
La Commission vérité et réconciliation de Gambie,
chargée d'enquêter sur les crimes commis pendant
les vingt-deux ans du
régime de Yahya Jammeh, a entamé ses auditions le 7 janvier, deux ans
après la chute de l'ex-président.
La Commission vérité, réconciliation et
réparations (TRRC), lancée en octobre et formée de 11 membres, a
auditionné le 7 janvier son premier témoin, Ebrima Chongan, un
responsable de la police pendant le coup d’État ayant porté au pouvoir
l’ex-président Yahya Jammeh en 1994. « Je connais très bien Yahya
Jammeh. Je l’ai formé dans la gendarmerie. Il était un soldat
indiscipliné et un comploteur permanent. Il prenait de l’alcool », a
déclaré Ebrima Chongan, au cours de son audition.
« Confinés à l’isolement »
Ce premier témoin a affirmé avoir été arrêté après le coup d’État
avec un autre responsable de la police, Pa Sallah Jagne, et emprisonné
dans la banlieue de Banjul. Après l’arrestation au quartier général de
la police à Banjul par des soldats, « nous avons été emmenés à la prison
Mile [Two, dans la capitale, ndlr] où nous avons été confinés à
l’isolement », a déclaré Ebrima Chongan.
La cellule où ils ont été détenus était, selon lui, infestée de rats
et de la mauvaise nourriture leur était servie. « La junte nous a
qualifiés de menace pour la sécurité nationale », a t-il poursuivi.
« Un important premier pas vers la garantie de justice »
Instituée par une loi en décembre 2017, la TRRC dispose de pouvoirs
d’enquête et pourra, au terme de ses travaux dans deux ans, recommander
des poursuites ou des réparations. Présidée par un ancien diplomate
auprès des Nations unies, Lamin Sise, la Commission comprend quatre
femmes, dont la vice-présidente, Adelaide Sosseh, et représente
l’ensemble des communautés ethniques et religieuses du pays.
« Le début des auditions de la Commission est un important premier pas vers la garantie de justice, de vérité et de réparations en Gambie et montre un fort engagement du gouvernement de rompre avec un passé fait de systématiques violations des droits humains », a déclaré dans un communiqué Marie-Evelyne Petrus-Barry, directrice d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Parvenu au pouvoir par un putsch en 1994, Yahya Jammeh s’était fait largement réélire sans interruption jusqu’à sa défaite en décembre 2016 face Adama Barrow, candidat de l’opposition.
Après six semaines d’une crise à rebondissements provoquée par son refus de céder le pouvoir, il a finalement dû quitter le pays le 21 janvier 2017 pour la Guinée équatoriale
à la suite d’une intervention militaire de la Communauté économique des
États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et d’une ultime médiation
guinéo-mauritanienne.
Les défenseurs des droits de l’homme accusaient le régime Jammeh
d’actes systématiques de torture contre des opposants et des
journalistes, d’exécutions extra-judiciaires, détentions arbitraires et
disparitions forcées.