Ce devrait être un grand moment de démocratie et de débats. Un cycle
éphémère mais ô combien fécond au cours duquel les citoyens comparent,
écoutent, interrogent et se forgent un avis sur la base d’un projet
politique ou de société.
Réfléchissent à leur avenir en se retournant sur le chemin parcouru.
Examinent objectivement ce qui fonctionne et ce qui représente un frein à
l’essor du pays. Voilà à quoi devrait ressembler la campagne
présidentielle gabonaise, qui, si elle n’est pas encore officielle, a
bel et bien débuté. En lieu et place, une tragicomédie d’un goût
douteux, sorte de « Game of Thrones » à la sauce nyembwe, où tous les
coups sont permis, où toutes les armes sont brandies, surtout les plus
viles.
La conquête du Palais du bord de mer fait tourner les têtes. Premiers
et seconds rôles changent sans cesse de camp, multipliant alliances
éphémères avec ceux qu’ils détestaient naguère et trahisons amères. Les
adversaires et concurrents d’Ali Bongo Ondimba (ABO),
et ils sont nombreux, auraient pu s’attaquer à son bilan ou à sa
gouvernance, critiquer les résultats obtenus, la stratégie employée, les
méthodes utilisées, le casting d’un septennat qui s’achève. Proposer
une alternative dûment consignée dans des programmes politiques
élaborés. Réclamer des débats télévisés ou radiophoniques pour
ferrailler sur le champ de bataille des idées. Cela aurait pu être une
noble conquête, nourrie de nobles idéaux.
Un sordide déversement de fiel et de haine
Nous n’avons droit, depuis de longues semaines maintenant, qu’à un sordide déversement de fiel et de haine. ABO n’est résumé qu’à ses origines « douteuses »,
sa filiation remise en question sur la base d’un vulgaire pamphlet mal
écrit et ne reposant que sur des rumeurs courageusement colportées par
des anonymes ou des aigris de la famille Bongo qui n’ont pas trouvé
place au banquet (Nouvelles Affaires africaines, de Pierre
Péan). Le tout sur fond de détestable xénophobie et d’incitations à la
haine. On entend les mots « cafards », « génocide » ou « guerre civile »
prononcés par des personnes que l’on croyait responsables et pondérées.
On assiste médusés à des meetings où l’on chauffe des jeunes à blanc
pour en faire de véritables bombes à retardement.
Enfin, le fils d’Omar est abonné par ses détracteurs – au Gabon
comme, curieusement, en France – à la rubrique « faits divers » : palais
et avion saisis, directeur de cabinet placé en garde à vue à Paris,
« biens mal acquis », retranscription d’écoutes téléphoniques liées à
l’affaire Tomi qui fuitent subtilement dans la presse, plainte en
reconnaissance de paternité d’une mystérieuse jeune fille aussi
subitement disparue qu’elle est entrée en scène… Bref, ça vole haut.
Que peut comprendre aujourd’hui un électeur, à quelques semaines du scrutin du 27 août ?
Décidément, le Gabon ne changera jamais. Sa classe politique en tout
cas. Que peut comprendre aujourd’hui un électeur, à quelques semaines du
scrutin du 27 août ?
Que les mêmes, toujours les mêmes depuis des lustres, se disputent le
pouvoir (et le gâteau), empêchant l’émergence de figures qui
incarneraient le renouvellement générationnel des élites politiques. Que
ce pouvoir que tout le monde convoite n’a pas pour vocation de servir
l’intérêt général mais au contraire de permettre de s’affranchir des
règles et des lois pour s’enrichir. Que l’opposition, depuis le décès de
Pierre Mamboundou, n’est plus qu’un inextricable écheveau de
personnalités et d’ego vieillissants dont les seuls dénominateurs
communs sont leur « omarophilie » et leur « aliphobie ». Que nombre de
ses politiciens, tous bords confondus, disposent de biens et de moyens
semble-t-il inépuisables, ce qui pose forcément question…
Bref, le Gabon et les Gabonais, qui attendent surtout qu’on leur
parle eau, électricité, logements, écoles et universités, hôpitaux ou
emploi, méritent mille fois mieux que ce triste barnum politicien auquel
ils sont contraints d’assister. Il est grand temps que leurs « grands
quelqu’un » s’en rendent compte.
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