
Extrait:
« (…) on lui a dit que bafouer la morale en politique est le fait des
grands hommes d’État ; il l’a cru,
à tort bien sûr. Paul Biya ne serait
de toute façon que le Machiavel du pauvre et de l’analphabète. Le
cynisme sans la profondeur de méditation, la pénétrante intuition des
plus lointains horizons, n’est qu’un travers de médiocre, la mesquinerie
d’un fantoche, cette malédiction africaine.
Ce ne sont pas les vingt ans passés à lécher les bottes d’Ahmadou Ahidjo qui lui auront
donné le courage de la lucidité, ni encore moins sa longue formation
sous la férule d’une congrégation de missionnaire stupidement
rétrograde.
Jeune étudiant,
à cet âge où d’autres trépignent d’enthousiasme créateur, d’ambition
compétitive, il opte, lui, pour la seule grande école française où l’on
entre sans concours, l’École nationale de la France d’outre-mer (ENFOM) ;
elle forma longtemps à l’usage des colonies africaines des
administrateurs blancs pétris d’arrogance, mais compétents ; désormais,
elle produisait de hauts bureaucrates accroupis, les sommités creuses
dont le néo-colonialisme avait besoin.
Durant son séjour en France, il ne connaîtra guère que les allées d’un campus, en plus de la chambre où il restera toujours terré à une époque où il ne se passait point de mois, guère de semaines sans une grande manifestation d’étudiants anticolonialistes dans Paris… »
Mongo beti, Lettre ouverte aux Camerounais ou la deuxième mort de Ruben Um Nyobe, Yaoundé, Editions Peuples noirs, 1986, 131 p.
Durant son séjour en France, il ne connaîtra guère que les allées d’un campus, en plus de la chambre où il restera toujours terré à une époque où il ne se passait point de mois, guère de semaines sans une grande manifestation d’étudiants anticolonialistes dans Paris… »
Mongo beti, Lettre ouverte aux Camerounais ou la deuxième mort de Ruben Um Nyobe, Yaoundé, Editions Peuples noirs, 1986, 131 p.