
Un jugement symbolique car le prélat incarne depuis trois ans en France la crise de l'Eglise face à la pédophilie.
La procureure n'avait pas requis de peine contre lui. Mais le
tribunal en a décidé autrement. Le cardinal Barbarin a été condamné ce
jeudi 7 mars par le tribunal correctionnel de Lyon à 6 mois de prison
avec sursis pour la non-dénonciation des agressions pédophiles d'un
prêtre de son diocèse.
En l'absence du cardinal, la présidente du tribunal Brigitte Vernay
l'a "déclaré coupable de non-dénonciation de mauvais traitements" envers
un mineur entre 2014 et 2015.
L'un des plaignants a salué "une grande victoire pour la protection de l'enfance". Les avocats de Mgr Barbarin ont toutefois d'ores et déjà annoncé qu'ils feront appel de sa condamnation.
Le cardinal Barbarin a annoncé peu de temps après le jugement qu'il allait remettre sa
démission au pape. "J'ai décidé d'aller voir le Saint-Père pour lui
remettre ma démission. Il me recevra dans quelques jours", a indiqué
devant la presse l'archevêque de Lyon après avoir dit "prendre acte de
la décision du tribunal". "Indépendamment de mon sort personnel, je
tiens à redire toute ma compassion pour les victimes", a-t-il ajouté.
Un procès symbolique
L'audience, qui s'était tenue début janvier,
avait marqué les esprits, tant le prélat incarne, depuis trois ans en
France, la crise de l'Eglise face à la pédophilie, qui vient de faire
l'objet d'un sommet inédit de la hiérarchie catholique au Vatican.
A l'issue des débats, la procureure Charlotte Trabut n'avait pourtant
pas requis de peine à l'encontre de l'archevêque, ni des cinq anciens
membres du diocèse poursuivis avec lui, tout en assurant de son
impartialité : "Le ministère public ne s'oppose pas aux parties civiles,
pas plus qu'il ne soutient mordicus les prévenus."
Une position délicate à tenir après les témoignages, crus et
poignants, livrés à la barre par d'anciens scouts à l'origine de
l'affaire. Mais un avis conforme à celui du parquet, qui avait classé
sans suite une première enquête en 2016.
"Je n'ai jamais cherché à cacher"
Conduit de main de maître il y a deux mois par la présidente de la
17e chambre correctionnelle Brigitte Vernay, le procès avait été à la
hauteur des enjeux. Et une épreuve pour les mis en cause, à commencer
par Mgr Barbarin, traité de "menteur" par un avocat des parties civiles.
"Je n'ai jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits
horribles", avait assuré au tribunal le prélat de 68 ans, expliquant
n'avoir appris les agressions reprochées au père Preynat qu'en 2014,
quand une victime se confia à lui. Pour Me Jean Boudot cependant, le
cardinal était au courant depuis 2010 au moins, date à laquelle il
s'était entretenu avec le prêtre sur les "rumeurs" qui couraient à son
sujet.
Soutenus par l'association de victimes "La Parole libérée", neuf
hommes avaient accusé le père Bernard Preynat d'avoir abusé d'eux – des
faits pour lesquels ce dernier n'a pas encore été jugé – avant de porter
plainte contre ceux qui n'ont rien dit des agissements du prêtre.
"Grande victoire pour la protection de l'enfance"
Faute de poursuites, ils avaient lancé en 2017 une procédure de
citation directe devant le tribunal, qui leur garantissait un procès
pour la première fois depuis la révélation de l'affaire fin 2015.
Cette condamnation est "une grande victoire pour la protection de
l'enfance", a estimé jeudi l'un des plaignants, Francois Devaux,
président de La Parole libérée.
"Cette victoire envoie un signal très fort à beaucoup de victimes et leur permet de comprendre qu'elles sont entendues, écoutées et reconnues", a ajouté le cofondateur de l'association de victimes, estimant qu'il s'agissait de "l'aboutissement d'un long parcours pour qu'émerge une prise de conscience".
Par L'Obs avec AFP