L'ancien Premier ministre le dit dans Paris Match : il ne
parrainera pas Benoît Hamon en vue de la présidentielle. Une position
critiquée par certains, alors même que les participants à la primaire
s'étaient engagés à soutenir le vainqueur, mais qui illustre bien les
profondes divergences entre les deux socialistes.
"Je ne peux pas apporter mon parrainage à Benoît Hamon", confie Manuel Valls à Paris Match.
S'il a démenti mardi vouloir soutenir Emmanuel Macron, l'ancien Premier
ministre, perdant de la primaire de la gauche en janvier, ne devrait
pas pour autant s'engager plus en avant dans la campagne du candidat
socialiste. Et ce, malgré l'engagement pris par les participants au
scrutin de soutenir le vainqueur. "On ne comprendrait pas qu'il soit à
côté de lui vu ce qu'ils se sont dits lors de la campagne", a justifié
Jean-Christophe Cambadélis sur CNews. Le patron du PS ne s'étonne pas
vraiment du positionnement de Manuel Valls et tente de minimiser la
situation : "Je crois qu'il a été très clair, il a salué le soir de l'élection Benoît Hamon, il lui a souhaité bonne chance publiquement et il a dit qu'il serait en retrait."
"Il a intérêt à soutenir Hamon du bout des lèvres"
Pour Cambadélis, le candidat socialiste "n'a pas besoin" de cette signature. Dans les faits, effectivement. Benoît Hamon a déjà dépassé le seuil nécessaire des 500 signatures.
Mais symboliquement, les choses sont différentes. "Même ses électeurs
de la primaire […], je pense que ce matin ils sont choqués qu'il ne
veuille pas donner son parrainage à Benoît Hamon", a réagi le député
Alexis Bachelay, du camp Hamon, sur BFMTV. Il dénonce un "débat un peu
surréaliste [...] alors que Manuel Valls était le finaliste de la
primaire et qu'il s'est engagé, qu'il a signé, qu'il a déclaré, y
compris devant les cinq millions de Français qui ont regardé le débat de
l'entre-deux tours, que lui respecterait les règles". "Il a intérêt à
soutenir Hamon du bout des lèvres, tout en disant qu'il n'est pas
d'accord sur le fond. La politique c'est dur mais ce n'est pas difficile
: il faut faire des choses simples", grince pour sa part un des rares
soutiens de Benoît Hamon au gouvernement auprès de l'AFP.
"Je suis
persuadé qu'il va le faire [soutenir Hamon, NDLR], parce que c'est un
homme d'Etat. Je n'imagine pas un instant qu'il puisse faire autre
chose", assurait pourtant la veille dans Le Monde l'un des amis de Manuel Valls, Luc Carvounas, qui a lui rejoint l'équipe de campagne du candidat socialiste.
"Je ne pourrais pas assumer autant de contradictions"
Sur
le fond, le recul pris par Manuel Valls n'est pas vraiment étonnant.
Personne ne l'attendait comme chauffeur de salle des meetings de son
ancien adversaire, que ce soit lors de la primaire ou dans l'hémicycle
de l'Assemblée, quand redevenu député, Benoît Hamon était parmi les
frondeurs à la politique menée par le gouvernement. La ligne défendue -
dans la primaire, et maintenant dans la campagne présidentielle - par
Benoît Hamon n'est pas celle de Manuel Valls. Loin de là. L'accord passé
avec les écologistes en est un exemple. "Je ne pourrais pas assumer
autant de contradictions", explique dans Paris Match l'ancien Premier ministre, qui a été l'une des raisons de leur départ du gouvernement en 2014.
S'il ne le parraine pas à six semaines du premier tour de la
présidentielle, difficile d'imaginer que Manuel Valls mette un bulletin
Hamon dans l'urne le 23 avril prochain.
"La situation est
compliquée pour Valls. D'un côté il ne veut pas s'engager à fond pour
Hamon, de l'autre, il veut garder ses distances avec Macron et ses
ambiguïtés", résume à l'AFP un collaborateur vallsiste, pour qui il est
"urgent d'attendre".
Des vallsistes divisés sur l'attitude à tenir
Mardi soir, Manuel Valls réunit ses soutiens à l'Assemblée nationale
à huis clos. Comme il y a quinze jours. Entre 200 et 300 personnes sont
attendues. "Il va nous dire comme il voit le contexte politique,
l'actualité, nous dire comment il voit le futur bien au-delà de la
présidentielle et nous verrons ensemble ce qu'il y a de mieux à faire", a
affirmé à l'AFP Olivier Dussopt, porte-parole de Manuel Valls durant la
primaire socialiste. Le futur, c'est déjà les élections législatives de
juin prochain. Selon Le Monde,
l'ancien Premier ministre, qui se représente dans sa circonscription de
l'Essonne, souhaite former un groupe social-démocrate au Palais
Bourbon.
Mais la question du positionnement dans cette
présidentielle sera sans aucun doute là encore au centre des
discussions. Macron, pas Macron? Les Réformateurs, l'aile droite du PS,
ne cache pas son envie d'ailleurs. Certains - comme Christophe Caresche ou Bertrand Delanoë - ont déjà sauté le pas, d'autres comme Jean-Marie Le Guen ou Patrick Kanner
s'interrogent. "C'est partagé chez les vallsistes", résume l'un d'entre
eux. On retrouve trois stratégies : ceux qui défendent une posture
légitimiste, même "silencieuse", en faveur de Benoît Hamon ; ceux qui
souhaitent un ralliement à Emmanuel Macron s'il parvient au second tour ;
et ceux qui poussent pour un soutien avant le premier tour du candidat
d'En Marche.
"Le ralliement d'avant premier tour nous est plus précieux qu'après", affirmait il y a quelques jours au JDD
Jean-Paul Delevoye, ancien juppéiste devenu président de la commission
d'investiture d'En Marche pour les législatives. "Les soutiens et les
rendez-vous ne valent pas investiture", rappelait-il également. Ce qu'a
répété personnellement Emmanuel Macron mardi, en marge d'un déplacement à
Lille : "Je n'ai pas fondé une maison d'hôtes."