Réunis à N’Djamena, les chefs d’État de la Communauté économique et
monétaire de l’Afrique
centrale sont parvenus à régler nombre de
dossiers épineux… À commencer par la suppression des visas.
Une conjoncture économique défavorable peut avoir des
vertus. En butte à des difficultés budgétaires et en quête de relance,
l’Afrique centrale bouge enfin. Le 31 octobre, au cours d’un sommet
convoqué à N’Djamena, au Tchad, les chefs d’État ont fait aboutir en
quelques traits de plume une pile de dossiers pourtant bloqués depuis
plus d’une décennie.
Conséquence, le lendemain, 1er novembre, à la suite des autres pays membres,
le Cameroun a été le dernier de la Cemac à supprimer l’exigibilité du
visa aux ressortissants des autres pays membres. Ironie de l’histoire,
les plus réticents à l’ouverture des frontières, décidée en 2013, le
Gabon et la Guinée équatoriale, l’avaient même précédé de quelques
jours. Il faut croire que la chute des cours du pétrole a mis en berne
la force des égoïsmes nationaux.
Concrètement, qu’est-ce qui va changer ? A priori, c’est la
fin de toute sorte de tracasseries policières. Mais attention ! Avant de
prendre l’avion, il vaut mieux s’assurer que l’on ne risque pas d’être
refoulé à l’arrivée. Le Gabon, la Guinée équatoriale et le Congo
réservent le passage de leurs frontières sans visa aux seuls détenteurs
de passeports biométriques. Le Tchad, le Cameroun et la République
centrafricaine, eux, n’exigent qu’une « pièce d’identité sécurisée » en
cours de validité.
Vers la fusion de la Cosumaf et la CMF
Le deuxième dossier épineux enfin tranché concerne la
création d’une Bourse des valeurs mobilières commune basée à Douala, au
Cameroun, en lieu et place des deux actuels marchés financiers. Au bout
de treize années de cacophonie, la Cemac se range aux préconisations de
départ formulées par la Banque mondiale et le cabinet européen
Roland Berger. Sur ce sujet aussi, la mise en œuvre de la décision
politique ne sera pas une sinécure.
Fusionneront pour ne constituer qu’un seul régulateur situé à Libreville
Le processus pourrait être celui envisagé en février 2016
par l’ex-gouverneur de la Beac Lucas Abaga Nchama, qui prévoit une
période transitoire de trois ans au cours de laquelle les deux marchés
continueraient de fonctionner séparément, tout en harmonisant leurs
réglementations. Cela implique des doubles cotations, mais aussi que les
intermédiaires soient agréés pour opérer sur les deux places
boursières.
À la fin du processus, les deux régulateurs – la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale (Cosumaf) et la Commission des marchés financiers (CMF) du Douala Stock Exchange – fusionneront pour ne constituer qu’un seul régulateur situé à Libreville.
Problème de financement
Le Cameroun se frotte les mains, lui qui portait à bout de
bras son propre marché financier tout en versant à la Cosumaf une
cotisation annuelle de 350 millions de F CFA (534 000 euros). En
revanche, les salariés de la CMF craignent pour leur emploi dès lors que
cette structure est vouée à se fondre dans la Cosumaf. Un fonctionnaire
communautaire relativise : « La Cosumaf étant en sous-effectif, elle
n’aura a priori aucun mal à les absorber. »
Le retour du FMI peut incidemment donner un coup d’accélérateur à l’intégration économique
À propos de l’éternel problème lié au financement de la
communauté, une première mesure audacieuse annule 90 % des arriérés dus
au non-reversement par plusieurs pays de la taxe communautaire
d’intégration dans les comptes de l’organisation « afin de partir sur de
nouvelles bases ».
Le retour du FMI peut
incidemment donner un coup d’accélérateur à l’intégration économique,
d’autant que, dans les réformes que l’institution mène avec les
différents gouvernements, un accent particulier est mis sur la cohérence
et la compatibilité avec les lignes directrices du programme de
réformes économiques de la Cemac.
Jeune Afrique