Vous avez sans doute, vous aussi, appris l’existence de tel ou tel concours de business plans, de tel incubateur ou d’espace de co-working. Autant d’anglicismes à la mode qui fourmillent sur les panneaux
publicitaires et les encarts Facebook. Quelle est la portée de ces évènements ? Quelle est la réelle importance de l’entrepreneuriat sur le développement et l’économie des pays ? Cet article brosse les actions initiées pour impulser le développement de l’entrepreneuriat en Afrique de l’Ouest et les limites de leurs portées.
Dans la myriade des initiatives en Afrique de l’Ouest, quel est le
bilan des actions favorisant l’émergence et la croissance d’un
écosystème entrepreneurial solide ? Les concours entrepreneuriaux
organisés par des multinationales se multiplient. De même, des acteurs
dédiés s’emparent de cette tendance pour organiser des évènements le
temps d’un weekend, au niveau national ou panafricain. Les réseaux
pullulent, centrés autour des NTIC ou des femmes. Enfin, les espaces de
co-corking sont aussi à la mode, entre inspiration de la Silicon Valley
et adaptation à la sauce africaine.
Des résultats encore très mitigés …
Néanmoins, au milieu de cette fièvre entrepreneuriale, le bilan est en
demi-teinte. Peu d’organisations sont opérationnelles et peuvent
présenter des résultats durables d’accompagnement. Nombreuses sont les
structures à avoir joué d’effets d’annonce sans que leurs portes n’aient
été foulées par des porteurs de projets. Tout comme sont pléthores les
acteurs vendant de la poudre d’entrepreneur sans savoir vraiment de quoi
il retourne.
Pour ceux pouvant se targuer d’une certaine expérience, beaucoup se
contentent d’un copié-collé de présentations trouvées sur internet ou
glanées d’incubateurs étrangers sans vraiment prendre en compte les
besoins et enjeux locaux. Enfin, et non des moindres, rares sont les
concours et évènements suivis d’un accompagnement de long-terme, à même
de créer un véritable renforcement des capacités et de constituer un
tremplin qualitatif pour ces jeunes entreprises. Or, ce sont pourtant
ces ingrédients qui sont capables de fournir un terreau fertile pour ces
pousses entrepreneuriales. Rien ne sert de conter fleurette aux
porteurs de projets, il faut les accompagner, les comprendre et leur
offrir des outils spécifiques.
… qui ne doivent pas inciter à renoncer mais plutôt favoriser un meilleur suivi !
A l’inverse, on assiste à une certaine course aux concours parmi les
entrepreneurs. Qui les blâmera ? Le chômage demeure majeur, avec une
jeunesse qui compte pour 60% de l’ensemble des chômeurs en Afrique
Subsaharienne. L’entrepreneuriat apparaît alors comme une voie de
survie. L’Afrique présentant un record dans le domaine avec la plus
forte proportion mondiale de potentiels jeunes créateurs d’entreprise
(60%)[1].
L’engouement actuel alimente cette frénésie où, aux dires d’un
entrepreneur ivoirien, « écument toujours les mêmes à courir après les
prix ». Gros chèque, notoriété, réseau, les carottes sont affriolantes
tandis que peu de concours proposent une formation à la clef.
Or, en Afrique plus qu’ailleurs, les jeunes entreprises ont besoin de
formation technique. Elles sont les premières à le reconnaître et à le
réclamer. Alors que la Côte d'Ivoire a inscrit l’entrepreneuriat au
programme scolaire, il faut plaider pour que la sensibilisation dès le
plus jeune âge se concilie à la fois avec un enseignement technique et
professionnel et avec une offre d’assistance technique (AT) accessibles
et de qualité. Là encore, des efforts sont à poursuivre : l’éducation
professionnelle est marginale, et les fournisseurs d’AT sont encore trop
peu visibles, et souvent trop peu outillés pour fournir un appui
efficient. De même, l’offre en financement manque la cible qui en
requiert le plus. Le paysage est compartimenté entre micro-finance,
banque et quelques fonds d’investissement avec des taux d’intérêt et des
demandes de garanties trop élevés et des tickets inadaptés aux besoins,
tandis que les PME africaines ne disposent bien souvent pas d’une
éducation financière suffisante pour construire un solide dossier de
financement.
On ne citera personne mais il faut cependant conclure en reconnaissant
que se construit, doucement mais sûrement, une communauté
entrepreneuriale engagée et expérimentée et que des entreprises
championnes émergent, portées par de jeunes leaders ambitieux pour leur
pays et leur continent. Les partenaires de développement l’ont compris
également, en cherchant à mieux connaître ces pépites encore
embryonnaires pour mieux y investir. Ainsi, la Société Financière
Internationale entend participer à hauteur de 20 à 25% dans un programme
d'investissement de 250 millions de dollars dans des fonds de
capital-risque dédiés aux PME en Afrique.
Ainsi, la donne a changé. Rangez votre cravate, le fonctionnariat est
en train de passer de mode. Au milieu de la fièvre, l’engouement est
réel. Reste à ne pas perdre de vue que l’entrepreneuriat, même sans
patron, est un travail à part entière.
Pauline Deschryver
http://terangaweb.com/lentrepreneuriat-afrique-de-louest-so-cool/
[1] Global Entrepreneurship Monitor, Youth Business International (GEM/YBI) sur l’entrepreneuriat chez les jeunes, Rapport 2013