L'Angola condamne «la violence récurrente» en République démocratique du Congo et appelle la classe politique, réunie en ce moment autour de l'Eglise catholique, à «préserver la paix», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Georges Chikoti, lors de son discours de fin d’année vendredi 23 décembre. Une autre information circulait également : les militaires angolais présents en RDC ont quitté le pays. S'agit-il de pressions sur le gouvernement congolais ?
Ces militaires angolais étaient en RDC pour former les forces de
sécurité. Une coopération de longue date destinée principalement à la
garde républicaine et à la police, deux corps particulièrement épinglés
dans les événements de ces derniers jours.
Selon une source diplomatique angolaise, ces militaires seraient tous partis en permission, sans pour autant être relevés. « Ils ont plié bagage et sont partis avec tout », assure un officiel du Bas-Congo où étaient déployés ces formateurs.
Pour d'autres sources diplomatiques, il s'agit bien d'un repositionnement de l'Angola pour démontrer sa neutralité. « Un signal clair de la condamnation de la violence récurrente »,
commente un diplomate occidental, qui estime que cette décision, vu
l'importance historique de l'Angola pour le président Kabila, peut
peser.
Fin octobre, le président Dos Santos semblait davantage en phase avec Joseph Kabila venu à Luanda recevoir les félicitations de ses pairs de la région pour l'accord politique obtenu au terme du dialogue avec une partie de l'opposition.
Entre-temps, de nouvelles discussions politiques se sont engagées
sous l'égide des évêques catholiques. Le pays a été confronté à de
nouvelles violences meurtrières et à des arrestations massives. L'Angola
s'est impliqué pour un règlement pacifique de la crise congolaise et
n'a jamais caché son inquiétude face à une escalade qui aurait des
conséquences sur tous les voisins de la RDC.
Pression et impact
L'Angola est l'un des principaux soutiens militaire et diplomatique
de Joseph Kabila. Pour le chercheur et directeur du Groupe d'étude sur
le Congo, Jason Stearns, il faut interpréter ces gestes des autorités
angolaises comme une pression sur le gouvernement congolais dans le but
de maintenir les intérêts de l'Angola dans la région.
« Il y a simplement une prise de distance entre Luanda et
Kinshasa. Et une pression sur les autorités de Kinshasa pour régler
leurs problèmes politiques. (...) Ce qui préoccupe surtout l'Angola,
c’est la stabilité, la sécurité, les flux de réfugiés et le pétrole,
parce qu’il partage des concessions pétrolières avec le Congo. C’est les
trois choses qui dominent la politique angolaise envers le Congo et
donc dès qu’il y a un problème macroéconomique, macropolitique en RDC
qui pourrait mettre en danger la stabilité du pays, c’est ça qui met en
alerte les autorités angolaises. Et c’est ça, je pense, qui a provoqué
cette réaction. »
Jason Stearns estime que cette attitude de Luanda peut peser sur les décisions des autorités congolaises. « C’est
un pas très important. (...) L’Angola a des capacités énormes de
pression sur la RDC. Il ne faut pas oublier que l’Angola a aidé à
renverser le régime de Mobutu, l’Angola a sauvé le gouvernement de
Laurent-Désiré Kabila contre une invasion rwandaise en 1998 et l’Angola,
jusqu’à aujourd’hui, est parmi les pays qui a le plus de moyens de
pression, le plus de renseignements sur ce qui se passe, le plus de
capacité d’influencer les choses. Donc je pense que même si ce message
est assez subtil, il va avoir un grand impact sur la psychologie des
gens au pouvoir à Kinshasa. »