Montréal veut pousser les entreprises à embaucher des immigrants

Alors que les obstacles à l'embauche persistent encore pour les immigrants, la mairesse de Montréal,
Valérie Plante, a rencontré des chefs d'entreprises lundi pour jeter les bases d'une future stratégie visant à les intégrer plus vite au marché du travail.
Il s’agissait d’une première rencontre qui devrait déboucher sur des idées concrètes. Cet événement s’inscrit dans le cadre du Plan d'action municipale 2018-2021 Montréal inclusive, dont l’enveloppe budgétaire s’élève à 1,6 million de dollars.
« Plus que jamais, mon administration municipale désire agir en complémentarité avec ses partenaires afin d'assurer la pleine participation des Montréalaises et Montréalais de toutes origines au marché de l'emploi », a déclaré la mairesse Plante dans un communiqué de presse.
Lors de la rencontre, la mairesse a également assuré vouloir « mieux prendre soin de nos immigrants pour qu'ils se sentent Québécois ».
La mairesse en conférence de presse. 
La mairesse Valérie Plante veut mieux intégrer les immigrants au marché du travail (photo archives). Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes
La présidente du Comité consultatif personnes immigrantes, Nisrin Al Yahya, trouve la démarche « intéressante », mais prévient qu'elle devra passer l'épreuve du terrain. « Il faut se demander comment, concrètement, cela va se mettre en place. Moi, je suis toujours pour ce genre d'initiative, tant que cela se concrétise », dit-elle.
Pour Linda Aghassi, directrice du Centre social d’aide aux immigrants, l’initiative de la Ville est « noble, d’autant plus que le taux de chômage des immigrants reste très élevé ».
En 2017, le taux était de 8,8 % pour les personnes immigrées, alors qu'il était de 5,7 % pour le reste de la population, d'après Statistique Canada.
C’est important que Montréal joue ce rôle-là, celui de sensibiliser le milieu des affaires. La Ville a cette capacité.
Linda Aghassi, directrice du Centre social d’aide aux immigrants
Lors de la rencontre, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, a reconnu que certaines entreprises hésitaient encore à embaucher des immigrants.
« Dans les PME, la personne qui s'occupe du recrutement va avoir du mal à lire le CV d'une personne qui sort d'une école qu'elle ne connaît pas et qui a travaillé dans une entreprise qui ne lui dit rien non plus », précise-t-il lors d'une entrevue téléphonique.
Mme Aghassi assure pourtant que les immigrants représentent une main-d’œuvre qualifiée qui fait preuve d’une grande volonté.

Obstacles encore nombreux à l'embauche

Le problème, soulignent Mmes Aghassi et Al Yahya, c’est que leurs acquis ne sont pas toujours reconnus. « Emploi Québec devrait peut-être revoir ses programmes offerts aux immigrants pour bonifier leurs chances de se trouver un emploi », suggère la première.
M. Leblanc abonde dans ce sens, mais souligne que beaucoup d'ordres professionnels ont fait des efforts vis-à-vis des équivalences, notamment l'Ordre des ingénieurs ou l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.
Mme Al Yahya évoque aussi « l'éternel problème de l'oeuf et de la poule », puisque beaucoup de recruteurs exigent « une première expérience québécoise ».
Elle rappelle que les différents codes culturels sont parfois à l'origine de certains quiproquos lors d'entrevue. « Ce qui peut être vu comme une marque de respect dans certains pays est vu comme tout le contraire ici », dit-elle.
D’après M. Leblanc, la réalité du marché du travail, notamment la pénurie de main-d’œuvre, forcera tôt ou tard les entreprises à embaucher des travailleurs de talent, « peu importe [leur] origine ».
Quant à savoir si la Ville peut vraiment s'immiscer dans la politique d'embauche des entreprises privées, M. Leblanc croit qu'elle a « une approche complémentaire et de coordination ».
Également présent lors de la rencontre, le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Simon Jolin-Barette, a rappelé que les immigrants sont des forces vives pour le rayonnement des entreprises québécoises.
Interrogée sur la décision de M. Jolin-Barette d’annuler 18 000 dossiers d’immigration, la mairesse Valérie Plante s’est gardée de tout commentaire.
D'autres démarches de concertation avec les partenaires du milieu des affaires, des agences créatives et des organisations sont prévues pendant le développement et le déploiement de la stratégie.
Par Delphine Jung