
C’était le plan d’actions agricoles le
plus ambitieux de ces dernières années. En juillet 2003, à
Maputo, au
Mozambique, lors de la 2ème Assemblée de l’Union
Africaine, les pays membres s’accordaient à mettre en œuvre le Programme
détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA). Par cette
feuille de route, les Etats s’engageaient à consacrer 10% de leurs
dépenses publiques au secteur agricole ainsi qu’à atteindre une
croissance agricole de 6% par an.
15 ans après, si l’agriculture reste toujours en bonne
place dans les agendas politiques, un mouvement d’ensemble vers
l’atteinte de ces objectifs peine toujours à prendre forme et la
situation agricole du continent reste toujours paradoxale : 60% des
terres arables encore inexploitées dans le monde, et une incapacité
chronique à produire sa propre nourriture.

L’Afrique dispose de 60% des terres arables encore inexploitées dans le monde.
Les grandes espérances
Lorsqu’il est lancé, le PDDAA suscite de nombreuses
attentes. L’élaboration d’un cadre panafricain pour le secteur agricole
se voulait le symbole d’une Afrique « maître de son propre destin ». En effet, le continent africain était déjà le théâtre de la mise en œuvre de plusieurs initiatives agricoles jugées comme « promues de l’extérieur » ou « insuffisamment réappropriés par les pays africains eux-mêmes ».
Autre élément important, la mise en œuvre de ces projets assortis de
plusieurs exigences n’ont pas eu d’effets significatifs ou ont juste
apporter des réponses palliatives. Dans ce contexte, le PDDAA a émergé
de la volonté des Etats africains de se saisir de la politique agricole
ainsi que des outils de sa mise en œuvre.
Le continent africain était déjà le théâtre de la mise en œuvre de plusieurs initiatives agricoles jugées comme « promues de l’extérieur » ou « insuffisamment réappropriés par les pays africains eux-mêmes »
Fort de cette logique, l’initiative continentale s’est
révélée particulièrement ambitieuse. Outre l’objectif d’allocation de
10% des budgets à l’agriculture et la promesse d’une croissance de
l’économie agricole de 6%, le PDDAA repose sur 4 piliers.
Il s’agit de la gestion durable du foncier et des
ressources en eau ; du développement des infrastructures rurales et
commerciales pour un accès renforcé au marché ; de l’augmentation de
l’approvisionnement alimentaire et de l’éradication de la faim et enfin,
de la diffusion de nouvelles technologies et de l’appui à la recherche
agricole.
L’initiative s’appuiera, pour sa mise en œuvre, sur des
compacts (document intégrant les différents engagements des parties
prenantes du secteur agricole) qui servent de charpente à l’élaboration
de Programmes d’investissement agricole au niveau national (PNIA) et
également au niveau régional (Programme régional d’investissement
agricole-PRIA).

Exportation de blé français.
Une concrétisation laborieuse….
Entre application plus ou moins tardive et non atteinte
des objectifs, le bilan du PDDAA reste mitigé et la situation agricole
du continent africain est toujours aussi préoccupante.
Ainsi, alors que les pays les plus pressés signeront
leur Compact PDDAA entre la période 2007-2009, les plus hésitants comme
l’Angola ou le Cameroun, parapheront le document entre 2013-2014.
L’Algérie, la Namibie ou l’Egypte n’ont pas encore signé, même s’ils
sont engagés dans le processus. A la fin du mois de mars 2016, sur un
total de 42 pays membres de l’UA qui avaient signé le compact, 30
avaient élaboré un PNIA.
… malgré des réussites probantes
Au niveau du Rwanda, premier pays a adopter le
programme dès 2007, le rapport 2016 de l’Alliance pour une révolution
verte en Afrique (AGRA) indique que les résultats ont été éloquents. La
surface emblavée en maïs a été quintuplée en l’espace de trois ans, avec
pour conséquence la hausse du rendement de moins de 0,8 tonne/hectare à
2,5 tonnes/hectare.

