Sa rencontre avec Emmanuel Macron avait, déjà,
été un coup de tonnerre dans sa vie tranquille et anonyme de prof,
mariée à un banquier et mère de trois ados. Se doutait-elle, Brigitte
Auzière, qu’elle
l’emmènerait à l’Élysée, comme femme de Président ?
Amiens, 1993. Elle a bientôt 40 ans, lui 15. Brigitte Auzière,
mariée à un banquier, mère de trois ados, enseigne le français et le
théâtre au lycée la Providence. Emmanuel Macron est un élève brillant,
déjà singulier par l’agilité de son intelligence et l’intensité de ses
échanges avec les autres. L’amour les saisit. « J’ai senti que je glissais, lui aussi », confie-t-elle à Paris Match en avril 2016.
Mais
il faudra des années pour imposer ce couple, et sans doute bien des
déchirures, familiales notamment, sur lesquelles elle est restée, « par pudeur »,
très discrète. Des déchirures et des regards de biais dans les rues de
la capitale picarde. Violence du conformisme. Car ses parents sont des
notables. La famille de Brigitte est connue pour ses macarons : la
chocolaterie Trogneux est une institution depuis 1872. « Brigitte, c’est elle, la vraie transgressive », dit Emmanuel Macron (1).
Quand
ils se marient en 2007 au Touquet (Pas-de-Calais), où cette benjamine
d’une fratrie de six enfants a hérité de la villa Monejan, Emmanuel
remercie ses amis, de l’Ena notamment, de les avoir accueillis comme ils
étaient, ce couple « pas tout à fait normal, même si, précise-t-il, je n’aime pas trop ce mot » (2).
« C’est elle, la vraie transgressive »
« Ils
renversent l’image traditionnelle du couple, encore prégnante dans la
société, qui veut que l’homme épouse une femme plus jeune que lui, en
âge de lui donner des héritiers, à qui il pourra transmettre son
patrimoine », dit Mariette
Sineau, politologue spécialiste des questions de genre. Dans sa vie
privée - comme lui le revendique en politique -, le couple Macron casse
les codes. Libre.
Casser les codes ? Pas tout à fait. Dès avril 2016, Brigitte et Emmanuel Macron se montrent à la une des magazines people. Cinq « unes » de Paris Match, dix de VSD…
En pantalon cuir slim, en robe courte ou en maillot, elle affiche sa
ligne fine, son teint hâlé, ses jambes interminables, sa blondeur au
carré. Les vieilles recettes de la vieille politique, pestent ses
opposants. Une manière de faire campagne jusque « dans les salons de coiffure », justifie une proche. People, ils le sont aussi par leurs fréquentations : Fabrice Luchini, François Berléand, Stéphane Bern,
Line Renaud… Férue d’auteurs classiques, Baudelaire, Beaumarchais,
Molière, et, en tête, Flaubert, Brigitte Macron est une femme que l’on
juge partout « sympathique ». « Très agréable, posée, ouverte, confiait une députée. Et toujours bienveillante. » Spontanée, voire « candide », pour certains. Elle a aussi de l’humour, s’inquiétant de la « gueule » qu’elle aura dans cinq ans pour justifier la nécessité qu'« Emmanuel » l’emporte en 2017.
Laurent Poupart, directeur du lycée jésuite Saint-Louis-de-Gonzague dans le XVIe à Paris, où elle a enseigné de 2007 à 2015, se souvenait, en 2015, dans L’Express, d’une « prof
exceptionnelle. Une femme d’une culture inouïe, joyeuse […], attachée à
obtenir de chaque élève le meilleur de lui-même. Un tourbillon ! Jamais
blasée, jamais dans la routine ! »
En campagne, « Bibi »
comme disent les intimes, ne participe pas aux comités politiques, mais
accompagne, partout, son mari candidat, surveillant son agenda. « Laissez-le souffler », suggère-t-elle à ses lieutenants. Certains s’en irritent. « Mais où est Brigitte ? » demande, de son côté, Macron. Elle relit ses discours, les critique : « Trop long ! » (2)
Débriefe chaque soir ce qu’elle a entendu. Ce qu’on est venu lui dire.
Car dans la frénésie de la campagne, des proches ont compris que mieux
vaut passer par elle pour l’approcher, lui.
Un couple « fusionnel »,selon Jacques Attali. Brigitte ? Sa « part non négociable »,
répète Emmanuel. Ils sont main dans la main, au propre comme au figuré.
Elle est son unique coup de foudre, le seul amour qu’on lui connaisse. « Emmanuel n’était pas du tout quelqu’un dont parlaient les filles, parce qu’Emmanuel était avec Brigitte, se souvient une condisciple de l’Ena. Elle venait le rejoindre le vendredi en fin de journée, pour partager un verre avec les autres étudiants. Avenante, naturelle. » Et adorée des amis.
« Elle aura une existence, une voix »
Le
couple se retrouve régulièrement au Touquet, avec les trois enfants (et
sept petits-enfants) que Brigitte a eus de son premier mari,
André-Louis Auzière, ses « enfants de cœur », à lui. Sébastien, Laurence et Tiphaine, respectivement ingénieur, cardiologue, et avocate. Une famille « recomposée » ordinaire, dit Tiphaine, qui s’est engagée dans la campagne de son beau-père, au Touquet.
Quelle
femme de Président sera Brigitte Macron, qui, en juin 2015, s’est mise
en disponibilité de l’Éducation nationale pour accompagner son mari ? « Elle aura une existence, une voix, un regard », a dit Emmanuel Macron, un « rôle public », non rémunéré. Un rôle politique ? « Cela me paraît difficile, prévient Mariette Sineau. La « Première dame » n’a aucune existence dans la Constitution. En démocratie, on élit un individu, et non un couple. » Difficile,
en réalité, de sortir d’un rôle traditionnel, de représentation. Et
cantonné aux sujets liés à l’éducation, l’humanitaire…
Beaucoup
n’ont pas été heureuses à l’Élysée, elle le sait. Leur couple d’amoureux
y sera mis à l’épreuve. À 64 ans, un nouveau chapitre du destin
insolite de Brigitte Macron s’ouvre aujourd’hui.
Source: ouest-france.fr

