Ismaël Jara a passé des années à tenter de rejoindre l’Europe, mais c’est finalement au Maroc que ce trentenaire malien a posé ses valises. Il y exerce avec fierté le métier de boulanger après avoir reçu une formation diplômante. InfoMigrants s’est entretenu avec lui.
“Quel destin !”, s’exclame Ismaël Jara lorsqu’on lui demande de
résumer son parcours migratoire. “Je rêvais d’Europe, j’ai fini
boulanger au Maroc, et j'adore mon métier”, lance-t-il, à InfoMigrants, dans un éclat de rire.
Originaire du Mali,
Ismaël est à peine majeur lorsqu’il quitte son pays en 2003. “Je suis
parti pour avoir le choix, pour m’en sortir, pour une vie meilleure.
Comme tout le monde, je voulais aller en Europe, surtout la France ou
l’Angleterre”, se souvient-il.
Cinq tentatives de traversée, cinq échecs
Son périple le mène rapidement au Maroc. Par cinq fois, il tenta la
traversée de la Méditerranée via les enclaves espagnoles de Melilla et
Ceuta. En vain. “Je n’ai pas eu la chance, comme certains autres
migrants à l’époque, de réussir à obtenir un permis de résidence en
entrant à Melilla ou Ceuta”, raconte-t-il. Sans vraiment en comprendre
les raisons, il se retrouve déporté en territoire marocain à chaque
fois. “J’ai bien pensé à monter secrètement sur des bateaux, mais je
n’aime pas l’eau. Je voyais bien les vagues de trois mètres quand
j’allais sur la plage !”
L’année 2006 sera celle de sa dernière tentative de passage des
barrières. Il décide alors de s’installer dans la capitale, Rabat, où il
restera trois ans, puis dans la petite ville d’Oujda, dans l’est du
pays, devenue son chez lui.
Ses premières années marocaines ne sont pas de tout repos. Ismaël,
qui s’attache peu à peu à son pays d’adoption, enchaîne les petits
boulots : “j’ai fait du bricolage pour les gens, j’ai livré des
journaux…” Il tente aussi de démêler sa situation administrative, mais
ce n’est qu’en 2013 qu’il parvient à obtenir une carte de résident, dans
le cadre d’une nouvelle politique d’immigration voulue par le roi
Mohammed VI. Comme Ismaël, quelque 25 000 étrangers, pour la plupart
originaires d'Afrique subsaharienne et de Syrie, se voient octroyer des
papiers et un statut officiel. Une autre vague de régularisation a
également été décrétée pour 18 000 personnes fin 2016.
Un métier, une épouse et un bébé
Grâce à sa carte de résident et au soutien de l’association d’aide
aux migrants Alwafa, Ismaël se voit ouvrir la voie à des formations afin
d'apprendre un métier et d’intégrer le marché du travail. “J’adore
apprendre, j’ai eu la chance de pouvoir faire presque deux ans de
formation pour devenir pâtissier-confiseur. Et en plus, un ami Marocain
m’a appelé quand il a su, car il allait ouvrir une nouvelle boulangerie.
J’ai pu faire mon stage et travailler avec lui”, explique-t-il.
Employé depuis bientôt un an, Ismaël est convaincu que l’on peut
“vraiment réussir au Maroc” dans de nombreux domaines, y compris celui
de la vie privée. En plus d’un métier, d’un avenir et de nouveaux amis,
le Maroc lui a permis aussi de rencontrer sa femme, une Ivoirienne, avec
qui il vient d’avoir un premier enfant. “Ma petite fille de sept mois
est née ici, elle est Marocaine et j’en suis ravi !”.
Après 14 ans passés au Royaume chérifien, Ismaël est fier de son
parcours. “Je ne regrette rien. Je voulais devenir quelqu’un, j’ai pu
trouver le bonheur ici. Je veux dire à ceux qui rêvent d’Europe que ce
n’est pas la seule option pour une vie meilleure. Beaucoup de ceux qui
s’y trouvent sont même moins bien lotis que moi, ils travaillent dans
les champs, n’ont pas de papiers...”, note-t-il.
Ses projets pour l’avenir : continuer de travailler passionnément
avec le rêve de peut-être pouvoir, un jour, rendre visite à ses proches
restés au Mali et pourquoi pas y enseigner l’art de la pâtisserie. “Ici
au Maroc, c’est réputé, mais au Mali il y a tout à faire en pâtisserie.
J’adorerais transmettre ce que le Maroc m’a offert”, conclut-il.
Source: infomigrants.net