
La légende de la musique africaine s'élève contre
les meurtres rituels d'albinos lors d'un concert pour
présenter son
nouvel album, dont il dit qu'il est le dernier de sa carrière.
Salif Keïta a présenté samedi 17 novembre son
nouvel album à Fana, petite ville du Mali à un peu plus de cent
kilomètres à l’est de Bamako, où une fillette albinos de cinq ans a été assassinée en mai, lors d’un concert hommage destiné à dénoncer les meurtres rituels d’albinos en Afrique.
Dans un stade de football archi-comble, un événement jamais vu dans
cette localité de quelque 20.000 habitants située à 120 km de Bamako, le
musicien de 69 ans, atteint lui-même d’albinisme, s’était entouré du
Sénégalais Ismaël Lô, de l’artiste géorgien albinos Bera, de l’humoriste
malien Yaro ou encore des chanteuses malienne Safi Diabaté et
sénégalaise Maah Koudia Keït, militante elle aussi de la cause des
personnes albinos.
Le 13 mai, la petite Ramata Diarra, cinq ans, avait été enlevée en
pleine nuit par des hommes armés alors qu’elle dormait dans la cour de
la concession familiale. Son corps décapité avait été retrouvé quelques
heures plus tard à côté d’une mosquée. Des associations avaient alors
dénoncé un « crime rituel » à l’approche de l’élection présidentielle.
« Pourquoi ôter la vie d’une innocente, d’une fillette de cinq ans?
Pourquoi s’attaquer aux albinos? Nous sommes comme tous les autres
humains. Nous ne voulons plus voir ça au Mali. Il faut que nos autorités
prennent des dispositions, parce que désormais, nous n’allons plus nous
taire », a dit sur scène Salif Keïta. Chaque année, des dizaines
d’albinos sont victimes en Afrique d’attaques, tués et amputés de leurs
membres qui sont ensuite utilisés pour des rituels censés apporter
richesse et chance.
« Aujourd’hui, tout le monde sait qu’une fillette de cinq ans a été
assassinée à Fana parce qu’elle est albinos. Le monde s’est mobilisé
pour la cause de ma fille, que ce monde ne baisse plus les bras afin que
les albinos puissent vivre en paix partout dans le monde », a confié à
l’AFP, en marge du concert, la mère de la fillette, Diarra Awa Touré.
Le dernier album ?
Dans l’espace réservé aux invités, juste devant la scène, Ousmane
Wélé Diallo, tout de blanc vêtu, explique être venu de Bamako avec sa
femme et ses enfants pour « suivre le concert et soutenir notre cause en
rendant hommage à Ramata Diarra ». « Je n’aime pas quand il y a trop de
lumières, surtout les ampoules géantes de la scène, mais ce soir
j’accepte pour notre cause », ajoute le père de famille, qui comme de
nombreux albinos souffre de problèmes de vue.
« Nous sommes ici pour que ce qui est arrivé à Ramata ne se
reproduise plus jamais, et cela doit être le combat de nous tous. Plus
jamais ça à Fana, au Mali, en Afrique et dans le monde », a lancé depuis
la scène Ismaël Lô. « Personne ne doit sacrifier un albinos pour son
pouvoir, personne ne doit vendre les cheveux ou les organes d’un
albinos », a exhorté Safi Diabaté. « Je suis Fana, je suis Ramata, je
suis toutes les victimes des ignominies de certains assoiffés de
pouvoir », a ajouté le slameur malien Karim Diallo.
Alors que la soirée est déjà bien avancée, Salif Keïta monte sur
scène pour un show de 45 minutes au cours duquel il défend son album
« L’autre blanc », son dernier après 50 ans de carrière selon lui, pour
lequel il a fait appel à de vieux complices comme l’Ivoirien Alpha
Blondy ou la Béninoise Angélique Kidjo, tout en multipliant les clins
d’oeil à la jeune génération.
« Je voulais dire au revoir à tous mes fans, parce que si je vais
peut-être encore faire de la musique par-ci par-là, je ne prendrai plus
le temps de faire un album », a-t-il confié à l’AFP.

