En amont des élections locales, la branche du FPI fait des appels du pied au parti d'Henri Konan
Bédié.
Jeune Afrique : Le 24 janvier, vous avez rencontré
l’ancien président Henri Konan Bédié, alors que vos partis sont
historiquement opposés. De quoi avez-vous parlé ?
Pascal Affi N’Guessan : Nous avons échangé
nos vœux. Nous partageons la même volonté de dialoguer, et notre pays
est dans un tel état de délabrement que nous devons nous unir pour
résoudre les problèmes.
Avez-vous plaidé en faveur d’une alliance entre sa
formation, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et la vôtre,
le Front populaire ivoirien (FPI), dans la perspective des élections
locales, prévues pour cette année mais dont la date n’a pas encore été
fixée ?
Ce genre de choses ne se discute pas dès la première
rencontre. Le PDCI est pour l’instant allié au RDR [Rassemblement des
républicains d’Alassane Ouattara]. Le fait est que cette union a du
plomb dans l’aile. Mais le PDCI doit d’abord régler cette question.
Faut-il envisager une nouvelle alliance pour sortir le pays de
l’impasse, et celle-ci peut-elle concerner le FPI et le PDCI ? Oui, je
le pense. La Côte d’Ivoire en tout cas en a besoin.
Henri Konan Bédié sait que le FPI et le PDCI ont un rôle à jouer dans la renaissance de la Côte d’Ivoire
Henri Konan Bédié est-il dans le même état d’esprit ?
C’est un leader politique soucieux de l’avenir de son pays.
Il sait que le FPI et le PDCI ont un rôle à jouer dans la renaissance de
la Côte d’Ivoire. Nous sommes en contact. Sa porte m’est toujours
ouverte.
Pourriez-vous envisager des listes communes aux prochaines élections ?
Nous sommes prêts à cette éventualité. Il ne fait même aucun
doute que des unions seront créées localement, à un niveau où les
préoccupations sont moins politiciennes et où la priorité est de
développer une commune ou une région. Nous l’avons dit à nos militants :
il faut qu’ils restent prêts, là où cela se révèle nécessaire, à se
lier avec le PDCI ou avec des candidats indépendants.
Mais pas avec ceux du RDR ?
Compte tenu du contentieux qui existe entre nous, et tant
que le dossier des prisonniers politiques, des exilés ou des comptes
gelés n’aura pas été clos, je ne crois pas. Mais si le gouvernement fait
un geste sur ces sujets et travaille véritablement à la paix, à la
démocratie, à la réconciliation et à l’indépendance de la justice, alors
tout sera possible, dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire. Pas avant.
D’une certaine manière, Aboudramane Sangaré travaille pour le régime.
En définitive, vous allier au PDCI n’est-il pas plus
simple que de vous réconcilier avec l’autre branche du FPI, celle
d’Aboudramane Sangaré ?
Je suis toujours resté ouvert. Je tends la main aussi bien à
un parti tel que le PDCI qu’à nos camarades de l’intérieur, pour que
nous avancions ensemble. Mais les problèmes liés à des personnes sont
difficiles à résoudre.
Ne pouvez-vous pas surmonter ces questions d’ego ?
Personnellement, je l’ai fait. Ce sont eux qui sont dans une
logique d’exclusion et de rejet, et qui sont davantage attachés à leurs
ego qu’à la Côte d’Ivoire.
Êtes-vous en contact direct avec Aboudramane Sangaré ?
Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais il refuse.
Souvenez-vous que Christine Nebout Adjobi a été commise pour diriger un
groupe de contact. En deux ans, elle n’a jamais réussi à le rencontrer.
Des chefs traditionnels du pays bété ont entrepris une médiation. Je les
ai vus une dizaine de fois, mais Sangaré a mis un an avant de les
recevoir, et cela n’a rien donné. Il sait ce qu’il fait. Compte tenu de
son expérience politique, il est forcément conscient du fait que la
posture dans laquelle il s’enferme ne permettra pas au FPI de revenir au
pouvoir, d’être suffisamment fort pour faire libérer les prisonniers
politiques et influer sur le sort de Laurent Gbagbo et Charles Blé
Goudé. D’une certaine manière, il travaille pour le régime.
Nous nous battrons pour que les élections soient organisées selon des normes internationales
Êtes-vous de ceux qui réclament une réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) ?
Oui. C’est une revendication ancienne, et je suis heureux de
voir que même la société civile a écrit au chef de l’État pour lui
faire des propositions en ce sens. La Cour africaine des droits de
l’homme et des peuples [CADHP] a été très claire : la CEI ne répond pas
aux normes internationales. Le gouvernement ivoirien n’a donc pas
d’autre choix que de s’exécuter et de doter le pays d’une commission
électorale véritablement indépendante, qui inspire confiance et organise
des élections transparentes, apaisées et crédibles.
Mais participerez-vous aux scrutins si vous n’obtenez pas gain de cause ?
Oui. Les partis politiques sont faits pour ça. Mais nous
nous battrons pour que les élections soient organisées selon des normes
internationales. Cela étant dit, je ne vois pas comment le gouvernement
pourrait refuser d’exécuter une décision prise par une organisation, la
CADHP, à laquelle il a librement adhéré. S’il ne le fait pas, nous
pourrions attaquer les résolutions prises par cette CEI illégale devant
les instances internationales.
Nous verrons quelle réponse les frondeurs donneront à Laurent Gbagbo, mais nous organiserons un congrès du FPI en 2018
Vous avez dit avoir renoncé à organiser un congrès
du FPI, en août, parce que Laurent Gbagbo vous l’avait demandé. Vous
avez aussi affirmé qu’il voulait « ramener la paix dans la maison ». Où
en est-on ?
Le message du président Gbagbo
a été entendu par les militants. Ce sont Sangaré et ses proches,
autrement dit les frondeurs, qui traînent les pieds. Quant au congrès,
nous n’attendrons pas indéfiniment. Nous verrons quelle réponse les
frondeurs donneront à Laurent Gbagbo, mais nous en organiserons un en
2018.
Allez-vous finalement être reçu par Gbagbo à La Haye ?
C’est à lui d’en décider. Il sait que j’en ai fait la
demande. Je note qu’il reçoit des personnalités parfois très éloignées
de lui, y compris des personnes qui lui étaient farouchement opposées
quand il était au pouvoir. Il a son agenda et me fera signe le moment
venu.
Mais ne vivez-vous pas mal le fait d’être ainsi blacklisté ?
Je ne peux pas dire que cela ne me gêne pas, mais cela
n’affecte nullement ma détermination à faire en sorte que le parti se
reconstruise et gagne la présidentielle de 2020. Cela aurait pu être un
coup de pouce, mais si ce coup de pouce ne vient pas, il faudra faire
sans.
Source: Jeune Afrique