Candidat de l’Afrique à l’organisation de la Coupe du monde de
football, le royaume a quatre mois
pour s’imposer face au trio
États-Unis - Canada - Mexique. Mise en place en janvier par Mohammed VI,
la "dream team" du coach Elalamy est entrée en jeu. Atouts et handicaps
d’un pari royal.
Siège de la Fédération royale marocaine de football
(FRMF), à Hay Riad, à Rabat. Ce mardi 23 janvier, une faune inhabituelle
a envahi les lieux réservés généralement au microcosme footballistique.
La présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc
(CGEM), Meriem Bensalah, est là, juste à côté du magnat de la finance
Othman Benjelloun, président du Groupement professionnel des banques du
Maroc (GPBM), et d’un prestigieux parterre d’hommes d’affaires et de
responsables gouvernementaux.
Leur rôle dans ce comité de candidature à l’organisation de la Coupe du monde 2026 :
dégainer leur chéquier pour sponsoriser une campagne qui devrait coûter
quelque 120 millions de dirhams (10,5 millions d’euros). Objectif :
séduire les membres de la Fédération internationale de football
association (Fifa), qui décideront le 13 juin, à Moscou, qui du Maroc ou
du trio composé par les États-Unis, le Canada et le Mexique aura le
privilège d’accueillir l’événement sportif le plus couru de la planète.
Première candidature en 1994
Déposée le 11 août dernier par Fouzi Lekjaa, président de la
Fédération royale marocaine de football (FRMF), la candidature
marocaine pour le Mondial 2026 est restée discrète jusqu’à récemment.
Dans les cafés ou les pubs marocains, qui font le plein pour chaque
match phare de la Liga espagnole ou de la Botola locale, on percevait
cette candidature comme une nouvelle tentative perdue d’avance.
Pas question de faire une candidature de figuration. Nous présenterons un dossier de haute facture, scande Moulay Hafid Elalamy
Le royaume n’en est en effet pas à son coup d’essai : il
avait postulé à l’organisation des Mondiaux de 1994, 1998 et 2006, avant
de passer très près de la victoire pour la Coupe du monde 2010,
attribuée de justesse à l’Afrique du Sud, avec des relents de scandale
de corruption qui referont surface des années plus tard dans le sillage
du Fifagate.
Détermination
La candidature pour 2026 semblait donc, jusqu’au début de
cette année, un nouveau rêve inaccessible au regard du dossier conjoint
nord-américain. La nomination par le roi, le 11 janvier, de Moulay Hafid
Elalamy à la tête du comité de candidature a néanmoins fait son effet :
la rue marocaine semble reprendre espoir et est du moins assurée que le Maroc mouillera le maillot pour défendre ses chances.
Moins d’une semaine après cette nomination, l’opération séduction du royaume s’enclenche. L’annonce du recrutement de prestigieuses agences de communication pour l’accompagnement de cette candidature – la britannique Vero Communications, qui a accroché à son tableau de chasse les JO 2024 à Paris ou le Mondial 2022 au Qatar, ainsi que l’agence française Keneo et la marocaine Klem – a précédé la conférence de presse où le logo Maroc 2026 a été dévoilé.
S’il est vrai que nous avons accusé du retard, nous sommes capables d’une belle remontada, assure Moulay Hafid Elalamy
Des actions de communication qui sonnent comme une réponse à un article du New York Times
qui, quelques jours auparavant, raillait la candidature marocaine et
pointait son retard au démarrage. Une réalité que Moulay Hafid Elalamy,
avec son pragmatisme habituel, ne cherche pas à dissimuler. « S’il est
vrai que nous avons accusé du retard, nous sommes capables d’une belle
remontada », a-t-il assuré durant ce point de presse, auquel ont
également pris part le ministre de la Jeunesse et des Sports, Rachid
Talbi Alami, et le président de la FRMF, Fouzi Lekjaa, qui jusque-là
portait seul le dossier de candidature.
Un budget de taille
Rien n’est encore effectivement joué pour la désignation du
pays hôte de ce Mondial. C’est à la mi-mars que le royaume devra
soumettre son dossier technique, avant que les inspections de la Fifa
démarrent pour juger de l’éligibilité des prétendants.
Le royaume ne dispose que de 6 stades répondant aux normes de la Fifa sur les 12 nécessaires pour abriter la compétition
« La note qui sera attribuée aux dossiers repose pour près
de 80 % sur les infrastructures sportives, les revenus de la compétition
et les moyens de transport », explique Fouzi Lekjaa. Un examen de
passage qui n’est pas pour inquiéter les responsables marocains. « Le
gouvernement est déterminé à mobiliser le budget nécessaire et tous les
moyens requis pour cette candidature », affirme le ministre des Sports,
qui, comme tous les responsables, rappelle les avancées réalisées par le
Maroc en matière d’infrastructures.
De gros efforts à fournir
Il reste pourtant beaucoup à faire : le royaume ne dispose
que de 6 stades répondant aux normes de la Fifa sur les 12 nécessaires
pour abriter la compétition. Mais si les investissements sont
incontournables, le pays ne compte pas se lancer pour autant dans des
dépenses irrationnelles. La leçon des JO de Londres ou du Mondial du
Brésil semble avoir été retenue par les officiels marocains.
La candidature marocaine est une candidature africaine, répète les officiels
Cette candidature devrait donc servir de catalyseur pour
entamer une deuxième phase de développement des infrastructures du
royaume. Des projets d’investissements se chiffrant en milliards de
dirhams qui ne manqueront pas d’avoir un impact sur la croissance et
l’emploi. Mais pour y arriver le Maroc devra recueillir les voix de 104
des 207 fédérations membres de la Fifa (les 4 prétendants s’abstenant de
voter).
Soutenue par la CAF
« Jusque-là, seuls les 26 membres du comité exécutif de la
Fifa votaient pour désigner le pays hôte. Désormais, toutes les
fédérations, dont 54 africaines, ont voix au chapitre », rappelle
Lekjaa. Dans sa stratégie de collecte de voix, le royaume compte
énormément sur la solidarité africaine. « La candidature marocaine est
une candidature africaine », ne se lassent de répéter les officiels.
Et s’ils sont confiants, c’est que la diplomatie chérifienne
a déjà bien infiltré les milieux sportifs : sur la dernière année, le
royaume est devenu un membre influent de la Confédération africaine de
football (CAF), dont le président, Ahmad Ahmad, ne manque pas une occasion de soutenir le dossier marocain.
Concurrence à l’Amérique de Trump
Et même pour séduire en dehors du continent, le royaume ne
manque pas d’arguments : le fuseau horaire, la proximité et les
perspectives d’affaires sont autant d’atouts susceptibles de se traduire
en votes des fédérations européennes. Les relations avec la majorité
des pays arabes sont par ailleurs au beau fixe, sans compter le
renforcement des partenariats avec les pays asiatiques.
Mais peut-être aussi qu’une des principales forces du
dossier marocain réside dans les dérives de l’administration américaine
actuelle. La décision de Donald Trump d’interdire l’entrée aux
États-Unis aux ressortissants de plusieurs pays musulmans ou encore ses
propos humiliants à l’égard de pays africains sont autant de buts contre
son camp inscrits par le dossier nord-américain. D’autant que, dans le
foot, on le sait, un match n’est jamais joué d’avance.
Source: Jeune Afrique