
En l'espace de deux semaines,
deux demandeurs d’asile ont tenté de mettre fin à leurs jours au centre
de rassemblement et de départ (GDF) – le centre du HCR dans la capitale
libyenne. Les deux victimes, désespérées, qui avaient connu l’enfer de
la prison de Tajourah, avaient été priées de quitter le centre de l’ONU,
réservé aux seules personnes éligibles au programme de réinstallation .
Deux demandeurs d’asile somaliens ont tenté de mettre fin à
leurs jours, à quelques jours d’intervalle, dans le centre de rassemblement et
de départ (GDF), le seul centre géré par le Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) dans la capitale libyenne.
Le premier, Mohamed, a avalé des médicaments. La seconde, Fadumo*, a tenté de se pendre dans sa chambre. Les
deux victimes ont été secourues par leurs camarades avant l'arrivée d'un médecin.
"Quand Mohamed a tenté de se suicider, nous avons
appelé la police, ils ne sont pas venus. Nous avons dit au personnel de l’ONU
de faire quelque chose, mais il ne s’est rien passé", confie un de ses
amis, Bilal*, contacté par InfoMigrants. "Alors, nous l’avons fait vomir.
Le lendemain, quelqu’un est venu s’assurer qu’il allait bien. Et puis c’est
tout."
De son côté, le HCR explique cependant être
intervenu rapidement pour porter secours à Mohamed. Tarik Argaz,
porte-parole du HCR en Libye, affirme également que cet incident
reflète "malheureusement les traumatismes subis par de nombreux réfugiés
et demandeurs d’asile qui ont survécu à des conditions épouvantables
dans les centres de détention libyen".
Quelques jours après cette première tentative de
suicide, Fadumo est elle aussi passée à l'acte, mercredi 9 octobre. Elle
a suspendu une corde - faite de foulards noués les uns aux autres -
dans la
chambre où elle logeait.
"Ils nous ont dit de partir"
Les deux tentatives auraient le même mobile : le
désespoir des migrants à
l’idée de quitter le GDF. "On leur a dit qu’il fallait qu’ils quittent
le
centre", explique Abdo* un migrant
présent au GDF
qui ne souhaite pas dévoiler son identité. "Ils demandent à tous les
migrants de Tajourah de partir parce
qu’il n’y a pas de places ici." Une
version des faits confirmée par Bilal. "Ils nous ont dit de partir parce
que nous ne sommes pas éligibles au programme de réinstallation de
l'ONU."
Mohamed et Fadumo font partie du
groupe de migrants qui avaient rejoint
le GDF à pied, au mois de juillet, après avoir fui la prison
bombardée de Tajourah – dans laquelle une
quarantaine de personnes ont
officiellement péri. "Depuis que nous sommes au centre, les gens de
l’ONU nous disent qu’ils ne peuvent rien faire pour nous. Ils nous disent que
rester dans les locaux ne sert à rien", continue son ami. Le GDF, dont la
capacité maximale est de 700 places, est à flux tendu.
Mais quitter le GDF n’est pas
envisageable. Le retour à la rue, le risque d'être renvoyé en prison effrayait
particulièrement Mohamed. "Il était désespéré. Il disait qu’il valait
mieux mourir que de vivre ainsi, dans le désespoir".
Le HCR a démenti exercer une
"pression" sur les demandeurs d’asile de Tajourah. L’ONU leur propose
"une aide" pour qu’ils puissent se loger ailleurs. "Ceux qui
ne sont pas sur le point d’être évacués ou réinstallés [dans des pays
tiers] se
sont vus offrir une assistance pour les aider à se réinstaller dans des
zones
urbaines", explique Tarik Argaz.
"Nous ne voulons pas de cette
aide financière", explique Abdo. "Dehors, c’est très dangereux pour nous. Nous
ne pouvons pas partir. Et puis leur aide financière est dérisoire, elle tourne autour de 400 dinars [250 euros]."
Le GDF à Tripoli a ouvert ses portes
au mois de décembre 2018. Il a pour objectif de transférer les réfugiés
vulnérables vers un lieu sûr, en Europe, notamment, via les programmes de
réinstallation. Ou de les diriger vers d’autres structures d’urgence dans des
pays tiers (au Niger ou au Tchad). Il peut également proposer des retours
volontaires aux migrants qui souhaitent rentrer chez eux.
* Tous les prénoms ont été changés.
Par infomigrants.net