La jeunesse africaine formée dans les meilleures universités occidentales a l’obligation de rentrer en Afrique pour participer à l’émancipation économique et sociale du continent. Cette sentence, au-delà
de son caractère impératif, est avant tout un conseil, voire une opportunité.
Une nécessité plus qu’actuelle
Aujourd’hui, comme le dit l’ancien ministre sénégalais Cheikh Tidiane
Gadio, « Tout le monde a compris que l’avenir est en Afrique sauf les
Africains ». La jeunesse africaine se questionne encore sur la capacité
du continent à lui offrir un avenir radieux. Elle ne cesse ainsi de
tergiverser et d’attendre un hypothétique « bon moment » pour rentrer,
mais rendons nous à l’évidence : les conditions optimales du retour ne
seront jamais réunies.
Qu’attendons-nous pour rentrer ? Que la corruption soit complètement
éradiquée ? Que le climat des affaires se soit stabilisé ? Que la
justice devienne irréprochable ? Que toutes les armes de guerres aient
disparu ? Ou attendons-nous que les infrastructures soient au standard
européen ? Mais sur qui comptons-nous pour réaliser toutes ces choses ?
Qui viendra construire nos musées ? Qui viendra mener une réforme du
système judiciaire ? Qui mettra sur pied un système éducatif de
qualité ? Qui luttera contre le chômage qui ravage nos populations ?
Devrions-nous encore attendre des résolutions de l’ONU pour pacifier
notre continent ?
Prenons exemple sur la génération de nos pères, ceux qui se sont battus
dans les années 50 pour renverser l’ordre établi. Qu’aurait été le
combat contre l’oppression coloniale si des illustres aînés comme
Amilcar Cabral, Kwamé N’krumah, Jomo Kenyatta et j’en passe, n’avaient
pas décidé de retourner dans leur pays pour se battre contre l’emprise
coloniale ? Comme nous, ils auraient pu se contenter du confort d’une
vie en occident sans se soucier de leurs peuples. Mais à un moment de
leur vie, ils ont fait un choix, ils ont pris un risque, ils ont décidé
de mener un combat certes rude et harassant, mais ô combien excitant.
Nous sommes les enfants de cette prise de risque.
Des difficultés certes à pointer du doigt
Le défi du développement de l’Afrique est passionnant, mais personne ne
nie sa difficulté ainsi que les embûches sur le chemin : l’insécurité,
les tensions ethniques, la menace terroriste, l’avancée du désert, la
corruption érigée en norme, les rebellions arrogantes, le paludisme, les
rebelles désormais apôtres de la paix, la justice aux ordres et
corrompue, le manque d’infrastructure de base, les pseudo-leaders en
manque de vision, les crises humanitaires, la vision archaïque du rôle
de la femme, la mortalité infantile, le SIDA.
Voici, pour faire court, ce à quoi nous serons confrontés lors de notre
retour. Oui ! Le challenge est rude ! Mais embrasser ce challenge,
relever ce défi c’est offrir à nos enfants un avenir radieux et
l’opportunité de grandir sur une terre pacifiée où tous leurs rêves
seront réalisables, loin des turpitudes de notre temps. Ne leur laissons
pas notre combat en héritage.
Le but ici n’est pas d’appeler à rentrer pour la forme, mais de rentrer
avec une vision, avec un projet. Le retour est de rigueur, mais il doit
être construit, pensé et inscrit dans une dynamique. La vision qui doit
nous guider sur le chemin du retour est celle que partageait le
commandant Ernesto Che Guevara : « élargir le champ des possibles. »
Notre objectif ultime doit être celui de rendre sa dignité à notre
peuple en lui donnant les moyens d’une vie décente.
Néanmoins, remplie de certitudes et croyant toujours détenir la vérité,
la jeunesse africaine vivant à l’extérieur se pose parfois en donneuse
de leçon. Aveuglée par sa prétendue supériorité, elle ne peut
appréhender de manière précise les réalités d’un continent qu’elle a
parfois oublié. Pour mener ces batailles, il nous faut prendre le chemin
du retour. Mais prendre ce chemin en laissant derrière cette arrogance
qui à trop longtemps caractérisé la jeunesse africaine expatriée sous
peine d’échouer.
Il y a un regain d'espoir
Rentrer, investir, entreprendre, réussir et créer de la richesse en
Afrique, ils sont nombreux à avoir suivi cet itinéraire et à nous
montrer la voie. Les initiatives ne se comptent plus, la plateforme
KODJI portée par de jeunes ivoiriens, la tablette éducative QUELASY, la
Chaine de café NEO, le Smartphone africain ELIKIA. Aux côtés de cette
jeunesse qui rentre, l’autre restée sur place se met elle aussi en
marche. Elle se positionne, s’active, prend des risques et essaie malgré
les embûches de se construire un avenir meilleur.
Elle n’attend pas la venue d’un hypothétique messie, elle n’écoute plus
et n’entend plus les vaines promesses de ses frères en exil.
Chaque jour elle montre la voie en se battant contre un système
corrompu qui ne lui laisse aucun répit. Elle garde le cap. Elle ne rêve
plus d’un avenir meilleur à l’extérieur mais préfère réaliser un futur
brillant à l’intérieur. Pour cette jeunesse restée sur place, la
question ne se pose plus l’Afrique est déjà le continent de demain et
chaque jour elle le prouve. Yerim Sow, Koné Dossongui, Marie-Solange
Sahoun, Charles Emmanuel Yacé sont les étoiles qui lui servent de
boussole.
Pendant qu’a l’extérieur on tergiverse et hésite sur la réalité du
potentiel africain, les multinationales étrangères, quant à elles,
passent à l’action. On peut s’en rendre compte avec l’implantation du
groupe Carrefour en Côte d’Ivoire, la création d’une chaine 100%
africaine par le groupe Canal +, la création de radios commerciales par
le groupe Lagardère sur le continent, l’entrée au capital d’ECOBANK de
Qatar national Bank, l’implantation du cabinet d’avocat ORRICK en Côte
d’Ivoire.
Partout l’Afrique bouillonne. Elle est en mouvement. Ne nous limitons
donc pas à un simple contrat de travail, à un poste, un bureau au
29ième étage, à un salaire confortable, à un prêt immobilier, à un prêt à
la consommation ; ne nous contentons pas des illusions de la vie en
occident. Comme le disait le camarade capitaine Thomas Sankara : « Osons
inventer l’avenir ».
Joël-Armel Nandjui
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