Dans une tribune au « Monde » à la suite
des révélations sur les traitements des Noirs en Libye, l’écrivain
Felwine Sarr et le philosophe Achille Mbembe demandent aux Etats
africains de mieux protéger leurs ressortissants.
Tribune. Nous le
savions, mais refusions pleinement d’ouvrir les yeux et de prendre la
mesure de ce qui se jouait. Les échos des traitements indignes infligés
aux hommes et femmes noirs en Libye nous parviennent depuis un certain
temps, mais étouffés par une accoutumance au chaos, à la violence
aveugle, à ses expressions multiples, dans un univers désormais saturé
par ses représentations les plus sordides : bombardements,
décapitations, villes en guerre dévastées, ces faits nous semblaient
lointains.
Sans doute ne désirions-nous pas nous confronter à une réalité qui raviverait la plaie, et qui dirait une fois de plus notre vulnérabilité passée et présente, la position peu enviable que nous occupons dans les représentations et les imaginaires de maints groupes humains.
L’image brutale de ces marchés aux esclaves où des Africains sont vendus aux enchères nous réveille et nous renvoie à la face cette réalité nue L’image brutale de ces marchés aux esclaves où des Africains sont vendus aux enchères nous réveille et nous renvoie à la face cette réalité nue. Dans le premier quart de ce XXIe siècle, de jeunes Africains sont étalés comme du bétail sur des marchés d’esclaves et mis aux enchères en Libye – à 400 dollars en moyenne –, comme jadis lors de la traite transatlantique ou des traites transsahariennes. Les corps de ces jeunes Africains noirs sont volables, aliénables, corvéables ; on peut les soumettre aux pires sévices et inhumanités.
Le sujet africain de peau noire, le migrant, est devenu en ce XXIe siècle, comme l’indiquait Césaire, cet « homme-famine », cet « homme-insulte », cet « homme-torture » : on peut à n’importe quel moment le saisir ; le rouer de coups, le tuer parfaitement, le tuer sans avoir de compte à rendre à personne ; sans avoir d’excuses à présenter à personne. C’est à cette réalité effroyable que nous devons faire face.
On peut revenir sur les raisons d’une telle situation, même...
Sans doute ne désirions-nous pas nous confronter à une réalité qui raviverait la plaie, et qui dirait une fois de plus notre vulnérabilité passée et présente, la position peu enviable que nous occupons dans les représentations et les imaginaires de maints groupes humains.
L’image brutale de ces marchés aux esclaves où des Africains sont vendus aux enchères nous réveille et nous renvoie à la face cette réalité nue L’image brutale de ces marchés aux esclaves où des Africains sont vendus aux enchères nous réveille et nous renvoie à la face cette réalité nue. Dans le premier quart de ce XXIe siècle, de jeunes Africains sont étalés comme du bétail sur des marchés d’esclaves et mis aux enchères en Libye – à 400 dollars en moyenne –, comme jadis lors de la traite transatlantique ou des traites transsahariennes. Les corps de ces jeunes Africains noirs sont volables, aliénables, corvéables ; on peut les soumettre aux pires sévices et inhumanités.
Le sujet africain de peau noire, le migrant, est devenu en ce XXIe siècle, comme l’indiquait Césaire, cet « homme-famine », cet « homme-insulte », cet « homme-torture » : on peut à n’importe quel moment le saisir ; le rouer de coups, le tuer parfaitement, le tuer sans avoir de compte à rendre à personne ; sans avoir d’excuses à présenter à personne. C’est à cette réalité effroyable que nous devons faire face.
On peut revenir sur les raisons d’une telle situation, même...
Par
Felwine Sarr (Ecrivain et professeur
d'économie à l'université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal)
Source:lemonde.fr