Google suspend ses relations avec Huawei. Pour Google, l’équipementier chinois est dans les
entreprises jugées « à risque » par Washington. Cette décision devrait en tout cas inciter Huawei à avoir son propre système d'exploitation qui pourrait concurrencer Google sur son terrain.
Actualisation
lundi 20 mai 21h56 TU : Lundi, le président américain a finalement
offert un sursis de trois mois à Huawei. Le département américain du
commerce a en effet autorisé l'entreprise chinoise à conserver ses
réseaux existants jusqu'au 19 août. Elle pourra également dans ce laps
de temps continuer à fournir des mises à jours logicielles pour les
consommateurs américains en possession d'un téléphone de la marque.
Google
indique qu’il ne fournira plus de logiciels, de matériel informatique,
ni de service technique à Huawei à l’exception des services disponibles
en open source, c’est-à-dire libres de droits.
En détail, les
utilisateurs actuels de téléphones fabriqués par Huawei ne pourront plus
mettre à jour le logiciel d’exploitation Android. Les conséquences
peuvent être importantes pour eux, car leurs smartphones pourraient
présenter des failles de sécurité, à moins que le fabricant chinois ne
décide de réaliser lui-même ces mises à jour. En revanche, ils pourront
toujours utiliser et mettre à jour les applications mobiles fournies par
Google : des applications phares, comme Gmail, YouTube ou le navigateur
Chrome qui ne seront plus installées sur les futurs modèles de
smartphones Huawei.
Nouveau coup dur pour Huawei
C’est un nouveau coup dur pour le fabricant chinois, bête noire de Washington.
En pleine guerre commerciale avec Pékin, Donald Trump a interdit le 15
mai dernier aux groupes américains de commercer dans les
télécommunications auprès d’entreprises étrangères jugées dangereuses
pour la sécurité nationale.
Devenu numéro 2 mondial
derrière le coréen Samsung et devant l’américain Apple, Huawei fournit
19 % du marché mondial des smartphones. Le fabricant chinois a connu un
bond de plus de 50 % de ses ventes au premier trimestre 2019. La société
basée à Shenzhen, dans le sud de la Chine, est aussi l’un des leaders
dans la 5G, la nouvelle génération d’internet mobile en cours de
déploiement et qui suscite un débat un peu partout dans le monde.
Selon
les spécialistes, la décision de Google ne devrait pas avoir d’effet en
Chine, car la plupart de ses applications y sont interdites. Le
deuxième marché de Huawei, l’Europe, risque en revanche d’être davantage
affecté. Sans oublier l’Afrique, un continent stratégique pour le
groupe, qui ambitionne de couvrir le marché africain dans sa totalité.
Huawei a su plaire aux Africains dès 1998, en devenant très vite un
partenaire incontournable dans une quarantaine de pays. En participant
de près ou de loin au lancement de la 3G, puis de la 4G et maintenant de
la 5G. C’est ainsi que, profitant de la Coupe d’Afrique des nations
2019 (CAN), le géant chinois devra installer la 5G en Égypte. Une première.
Les
raisons et conséquences de l'arrêt des relations entre Google et Huawei
pour Ulrich Rozier, spécialiste dans les nouvelles technologies 20/05/2019
- par Alexis Bedu
Écouter
Du
coup, les déboires avec Google pourraient inciter Huawei à suivre
l’exemple d’Apple et proposer son propre système d’exploitation. L’idée
trottait depuis un moment déjà dans les têtes de ses dirigeants. Le
Chinois pourrait aussi développer un logiciel à partir d’Android en
réutilisant des codes d’Android libres de droits. Cela lui permettrait
de garder un produit compatible aux applications développées pour ce
système. Une autre possibilité serait que les développeurs
d’applications proposent une version « Huawei » de leurs produits, s’ils
ne veulent pas se couper du marché chinois. Autant de possibilités sur
lesquelles il faudra réfléchir.
Un risque aussi pour Google
Mais
pour Google, la décision de lâcher Huawei ne sera pas, non plus, sans
conséquence. Une coupure avec le chinois peut faire perdre à Google
l’accès à des données essentielles de centaines de millions
d’utilisateurs, son gagne-pain et la base de son modèle économique
semblable à celui de Facebook. Mais c’est sans doute la possibilité de
développement d’un système d’exploitation propre à Huawei qui peut
représenter un vrai risque pour Google. De plus, les autres fabricants
chinois pourraient être incités à y passer, afin d’éviter d’être à leur
tour victimes de futures pressions américaines.
Par RFI