de
loi qui a fait l’objet de renvoi devant le gouvernement en juin dernier
pour vice de procédure se trouve actuellement à l’hémicycle. S’il venait
à être adopté, la Cour constitutionnelle serait désormais autorisée à
délibérer avec cinq (5) juges. Ceci démontre bien la volonté de Kabila
d’avoir une mainmise sur des juges dociles même si les raisons avancées
par le gouvernement sont celles de la célérité administrative. De plus,
le président Kabila exerce également une certaine influence sur la
(Ceni), quand on sait qu’il en nomme le président sur proposition de la
société civile qui, elle aussi n’est pas toujours neutre.
Des soutiens extérieurs
Enfin, la force de Kabila vient de ses
soutiens étrangers. Au niveau régional, il y a Jacob Zuma qui a déployé
des troupes dans l’est de la RD Congo dans le cadre de la brigade
d’intervention de l’ONU. Aussi, la normalisation des relations entre la
RDC et le Rwanda est un atout pour lui. Les deux pays se sont mis
d’accord pour l’éradication des forces rebelles encore actives dans
leurs frontières et effectuer le rapatriement des ex-combattants. Avec
le Kenya, les relations sont beaucoup plus économiques que politiques.
Le port de Mombasa, représente une importante porte pour les
importations et exportations congolaises. Ce port permet l’exercice du
commerce extérieur. L’argent qui en résulte est géré par Kabila et lui
permet d’acheter les consciences et de consolider ainsi son pouvoir. En
disposant des finances de l’Etat, Kabila a les moyens de corrompre les
medias qui souvent, vantent les mérites et les grands travaux entrepris
par lui.
Somme toute, la concentration des
pouvoirs, l’emprise sur les ressources du pays et les soutiens étrangers
ont permis à Kabila de résister à la pression populaire. Dès lors, pour
obliger Kabila à respecter la démocratie il va falloir saper les
soutiens sur lesquels repose son ou ses pouvoirs. Un vrai défi qui exige
la mobilisation de forces internes et externes pour sortir le pays de
l’impasse politique dans laquelle il s’est empêtré.
RONELINGAYE Bakari Thomas
source: libreafrique.org

