
En Chine, et en Corée du Sud, les personnes en quarantaine sont suivies à
la trace « via » une
application sur leur téléphone portable. Des
pratiques qui ne choquent pas en période d'épidémie mais qui posent
question sur la protection des données.
Avec notre correspondant régional,
En Corée du Sud,
les voyageurs arrivant de Chine astreints à une auto-quarantaine doivent
télécharger depuis ce week-end une application sur leurs smartphones.
30 000 personnes sont concernées dont une majorité à Daegu et sa
région, l’épicentre de la pneumonie virale dans le pays. Le principe est
simple : après téléchargement de l’application, vous devez cocher tous
les jours les cases symptômes : « Avez-vous de la fièvre, oui ou non ?»« Est-ce que vous toussez ? » «Est-ce que vous avez des difficultés à respirer ?» En
fonction de ces renseignements, soit vous restez à la maison, soit on
vous invite à venir passer un test de dépistage du coronavirus.
Traquer le coronavirus...et plus si affinités
Mais
au-delà de ces renseignements, le GPS contenu dans l’application est
aussi un mouchard. Si vous ne respectez pas cette période d’isolement,
si par exemple vous vous rendez dans un lieu fréquenté comme un centre
commercial, ou le métro, alors l’alerte se déclenche. Votre téléphone
sonne, et bien sûr l’alerte est transférée aux autorités sanitaires qui
peuvent envoyer votre localisation à la police. Ce système a été mis en
place, car malgré une amende de près de 7 500 euros pour ceux qui ne
respectent pas les consignes, certains continuaient à n'en faire qu’à
leur tête.
C’est un système qui existe aussi en Chine. Là visiblement, il s’agit d’un code QR sur le smartphone
pour tous les citoyens. Ensuite, un code tricolore, vert, jaune, ou
rouge qui guide vos déplacements. Il a d’abord été mis en place à
Hangzhou, la capitale de la province du Zhejiang très touchée par
l’épidémie avant d’être étendue à d’autres villes. C’est le siège d’Alibaba, le géant de la vente en ligne qui a créé ce système GPS relié à Alipay, l’appli de paiement électronique sur les téléphones portables en Chine. « Code vert, vous pouvez circuler ! Rouge ou jaune : prévenez immédiatement ! », disent les banderoles de la propagande à Hangzhou, où se trouve Wang Xiaoyan, une comptable de 31 ans : « Moi
j’ai de la chance, j’ai un code vert. La couleur est basée sur nos
déplacements dans les 14 jours qui ont précédé. Ils veulent savoir si
vous avez quitté la ville ou si vous avez eu de la fièvre. A Hangzhou,
vous avez besoin de cette application pour aller travailler, pour entrer
dans votre résidence ou pour aller au centre commercial.»
Une application obligatoire pour se déplacer
La
police peut intervenir si vous ne respectez pas le code couleur, le
« code de la santé Alipay » comme l’appellent les médias chinois. Vous
devez montrer pattes blanches ou en tous cas téléphone vert partout où
vous vous rendez. Alors il y a parfois des bugs… Certains se
sont retrouvés avec un code rouge sans avoir été dans une zone à risque
ou sans avoir fréquenté de malade, et ils ont été très vite rattrapés
par la patrouille, parfois en voiture. Comme vous l’avez compris au
temps du coronavirus, le secret médical n’existe plus, ce qui ne semble
pas déranger Huang Guochao, 32 ans, employée d’une compagnie
d’import-export à Yiwu : « J’ai entendu dire que ceux qui ont un
code jaune ou rouge doivent restés confinés pendant 14 jours pour les
rouges, et 7 jours pour les jaunes. Pendant cette période, vous devez
rester connecté à l’application et répondre aux informations demandées. A
la fin si tout va bien, le code devient vert ! Moi je suis d’accord
pour confier mes données personnelles. La police est au courant de mes
déplacements. C’est une période spéciale, c’est pour nous protéger. »
Le renseignement humain à grande échelle
Une
application destinée à protéger les bien portants, mais sans protection
des données privées. En Corée, vous pouvez « oublier » votre téléphone à
la maison et donc peut-être passer sous les radars ce qui est
évidemment n’est pas du tout conseillé. Mais en Chine, Sans votre
portable, vous ne pouvez pas faire vos courses. Certains défenseurs des
libertés, même s'ils ne sont pas nombreux, craignent que ce suivi des
traces numériques ne reste en place après l’épidémie. Il faut de toute
façon savoir qu’avant cette application, le régime chinois avait
réactivité un système de contrôle des masses, basé sur le renseignement
humain à l’ancienne, celui des comités de quartier qui surveillent
également vos allées et venues et vous empêchent de quitter votre
appartement si vous êtes considéré comme une personne à risque.
Par Stéphane Lagarde
RFI