Sans cesse reportées depuis 2010, les élections communales se
tiendront finalement ce dimanche 4
février. Dans un entretien exclusif à
Jeune Afrique, le président de la Commission électorale nationale
indépendante (Ceni), Me Salif Kébé, assure que les conditions d’un bon
déroulement du scrutin sont réunies.
À la vieille des élections locales qui se tiennent ce dimanche 4
février, Me Salif Kébé, président de la Ceni (le cinquième à occuper ce
poste depuis 2010), revient pour Jeune Afrique sur les principaux enjeux logistiques de ce scrutin attendu de longue date.
Il assure que le budget a bel et bien été abondé pour permettre
l’organisation de l’élection, se félicite de la mobilisation citoyenne –
il assure que les électeurs se déplacent en masse pour récupérer leurs
cartes – et réponds à quelques-unes des inquiétudes exprimées par les
partis en lice, notamment sur la visibilité des logos et sigles sur les
listes de vote.
Jeune Afrique : À J-5, la CENI est-elle prête pour les communales ?
Salif Kébé : On est prêt. Tout ce que nous avons
prévu jusque-là est en train de se dérouler dans les délais impartis, de
la manière que l’on a prévu.
Jusqu’à présent, nous n’avons pas de problème majeur qui bloquerait
le processus, tant sur le plan financier, technique, de la mobilisation
ou encore de la formation des personnes et de la sécurisation des lieux
de vote. Tout se déroule de sorte que nous atteignions notre objectif le
4 février.
Les difficultés liées au décaissement du budget ont-elles été réglées ?
En réalité, à l’interne, nous savions que ce problème n’en était pas
un. Ce qui vous est destiné lundi à dix-sept heures, si vous l’avez
mardi à huit-heures, c’est dans le délai. Il n’y a pas eu beaucoup de
problèmes – et j’en profite pour remercier le gouvernement qui a pris
les dispositions idoines pour que l’on ait l’intégralité du budget
alloué aux élections. A un mois du scrutin, tout le budget était viré
dans le compte de la Ceni.
À combien s’élève-t-il ?
A 350 milliards de francs guinéens (environ 31 295 089 d’euros).
Notre pays compte 224 magistrats de l’ordre judiciaire, alors que 342 sont nécessaires pour couvrir toutes les circonscriptions
Les bulletins de vote ont-ils d’ores et déjà été acheminés ?
Nous avons à pourvoir 342 circonscriptions électorales, avec des
bulletins différents. À ce jour, tous les bulletins sont arrivés dans
toutes les communes urbaines. Le dispatching continue dans les communes
rurales, les districts, quartiers et secteurs. Chaque entité aura son
bureau ou son groupe de bureaux de vote avant dimanche.
Pour cela, nous avons travaillé avec des professionnels sud-africains
sur la base d’un contrat cadre qui nous lie depuis 2010. Quatre de nos
techniciens sont partis en Afrique du Sud pour la confection des
bulletins qui ont été convoyés à Conakry par deux cargos. Au total,
1 300 listes de candidatures seront en compétition.
Il n’y a pas assez de magistrats pour présider les
commissions de centralisation des votes. Comment allez-vous régler ce
problème ?
C’est vrai que la loi prévoit que les magistrats président les
commissions administratives de centralisation des votes. Notre pays
compte 224 magistrats de l’ordre judiciaire, alors que 342 sont
nécessaires pour couvrir toutes les circonscriptions.
La Cour suprême met les magistrats à notre disposition, avec des
propositions d’affectation que nous validons. Vu la proximité de
certaines communes, un magistrat peut présider deux commissions
administratives de centralisation.
Surtout qu’il n’est pas seul : il est assisté d’un administrateur
territorial comme vice-président, d’un rapporteur désigné par la Ceni et
de deux autres assesseurs choisis parmi les partis en lice.
Le magistrat peut être à cheval entre deux petites communes pour
gérer les résultats. Nous sommes en train d’entériner cette proposition
de la Cour suprême et de procéder à la formation dans ce sens. Cela
entraîne de moyens de déplacement, de logistique et de sécurité qui ont
été mis à notre disposition.
