Européennes : un vent de panique s’empare de La République en marche

Européennes : un vent de panique s’empare de La République en marche 
A cinq jours des élections européennes, plus rien ne semble garantir une victoire de la majorité
dimanche 26 mai. En interne, beaucoup de cadres de La République en marche sont écoeurés par la tournure prise par les événements.
A quelques jours du scrutin, les inquiétudes ont laissé la place à un vent de panique au sein de La République en marche. Les sondages qui persistent à donner le Rassemblement national en tête dimanche soir, malgré l’implication directe d’Emmanuel Macron dans la campagne, ont ébranlé les espoirs des macronistes qui sont de moins en moins nombreux à croire la victoire possible le 26 mai. "Je ne sens malheureusement pas de remobilisation d’ampleur dans la dernière ligne droite, se désespère un cadre de la majorité. La résignation gagne de plus en plus nos cadres sur le terrain, qui commencent à se dire que faire 20-22%, ce n’est pas si mal au vu de la jeunesse de notre mouvement. » La dernière étude conduite par l’IFOP semble confirmer cette lassitude : la liste présidentielle est reléguée à un point et demi du parti de Marine Le Pen, qui culmine à 24% d’intentions de vote, son plus haut niveau depuis le début de la campagne européenne. 
Officiellement, LREM continue de miser sur une victoire dimanche 26 mai. "L'objectif qui est le notre c'est de gagner cette élection dimanche et d'être devant le Rassemblement national", vante le porte-parole de "Renaissance" Pieyre-Alexandre Anglade. Mais pour la première fois, à l’approche d’un scrutin national, les macronistes doutent. De leur tête de liste, de leur stratégie, du message à adresser aux électeurs…« Nathalie Loiseau manque de pugnacité, elle n’est pas assez agressive face aux pit bulls lâchés par nos adversaires sur les plateaux de télévision », regrette une députée de la majorité. Très "techno", l’ancienne ministre déléguée aux Affaires européennes divise jusque dans son propre camp. "Je persiste à penser qu’elle était un bon choix car nous avions besoin d’une personnalité d’influence pour occuper un poste à responsabilité au parlement européen, quitte à sacrifier la dimension "charisme" de la campagne, observe un macroniste. Mais force est de constater que tout ne s’est pas déroulé comme prévu, à responsabilités partagées entre Nathalie Loiseau et les autres colistiers qui ne l’ont pas protégée".

La stratégie remise en question

La composition de la liste « Renaissance », elle même, suscite les interrogations. A privilégier les compétences techniques et l’équilibre politique de la liste, les macronistes se sont vite retrouvés dépourvus lorsqu’il s’est agit de répondre aux attaques de leurs adversaires. « On a voulu faire les kékés, mais on aurait peut-être aussi bien fait de ressortir quelques politicards, capables de parer aux coups venus de l’opposition », constate amèrement un membre de la majorité. Au sein de La République en marche, deux tendances se dégagent : une réelle envie d’en découdre avec le Rassemblement national, avec la frustration d’une campagne qui a assez peu parlé de fond – d’où le ressentiment de certains à l’égard « des médias » et notamment des chaînes d’infos – et, d’autre part, une inquiétude croissante quant à la stratégie menée : pas de meeting européen, un programme sorti dans les toutes dernières semaines de campagne, une tête de liste maladroite, des colistiers peu visibles, et l’angoisse des conséquences d’une éventuelle défaite.
Autre point de friction : la volonté de la majorité de dramatiser à outrance la campagne entre « populistes » et « progressistes », en mettant en scène l’opposition avec le Rassemblement national de Marine Le Pen. Une stratégie mal vécue par de nombreux élus LREM. « A vouloir à tout prix mettre une balle au Rassemblement national dans la dernière semaine de campagne, on épargne François-Xavier Bellamy, qui risque de nous coûter quelques points précieux dans les bastions historiques de la droite, dans l’Est de la France ou en Vendée », pointe une parlementaire. La focalisation sur l’influence supposée de l’ex-stratège de Donald Trump Steve Bannon dans la campagne est également décriée en interne. « Je ne comprends pas qu’on en fasse autant à son sujet, ca ne nous fera pas gagner de voix et les militants du Rassemblement national nous rétorquent à juste titre que Macron a reçu le soutien de Barack Obama en 2017. »

Vers un remaniement ?

En toile de fond, les macronistes redoutent l’affaiblissement de leur influence au du parlement européen, au sein d’un groupe croupion, constitué des restes du groupe libéral ALDE du belge Guy Verhofstadt et de quelques forces politiques microscopiques. « D’autant que le PPE (droite) nous attendra au tournant et souhaitera corneriser les novices LREM dans les négociations post-26 mai pour les postes à responsabilité (présidence de commissions, postes de rapporteurs, etc.) », résume un cadre de LREM. Une éventuelle défaite pose également la question épineuse d’un remaniement ministériel pour relancer la dynamique du quinquennat : quelle ampleur lui accorder ? Doit-il aller jusqu’à Matignon ? Interrogé sur la perspective d'une défaite par Challenges, le patron de LREM, Stanislas Guérini s'était montré particulièrement alarmiste. "Je crois qu’il ne faut pas minimiser la conséquence que cela aurait. C’est une des caractéristiques du Président de la République d’avoir toujours su prendre des risques. Parlons clairement aux Français dans cette élection : si la liste Renaissance n’est pas en tête le 27 mai, alors la France sera affaiblie en Europe."
Quelques signes encourageants laissent toutefois de l’espoir aux cadres de la majorité. Les interventions d’Emmanuel Macron ont été bien reçues par les militants, tout comme la demande faite aux ministres de se déployer sur le territoire. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire se démultiplie dans les média : après avoir accordé une longue interview au Journal du Dimanche, le 18 mai, il devrait récidiver cette fois dans le quotidien gratuit 20Minutes. Autre bonne nouvelle : contrairement à 2009, le vote écolo ne prends pas, et le candidat d’EELV Yannick Jadot reste englué à 7% des voix. « Le facteur inquiétant en revanche, c’est que le RN semble disposer d’un socle extrêmement solide et semble bénéficier d’un vote utile à droite qui se traduit par l’effondrement de Nicolas Dupont-Aignan », souligne un macroniste. Verdict d’un cadre de la majorité : « Ce sera très serré. »
Doutes sur la présence de Macron à un meeting
Interrogé sur la participation éventuelle d’Emmanuel Macron à un meeting de campagne de Nathalie Loiseau, notamment vendredi 24 mai pour le dernier  rassemblement prévu à la Maison de la mutualité, à Paris, le porte-parole de la liste Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade a botté en touche. « A ce stade, il n’y a rien de confirmé. Rien n’a été dit sur la présence éventuelle d’Emmanuel Macron à un meeting. »