Premier pays à adopter le programme dès 2007, le Rwanda a obtenu des résultats
éloquents.
éloquents.
Globalement, d’après l’organisation, les pays ayant
rapidement adopté les objectifs du PDDAA (Togo, Malawi, Nigéria, Mali,
Ghana, entre autres) ont vu la productivité des terres agricoles
augmenter de 5,9 % à 6,7 % par an et une baisse du taux de malnutrition
comprise entre 2, 4% et 5,7% par an.
Les pays ayant rapidement adopté les objectifs du
PDDAA (Togo, Malawi, Nigéria, Mali, Ghana, entre autres) ont vu la
productivité des terres agricoles augmenter de 5,9 % à 6,7 % par an.
Du côté du financement, si les investissements publics
dans le secteur agricole sont passés de 128,5 millions $ entre
1995-2003, à 406 millions $ sur la période 2003-2014, ils restent
toujours en dessous du seuil de 10% fixé par le PDDAA. On estime que
seulement 13 pays ont pu dépasser ou atteindre cet objectif. Il s’agit
entre autres de l’Ethiopie, du Malawi, du Ghana, de la Guinée, du Mali,
du Sénégal ou de Madagascar.
En outre, seulement 15 pays africains ont pu réaliser une croissance agricole de 6% sur la période 2008-2014.
La recherche agricole affiche également un tableau
contrasté. Alors que les pays africains se sont engagés à injecter au
moins 1% du PIB agricole à la recherche, en 2011, seulement 0,51 % de la
valeur de la production agricole a été investie.

Exportation de riz thaïlandais.
Et on continue à importer notre nourriture
L’objectif de l’augmentation des approvisionnements
alimentaires reste toujours hypothétique. La balance agricole est
déficitaire. Alors que les importations alimentaires ont atteint 65,8
milliards $ en 2016, les exportations se sont cumulées à 47,2
milliards $, soit un fossé de plus de 18,6 milliards $.
Alors que les importations alimentaires ont atteint
65,8 milliards $ en 2016, les exportations se sont cumulées à 47,2
milliards $, soit un fossé de plus de 18,6 milliards $.
D’après les estimations du NEPAD, entre 2007 et 2011,
37 pays africains était importateurs nets de denrées alimentaires tandis
que 22 étaient des importateurs nets de matières brutes d’origine
agricole.
Phénomène plus préoccupant, malgré les achats
croissants de nourriture, la situation nutritionnelle peine à
s’améliorer. D’après un rapport de la FAO publié en 2014, l’Afrique
subsaharienne est la seule région du monde où la proportion de personnes
souffrant de malnutrition a augmenté durant ces deux dernières
décennies.
Surmonter les handicaps
Le déficit infrastructurel demeure un handicap majeur.
Le manque de routes et d’installations de stockage ampute une bonne
partie de la production agricole. Les pertes en céréales de l’Afrique
subsaharienne coûtent chaque année, environ 4 milliards $, soit plus que
l’aide alimentaire reçue par le continent, selon la Banque mondiale.
La mobilisation du potentiel hydrique du continent est
encore embryonnaire. Seulement 6 % des terres agricoles africaines
restent irriguées contre environ seulement 40% en Asie.
Malgré tout le volontarisme affiché, le PDDAA ne porte
pas encore ses fruits. Il souffre encore de nombreux maux allant de la
multiplicité des objectifs dont la mise en œuvre reste complexe, à la
faible capacité de financement propre des Etats africains.
Et si, dans un nouveau sursaut de dynamisme, les Etats
africains se sont fixés de nouveaux engagements en 2014 à Malabo, en
Guinée équatoriale, il est difficile de dire s’ils se traduiront en
actes concrets, tant les tables rondes se sont succédées depuis 20 ans
pour peu ou pas de résultats.
Espoir Olodo