La réunion du comité national exécutif du Congrès National Africain,
l’ANC, qui devait se tenir ce
mercredi pour décider du sort du président
Jacob Zuma, a été reportée à plus tard. Le parti n'a jamais été plongé
dans une crise aussi profonde. Au micro d'Europe1, la chronique du
rédacteur-en-chef international du JDD, François Clemenceau
Ce n’est pas la première fois que Nelson Mandela, le père de la
Nation Arc-en-ciel fait entendre, de là où il est, sa colère contre ses
héritiers. Déjà en 2008, l’un de ses dauphins les plus prometteurs, le
brillant diplomate Thabo M’Beki avait été chassé du pouvoir par son
propre parti. Le président M’Beki était accusé de redéfinir les règles
de son propre parti pour se débarrasser de son principal rival, ...un
certain Jacob Zuma.
Le pire, c’est qu’on ne peut même pas dire
qu’il s’agit là d’un conflit idéologique au sein de l’ANC. Certes, il y a
bien un courant plus nationaliste et sectaire qui domine les débats au
Parlement où le parti dispose de la majorité absolue, et un autre plus
pragmatique sur le plan économique et plus tolérant. Mais la bagarre
concerne surtout le contrôle des pouvoirs locaux et fédéraux et la masse
d’emplois publics et de subventions qui vont avec.
Aujourd’hui,
Zuma n’a jamais été aussi près de la porte de sortie. Accusé de
corruption à grande échelle, il se défend comme un lion. Mais sa
réputation dans le pays est laminée et celle de l’ANC est au plus
bas.Que peut-il se passer maintenant ? Le comité national exécutif
devait se réunit ce mercredi après-midi : tout semble suspendu. Il a
le pouvoir de rappeler le président puisqu’il n’est pas élu au suffrage
universel, le pousser à démissionner ou bien engager une procédure de
destitution qui prendrait beaucoup de temps et d’énergie.
Les
barons du parti se partagent entre pro et anti-Zuma. Mais la Fondation
Nelson Mandela, elle, qui fait la promotion des idées et de l’esprit
moral du vainqueur de l’apartheid a été très claire : Zuma doit partir.
Si c’est le cas, il sera probablement remplacé lors d’un vote du
Parlement par l’actuel patron de l’ANC, Cyril Ramaphosa, 65 ans, un
ancien syndicaliste devenu millionnaire, un homme capable de réconcilier
les deux factions du parti qui sont en guerre ouverte. C'est lui qui a
obtenu le report de lé réunion du comité exécutif. Mais ce processus de
cicatrisation, s'il est entamé, risque d’être très long alors que
l’économie sud-africaine va mal et que le pays a vraiment besoin de
réformes.
Alors, qui incarne aujourd’hui ce qui reste de
l’héritage de Mandela ? Une partie de l’ANC bien sûr ,mais aussi et de
plus en plus, c'est de plus en plus visible, l’opposition à l’ANC.
L’Alliance démocratique est aujourd’hui composée de plusieurs partis de
centre gauche et de droite libérale. Elle a longtemps été dirigée
jusqu’en 2015 par une femme blanche, Helen Zille, une militante
anti-apartheid devenue la maire du Cap puis premier ministre de sa
région.
Aujourd’hui, c’est un noir de 37 ans, Mmusi Maimane, un
contrôleur de gestion élevé à Soweto, marié à une jeune femme blanche
très active au sein de l'église évangélique, qui a repris les rênes de
l’Alliance. En 2016, il a engrangé de nouveaux succès aux dernières
élections locales et provinciales. L’opposition a doublé ses scores un
peu partout, c’est le parti le plus multiracial du pays et il se
présente désormais comme une alternative crédible à l’ANC. Il est un
peu là, l’héritage de Mandela.