Le cinéaste tchadien, notamment primé à Cannes en 2010, a été démis
via un décret lu à la radio
nationale. De son côté, il affirme avoir
présenté sa démission.
« Je me suis dit que comme ministre je pourrais agir, dans
un esprit complètement tchadien et africain où l’aîné a des
responsabilités. » C’est par ces mots que Mahamat Saleh Haroun
expliquait à Jeune Afrique, dans une interview parue dans nos pages le 28 janvier, ce qui l’avait motivé à accepter le poste de ministre de la Culture. Portefeuille que le cinéaste vient de perdre.
Il « a été appelé à d’autres fonctions », selon un décret lu
à la radio nationale, qui ne précise pas les raisons de son éviction.
Djibert Younous, ancien ministre de la Culture, prend sa place pour
devenir « ministre de la Jeunesse, des sports, de la culture et du
développement touristique ».
De son côté, l’intéressé affirmait jeudi soir, dans un
communiqué, que la décision serait en réalité de son fait : « Je n’ai ni
été démis de mes fonctions de ministre de la Culture du Tchad ni
limogé. J’ai démissionné pour raisons personnelles. J’ai présenté ma
démission au Premier ministre le mardi 6 février à 9h30. Elle a été
acceptée jeudi matin. »
Prise de guerre ?
Primé à Cannes en 2010 pour Un homme qui crie, le cinéaste est également l’auteur du documentaire Hissène Habré, une tragédie tchadienne.
Interrogé par Jeune Afrique sur le rôle d’Idriss Déby Itno au sein de
l’appareil d’État pendant une partie du règne de Habré – condamné en
avril 2017 à la prison à perpétuité par les Chambres extraordinaires
africaines (CAE), siégeant à Dakar – le cinéaste, désormais ex-ministre,
avait eu cette réponse : « Quand j’ai tourné mon documentaire, j’ai
rencontré et interrogé beaucoup de victimes ainsi que des militants qui
les soutiennent. Et à aucun moment ils ne m’ont dit avoir eu affaire, de
près ou de loin, à Idriss Déby. Je n’ai donc aucune raison de m’ériger
en justicier ou en père-la-morale. »
Quant au fait qu’il pourrait avoir été, en devenant ministre
de la Culture, une caution, voire une « prise de guerre »
politique, Mahamat Saleh Haroun avait également rejeté ce qu’il a
qualifié « d’insulte ». « Je ne vais pas laver la mémoire du Tchad, qui
est tenace. Et si avec ce régime il y a quoi que ce soit de noir, ce
n’est pas mon nom qui va le blanchir. Si le régime et ses dirigeants
cherchent à améliorer leur image, cela prouve qu’ils ont pris conscience
d’une certaine faiblesse et qu’ils sont dans une démarche
constructive. »
Son objectif affiché, en tant que ministre tchadien de la Culture, était de créer une école de cinéma « de haut niveau ».
Source: Jeune Afrique