L’ancien président s’est exprimé pour la première fois depuis
l’arrivée au pouvoir de Mnangagwa. Et
il ne compte pas déposer les armes
face à son ex-bras droit.
Lorsqu’il était au pouvoir, le Times de Londres
aurait sans doute été le dernier journal auquel Robert Mugabe aurait
songé à s’adresser. Conservateur, libéral et britannique, il avait, à
ses yeux, tous les défauts. Mais l’ancien président a remisé les
vieilles haines au placard. Sans doute a-t‑il trop besoin (ou envie) de
cette visibilité à laquelle il était accoutumé. Le 15 mars, une
journaliste du Times a donc été invitée à assister à sa
première déclaration à la presse, à Borrowdale. Un quartier où il vit
toujours avec son épouse Grace et qu’il ne quitte plus que pour des
séjours médicaux à Singapour.
« En ce moment, je suis isolé », a-t‑il reconnu dans un
soupir devant les journalistes. Le quotidien a relevé l’euphémisme… Mais
le plus important résidait peut-être dans ce « en ce moment » plein de
sous-entendus. À 94 ans, le président déchu, protégé par une immunité
obtenue de haute lutte lors des négociations entourant son départ, veut à
l’évidence continuer de peser sur le destin de ce pays qu’il a
contribué à libérer du régime raciste d’Ian Smith.
Je n’aurais jamais pensé qu’Emmerson Mnangagwa, que j’ai élevé, nommé au gouvernement et dont j’ai contribué à sauver la vie, se retournerait un jour contre moi, a déclaré l’ancien président
Toujours rebelle, Mugabe a qualifié de coup d’État son éviction du pouvoir par son ancien bras droit Emmerson Mnangagwa.
« Je n’aurais jamais pensé qu’Emmerson Mnangagwa, que j’ai élevé, nommé
au gouvernement et dont j’ai contribué à sauver la vie lorsqu’il était
menacé de pendaison, se retournerait un jour contre moi, a-t‑il lancé.
Il m’a trahi. » Aurait-il oublié que c’est lui qui a déclenché le
conflit, en novembre dernier, en démettant Mnangagwa de ses fonctions de
vice-président ?
Mugabe a fait preuve de la même mauvaise foi en défendant
son bilan, pourtant catastrophique : « En comparaison avec d’autres pays
d’Afrique, il y a plus de prospérité ici. » S’il dit ne pas vouloir
redevenir président, ses intérêts devraient être défendus par un nouveau
parti, le Nouveau Front patriotique. Ambrose Mutinhiri, son candidat en
vue pour la présidentielle de juillet, est un ancien général, un fidèle
du « camarade Bob ».
Guerre de factions entre les « Lacoste »
Pour Mnangagwa, le principal risque serait que Mugabe attise
les divisions au sein de la formation au pouvoir, la Zanu-PF. Après
tout, la crise de novembre trouve sa source dans une guerre de factions
entre les « Lacoste », vétérans proches de Mnangagwa, et les
quadragénaires du G40 emmenés par l’ex-première dame.
Malgré la reprise en main du parti par le nouveau président,
il n’est pas sûr que toute dissension ait disparu. Mais les partisans
de la très impopulaire Grace auront du mal à reprendre du poil de la
bête d’ici à l’élection. Celle-ci est en fâcheuse posture et la plupart
de ses proches, comme Saviour Kasukuwere ou Jonathan Moyo, sont en exil.
Le Zimbabwe a tourné la page Mugabe, a réagi Mnangagwa
Mnangagwa, qui s’efforce de trouver des soutiens dans la
communauté internationale et les milieux d’affaires, a choisi de
répondre par le mépris. « Le Zimbabwe a tourné la page Mugabe, a-t‑il
réagi. Nous devons nous concentrer sur la préparation d’élections
libres, honnêtes et crédibles. » Il n’a en tout cas pas cherché à
empêcher son ancien mentor et nouveau détracteur de s’exprimer… C’est
peut-être la preuve que le Zimbabwe a bel et bien changé.
Source: jeuneafrique.com