
Le 21 novembre 2017, Robert Mugabe, poussé par
l'armée,
quittait le pouvoir au Zimbabwe après 37 années de règne
répressif. Depuis, c'est son ancien vice-président Emmerson Mnangagwa,
(élu en juillet dernier) qui préside aux destinées du pays. Avec une
promesse, celle de remettre sur pied l'économie : régler la crise
monétaire, attirer à nouveau les investisseurs étrangers. C'est de loin
le principal chantier. Mais un an après, la population zimbabwéenne ne
voit aucun changement positif.
Le vent du changement promis par le nouveau président ne
souffle pas encore sur la population. A Harare, la capitale, les queues
devant les banques continuent pour obtenir quelques dollars. Le pays n'a
pas plus de monnaie propre depuis une décennie... C'est le dollar qui
domine et ses billets verts se font rares.
Cela empêche les entreprises de s'approvisionner à l'étranger. Il y a pénuries de médicaments, de carburants.
La population vit avec deux monnaies de substitution, introduites ces
dernières années. D'une part, les « bollars » comme la population les a
surnommés. Ce sont des obligations officiellement à parité avec le
dollar américain. D'autre part, une monnaie électronique censée parer au
manque de billets en circulation. Ces deux monnaies n'ont que très peu
de valeur. Par conséquent, les commerces s'adaptent et augmentent leurs
prix. L'inflation atteint 20% du PIB ce qui rappelle la situation des
sombres années 2008-2009.
Que fait le nouveau gouvernement pour s'attaquer à ces problèmes ?
D'abord, il fait un diagnostic lucide. Contrairement à Robert Mugabe qui ne l'aurait jamais admis...
Oui , il y a des problèmes dramatiques de gestion au sommet de
l'Etat. A commencer par sa frénésie d'emprunts à la Banque centrale pour
se financer. Un panier troué qui a engendré une dette de plus d'un
milliard de dollars auprès de la Banque centrale et accéléré la crise
monétaire.
Le nouveau gouvernement a annoncé un programme de reprise économique
qui prévoit des réductions des dépenses, la privatisation de certaines
entreprises publiques.
Mais à croire que les réflexes sont lent à changer, au lieu de
s'attaquer résolument à ce chantier, le ministre des Finances au profil
de technocrate Mthuli Ncube a décidé d'imposer une taxe de 2% sur les
transactions électroniques. Ce qui va renchérir le coût de la vie pour
la population.
Est-ce qu'il n'y aucun moyen de faire entrer de l'argent frais via des investissements étrangers ?
Le problème, c'est que hormis les Chinois déjà présents, les
investisseurs étrangers ont vu leur enthousiasme douché par les
violences et les soupçons de fraude lors des élections de juillet dernier. Certains d'entre eux auraient aimé faire un voyage exploratoire mais ils ont dû y renoncer.
Et la situation économique s'est détériorée depuis car le tout jeune
gouvernement continue de faire appel au même système de planche à
billets que ses prédécesseurs.
Il y a eu tout de même quelques investisseurs attirés par le riche
potentiel du pays. Mais cela reste cantonné au secteur minier qui a été
récemment libéralisé par le gouvernement.
Il reste à solder les comptes avec les bailleurs internationaux
Il y a près de 20 ans, Robert Mugabe faisait de son pays un paria en
expulsant manu militari les fermiers blancs, entraînant des sanctions de
Washington. La Banque mondiale et la Banque africaine de développement
voyaient avec effroi le pays se déclarer en défaut de paiement.
L'actuel ministre des Finances a compris qu'il devait impérativement
renouer avec l'extérieur. Il a décidé de régler l'essentiel des impayés
d’ici un an, soit 2 milliards de dollars à la BAD et à la Banque
mondiale et cela grâce à l'aide escomptée de pays du G7.
Les Etats-Unis seraient d'accord avec ce plan, moyennant en
contrepartie des réformes politiques mais davantage de transparence dans
le secteur du diamant. Voilà un test ultime pour le jeune gouvernement.
D'après l'ONG Global Witness, plusieurs officiers présents dans l'exécutif ont des intérêts financiers importants dans l'extraction du minerai.
Deux questions se posent : sont-ils prêts à ouvrir leurs comptes pour
sauver leur pays ? Ou est-ce qu'on assistera à une reprise en main des
militaires jaloux de leurs privilèges et de nouveau à la fermeture du
régime ? Seul le temps y répondra.
Par
Aabla Jounaïdi
RFI

