Après l’attentat de New York, perpétré par un gagnant à la loterie de la carte verte aux États-Unis, Donald Trump a ouvert mercredi une nouvelle ligne de front dans son combat anti-immigration, réclamant la fin de ce symbole du rêve américain.
Donald
Trump dispose désormais d’un argument de poids pour combattre la
loterie de la carte verte, cette procédure américaine connue dans le
monde entier. Le président américain a déclaré, mercredi 1er novembre,
vouloir "mettre un terme" et "se débarrasser" de ce programme, appelant
le Congrès à s’emparer de la question. Il réagissait à l’information
selon laquelle Sayfullo Saipov, le conducteur du véhicule originaire
d’Ouzbékistan qui a fauché piétons et cyclistes à Manhattan le 31 octobre,
a été accepté sur le territoire américain en 2010 après avoir lui-même
"gagné" une carte verte, via le "Diversity Immigrant Visa Program".
"Nous
voulons des gens qui contribuent à la sécurité de notre pays. Nous ne
voulons pas de loteries qui amènent de mauvaises personnes", a déclaré
Donald Trump.
Depuis
sa création en 1990, ce système de loterie, organisé à l’automne, a
délivré des cartes de résidents permanents à un million de personnes.
Sayfullo Saipov fait partie des 50 000 chanceux qui décrochent chaque année ce sésame, soit 5 % du flux d’immigrés légaux dans le pays.
Un symbole du rêve américain
À sa naissance, il y a près de 40 ans, ce programme
avait pour objectif officiel de donner une chance de s’installer aux
États-Unis aux citoyens provenant de pays qui n’obtenaient que peu de
visas américains, comme l'Irlande. À l’époque, les conditions pour
immigrer aux États-Unis étaient en effet quasi exclusivement basées sur
le regroupement familial, favorisant les immigrés venus d’Amérique latine et d’Asie, et pénalisant les Européens.
Désormais, les gagnants proviennent en majorité
d’Afrique et de pays dans lesquels la population "n’aurait sinon jamais
eu l’opportunité de voyager aux États-Unis", explique à France 24 Carly Goodman, historienne spécialiste d’immigration auprès de l’organisation American Friends Service Committee, évoquant des "conséquences inattendues".
Le programme, qui est ouvert à tous les pays à la condition que moins de 50 000
de leurs ressortissants aient immigré aux États-Unis dans les cinq
dernières années, connaît en effet un large succès. Durant la période de
candidature pour l'annee 2017, environ 19 millions
de personnes à travers le globe ont tenté leur chance pour obtenir le
statut de résident permanent sur le territoire américain, selon
l'institut independant Pew Research Center. Un chiffre qui a plus que
doublé en dix ans. "Ce programme de loterie est devenu un symbole du
rêve américain à travers le monde. Il renvoie une image positive des
États-Unis, dont il démontre l'ouverture et la générosité."
Un système "sécurisé" mais controversé
Postuler est d’ailleurs très simple. Les
candidats doivent renseigner quelques informations et télécharger une
photo, après quoi un ordinateur choisit 100 000 personnes de manière
aléatoire. Les sélectionnés doivent ensuite se soumettre à un processus.
"Après avoir été sélectionnés, les candidats
doivent prouver qu’ils disposent d’un niveau d’éducation équivalent au
lycée et qu’ils ont déjà exercé un emploi requérant une formation,
poursuit la spécialiste. Leur état médical et leurs antécédents
judiciaires sont aussi contrôlés. Il y en a beaucoup qui abandonnent. À
l’issue de ces démarches, certaines peuvent toutefois être refusés,
selon divers critères. Omettre de mentionner le nom de son épouse dans
son dossier en est un."
Un
système qui n’est donc pas aussi laxiste et "dangereux" que ses
détracteurs semblent le penser, estime Carly Goodman. "Il s’agit d’un
système sécurisé. Les gens se font souvent de fausses idées sur ce
programme." Mercredi, des membres démocrates du Congrès ont rappelé que
les gagnants de la carte verte faisaient l’objet "des mêmes procédures
d’enquête strictes appliquées à n’importe quel immigré".
"Les gagnants de la loterie font un pari sur l’avenir. Ils sont généralement très motivés et ambitieux", défend Carly Goodman. De
son côté, le sénateur républicain Jeff Flake s’est opposé à une
atteinte à la loterie en ces mots : "Il devrait toujours y avoir de la
place aux États-Unis pour ceux dont les seules qualifications sont un
dos solide et une volonté farouche de s’en servir."
Réduire le financement ou déclarer l'état d'urgence
Ce
tirage au sort n’en est pas à sa première polémique. En 2002, un
Égyptien ayant pu s’installer aux États-Unis après que sa femme eut
gagné la loterie avait abattu deux personnes dans un aéroport de Los
Angeles. Dès 2004, un système de fraudes, impliquant notamment la
falsification de papiers d’identité, avait par ailleurs été mis au jour.
Le programme avait même failli être abandonné en 2013 dans le cadre
d’une réforme de l’immigration, qui n’a finalement pas abouti.
Le chef d’État, qui n’a jamais caché sa farouche hostilité envers ce système,
rêve, lui, d’un modèle "plus dur", favorisant l’immigration de citoyens
disposant d’un haut degré d’éducation, de qualification et parlant
anglais. Une proposition qui ne séduit d’ailleurs ni chez les démocrates
ni même chez les républicains. Une telle mesure réduirait en effet
l’arrivée d’immigrants sous-qualifiés, lesquels représentent une main d’œuvre cruciale pour l’économie américaine.
Toutefois, malgré une opposition politique au
projet de Donald Trump, la possibilité de voir la loterie annuler est
réelle. "Donald Trump a deux possibilités : il peut soit réduire le
financement de ce programme, soit déclarer un état d'urgence qui
permettrait de limiter le nombre de personnes entrant dans le pays",
indique Sarah Pierce, analyste politique au sein du think tank Migration
Policy Institute, precisant que l'administration pourrait se servir de
l'attentat à Manhattan pour justifier cette seconde option. "Néanmoins,
l'une ou l'autre de ces options déclencherait immédiatement des
réactions et le débat serait très certainement porté devant les
tribunaux."
France 24