Jules-Armand Aniambossou, le coordinateur du
Conseil
présidentiel pour l’Afrique (CPA) est l'invité de RFI ce
mercredi 20 décembre au matin. Le CPA est composé de représentants de la
société civile et conseille Emmanuel Macron sur les sujets africains.
L'occasion de revenir avec lui sur le discours prononcé par le président
français à Ouagadougou, et d’évoquer l’un des sujets sensibles du
moment sur le continent, la question du franc CFA. Jules-Armand
Aniambossou répond aux questions de Pierre Firtion.
RFI : Quelle est la part du CPA du conseil présidentiel pour l’Afrique dans le discours prononcé par Emmanuel Macron à Ouagadougou fin novembre ?
Jules-Armand Aniambossou
: Alors, depuis les sujets en lien avec la mobilité en passant par les
thématiques culturelles et sportives, sans oublier le financement de
l’entrepreneuriat, c’est autant de sujets sur lesquels nous avons eu à
travailler pendant des semaines voire des mois qui ont fait l’objet de
propositions très concrètes que le chef de l’État a repris dans son
discours, donc qui maintenant revête une valeur d’engagement auxquels
nous allons travailler.
Il y a notamment une proposition que
vous avez suggérée au président, ce sont ces visas long séjour pour les
étudiants africains.
Pendant la campagne électorale, Emmanuel
Macron alors candidat, avait déjà eu l’occasion d’exposer sa vision sur
la nécessité de fluidifier la mobilité pour les étudiants, les
chercheurs, les entrepreneurs. Il parlait notamment de la nécessité
d’une route des libertés et de la responsabilité. Il a tenu cet
engagement en instaurant ce visa de circulation, notamment pour les
étudiants, et je pense que c’est heureux. Nous, nous l’avons proposé, et
sommes donc très heureux au sein du CPA qu’une telle idée ait été
retenu par le chef de l’Etat, pour une raison simple : l’Afrique
n’attend pas forcément la France, elle a le choix, elle peut travailler
avec d’autres puissances mais à ses risques et périls. Par contre, là où
la France a de très forts avantages compétitifs dans la nouvelle
relation que le président français souhaite coproduire avec les pays
africains, c’est notamment dans les domaines de l’éducation, de la
formation, de l’entrepreneuriat. Donc c’est se tirer une balle dans le
pied que de ne pas fluidifier les allées et venues.
Vous avez pesé aussi pour la restitution du patrimoine africain aux différents pays du continent.
Le
président lui-même était déjà très sensible à ce type de sujet. Je
dirais que sur ce point-là, les intelligences se sont fertilisées et se
sont croisées.
Mais alors concrètement, comment on fait parce qu’on voit que la loi française pour l’instant s’y oppose à cette restitution ?
Non
je crois que c’est trop vite aller en besogne que de dire que la loi
française s’y oppose. Une annonce forte a été faite à Ouaga, cette
décision présidentielle devra en terme d’effectivité de prendre corps.
Travaillons avec tous les acteurs aux bonnes modalités. Là également je
ne doute pas qu’on trouvera les bons modes opératoires pour que dans le
respect des cadres juridiques en vigueur, la traduction concrète de ces
décisions importantes voie le jour très vite.
A Ouagadougou,
Emmanuel Macron n’a que très peu parlé politique. Certes il a fait le
choix de prononcer son discours au Burkina Faso, mais il n’a pas
beaucoup parlé de démocratie. Est-ce que vous ne pensez pas que la
jeunesse africaine en attend un petit peu plus sur ce sujet-là ?
Si
je pense que le chef de l’Etat a parlé de démocratie, peut-être pas
développé comme vous le souhaiteriez, mais déjà le choix de Ouaga, il
n’y a pas meilleure place quand on veut s’adresser à la jeunesse
africaine. Donc en cela déjà on essaye de parler un peu de politique. La
cible n’était pas d’aller en Afrique pour donner des leçons. Comme le
président le dit souvent, on peut parler de tout, surtout entre amis on
peut tout se dire, mais on n’a pas forcément besoin de tenir une tribune
et de donner des leçons à la Terre entière.
Au sein de ce Conseil présidentiel pour l’Afrique, est-ce que vous évoquez la question du franc CFA ?
Le
CPA traduit une transformation profonde de la gouvernance, donc tous
les sujets en dehors de ceux en lien avec les aspects sécuritaires sont
évoqués. Mais ce sujet du franc CFA bien entendu, il nous est arrivé à
plusieurs reprises d’en discuter et d’échanger la dessus lors de nos
travaux, nous ne sommes pas des spécialistes, nous ne sommes pas des
experts de cette question. En tant que citoyens, nous nous interrogeons,
nous nous posons des questions et sur un sujet aussi important que
celui-là, le débat gagne à être un peu plus serein. Il ne s’agit pas
tant d’un sujet technique que d’un sujet symbolique et politique. Et moi
j’aimerais bien que les ministres compétents sur le sujet en Afrique
s’expriment. Mieux, que les ministres, que les chefs d’États africains
concernés aussi s’expriment. A Ouagadougou, Emmanuel macron a eu
l’occasion de s’exprimer sur le sujet, il a été clair : les solutions ou
la solution sera africaine et la France sera à côté de ses partenaires
africains dans l’intérêt de ceux-ci, pour mettre en place ce que les
Africains souhaiteront et décideront.
Quand vous voyez
l’économiste Kako Nubukpo qui a été suspendu de l’OIF, de l’Organisation
internationale de la francophonie pour sa tribune contre le CFA dans le
journal Le Monde, comment est-ce que vous réagissez à cette suspension, est-ce que ça ne vous gêne pas quand même un peu ?
Non,
quand on a un positionnement « statutaire », on se doit de respecter
quelques règles. Je ne connais pas les tenants et les aboutissants,
simplement, la personne dont vous parlez a une expertise sur le sujet
qui doit être écoutée, entendue s’il le faut, après, son institution est
souveraine. Par contre le but du jeu n’est pas de faire taire les
oppositions, il faut confronter les idées, je pense qu’on a besoin
d’écouter ces voix aussi, mais au-delà de l’exemple que vous prenez, je
pense que c’est un débat tellement important. Moi quand je vais en
Afrique, et je passe la moitié de mon temps sur le continent africain,
quels que soient les milieux, ce sujet revient de manière récurrente,
donc on ne peut pas faire l’économie de ne pas l’évoquer et de le
traiter, mais comme il se doit, il faut de la sérénité, il faut de la
compétence, il ne suffit pas de jeter des anathèmes ou de faire croire
aux gens que demain on rasera gratis.
Par Pierre Firtion
RFI