Il y a également la problématique des logos qui se
ressemblent entre plusieurs listes, notamment entre les listes UFDG et
celles du Renouveau de l’ancien vice-président exclu du parti, Bah Oury.
Cela peut perturber le vote. Comment allez-vous trancher cette
question ?
C’est nous qui avons soulevé le problème, aucun parti ne l’avait
fait. Vous avez un parti légalement constitué qui a présenté des listes
dans plusieurs circonscriptions, mais les éléments obligatoires : le
sigle, le logo, étaient différents d’une circonscription à l’autre. Un
même parti qui présente des demandes dans dix circonscriptions
différentes avec dix logos différents.
Nous avons attiré l’attention des partis politiques sur la question.
Jusqu’après le délai de dépôt des candidatures, nous n’avons enregistré
aucune réclamation.
Du jour au lendemain, l’UFDG [Union des forces démocratiques de
Guinée, principal parti d’opposition, NDLR] nous a remonté l’information
selon laquelle la liste Renouveau de M. Bah Oury [ancien vice-président
exclu de l’UFDG, NDLR] a un logo semblable au sien.
Nous avons examiné la question à l’arrivée des spécimens : le logo du
Renouveau représente un arbre et une colombe. Or, celui de l’UFDG,
c’est un baobab massif, derrière lequel on voit s’élever le soleil. Le
sigle UFDG est incrusté dans l’arbre. A l’unanimité, nous avons conclu
que les deux logos ne sauraient nullement être confondus.
Il est reproché également au parti au pouvoir le RPG
Arc-en-ciel de ne pas présenter de tête de liste, ni de photo de
candidat. Qu’en est-il ?
Il y a la perception publique et le contenu de la loi. La photo ne
fait pas partie des éléments obligatoires à paraître sur le bulletin. La
photo est un avantage accordé aux partis pour plus de visibilité.
Chacun peut présenter son champion pour l’adhésion des militants en
raison de sa popularité.
Mais c’est un scrutin de liste correspondant au nombre de conseillers
à élire. Personne n’est obligé de désigner une tête de liste. Que le
RPG demande à mettre à la place de photo le logo, c’est son droit.
Il y a un problème dans notre pays : c’est l’opposition farouche de la classe politique à l’utilisation de la technologie
Où en est le processus de retrait des cartes d’électeurs ?
Pour ce scrutin, nos populations agissent avec beaucoup de
responsabilité. Nous sommes à environ 80 % de cartes d’électeurs
retirées.
La Ceni a toujours publié les résultats des élections en
retard. Pourquoi ? Peut-on espérer une publication plus rapide, cette
fois ?
Tout sera mis en œuvre pour éviter tout retard dans la publication
des résultats. Il y a un problème dans notre pays qui commence à
perdurer, je compte rencontrer les acteurs après ces élections pour y
trouver solution : c’est l’opposition farouche de la classe politique,
toute tendance confondue, à l’utilisation de la technologie dans la
remontée des résultats.
Cela est dû au manque de confiance entre les acteurs politiques et
l’organe chargé d’organiser les élections. Si dans certains pays huit
heures ou cinq heures après les élections, les résultats sont connus ce
n’est pas de la sorcellerie, mais grâce à la technologie.
Et on peut l’acquérir. Imaginez qu’il y a des endroits situés à 1000
km de Conakry. Et il faut traverser tout le pays pour ramener les
résultats. Il y a des communes qui ont plus d’un million d’électeurs,
plus de mille bureaux de vote… Pour que quelques individus examinent
procès-verbal de vote par procès-verbal, réunir tout cela et prendre la
route… cela prend du temps.
Le retard est dû à cela, et non à un quelconque manque de volonté. Je
fais le nécessaire pour ne pas qu’on accuse de retard. Mais si un
véhicule tombe en panne en pleine brousse, nous serons en retard.
Nous ne serons néanmoins pas obligés d’attendre les résultats des 342
circonscriptions pour les annoncer en même temps. Nous pouvons les
proclamer au fur et à mesure.
Source: Jeune Afrique