
Mariée depuis moins d’une année à
son amour de jeunesse, avec la bénédiction de leurs parents et
sous les
hourras de leurs amis, Audrey n’est pas aussi heureuse qu’elle aurait
cru l’être. Celle qui fait sûrement des envieuses se retrouve perdue
devant l’étendue de l'engagement qu’elle a contracté.
Mon chevalier servant
Je
connais Levy depuis l’école. Pour être plus précise, il a pris ma
défense dans la cour de récréation alors qu’un plus grand voulait me
piquer mon goûter. J’étais au CE2. Il était au CM1. Il est devenu mon
héros ce jour-là. Vous connaissez ce sentiment qui vous fait remarquer à
compter de l’instant où vous remarquez quelqu’un ou quelque chose, la
personne ou la chose partout ailleurs ? Il s’est produit exactement ça à
compter de mon sauvetage. J’ai découvert que nous habitions dans le
même quartier, que nos familles se rendaient à la messe de 10 heures et
qu’il arrivait à l’école peu avant moi. Il était partout.
« Le réel jeu amoureux a débuté en classe de première. J’étais enfin sa petite amie. Le monde m’appartenait »
Je
n’avais que 6 ans mais déjà une idée bien en tête : ne pas quitter
Levy. Avec le recul, cela parait fou mais j’ai toujours eu cette pensée
et je ne l’ai jamais lâché. J’ai fait des pieds et des mains pour être
dans le même collège que lui. Ma maman ne comprenait pas mon obstination
à aller si loin. Elle avait fini par céder devant ma grande insistance
et ma promesse de lui ramener des notes qui les rendraient fiers. Je le
suivais comme son ombre et mon attitude n’a jamais semblé le déranger.
Le réel jeu amoureux a débuté en classe de première. J’étais enfin sa
petite amie. Le monde m’appartenait. Grâce à Hi5 qui venait d’être
popularisé, j’ai étalé mon bonheur au monde.
Une brève séparation
La
suite est de l’histoire. Il y a bien eu ces 2 ans de vive tension. Il
avait été admis dans une école de Commerce en France ce qui était en
même temps génial et l’enfer. Je suis très possessive et cet éloignement
forcé m’avait fait péter les plombs à plusieurs reprises. Il avait
demandé une pause. Étant moi-même à bout de force, j’avais accepté.
Officiellement, nous n’avions eu personne d’autres pendant cette
période. Officieusement, il y avait eu André, Charles et Malick. Je
suppose que de son côté aussi. Nous n’en avons jamais reparlé et de
toutes les façons, pour en dire quoi. Nous n’étions plus ensemble.
Chacun était libre.
« Je n’ai pas imaginé un seul instant que je pouvais dire non. »
Il
est rentré directement après son Master pour rejoindre l’entreprise de
son père et notre histoire a repris comme s’il n’y avait jamais eu de
coupure. Deux jours après son retour, il est passé me voir à la maison
avec un gigantesque DONUT, mon dessert préféré et c’était reparti. La
suite attendue et logique de ce qu’on vivait était le mariage. Tous nous
y poussaient : « c’est pour quand cette demande ? », « tu sais que le
tailleur de ta maman n’est pas rapide et qu’il faut s’y prendre tôt »,
« il attend quoi ? ». J’avais 24 ans quand il m’a demandé en mariage. Je
n’ai pas imaginé un seul instant que je pouvais dire non, alors j’ai
dit oui.
« J’aime Levy mais est-ce de cet amour qui fait le socle d’un mariage ? »
Les
semaines ont passé. Les mois ont passé. Les questions ont commencé et
persisté : J’aime Levy mais est-ce de cet amour qui fait le socle d’un
mariage ? Avais-je fait un choix libre ou avais-je suivi le courant ?
Avait-il réfléchi en dehors de toute pression ? J’avais aussi découvert
un livre qui me bouleversait au plus haut point. Bien sûr, je ne lui ai
rien dit et j’espère que mon attitude envers lui ne laisse rien paraître
de mon trouble. Cela fait moins d’un an que j’ai dit « oui » devant
tout le monde, je devrais être en train de profiter comme mes autres
amies qui sont passé par là, hélas non !
« Les questions sont toujours là et j’avance dans un épais brouillard. »
Et si ?
Levy
est un bel homme au grand cœur avec ses défauts. Puis, il y a moi. Moi
qui oscille entre des jours où je donnerais tout pour lui et ces
jours-là, rien n’est trop beau, trop insurmontable et d’autres jours où
je trouve que je ne le mérite pas, et qu’il s’est trompé, et qu’un matin
il va réaliser sa bêtise. Parce contrairement à ce qu’on pourrait
penser, je n’ai personne d’autre en vue. Je doute simplement de ma
capacité à faire fonctionner notre mariage. Se dire oui pour l’éternité.
A quoi on a pensé ? Y avait t-on pensé ? J’ai longtemps hésité avant
d’en parler à qui ce soit. Ma mère, la seule à qui je me suis ouverte,
ne m’a pas comprise. Depuis je me tais et je souris. Les questions sont
toujours là et j’avance dans un épais brouillard.
Source: elle.ci


