En 2016, les jeunes pousses du continent ont attiré 367 millions de
dollars, soit une hausse de 33 %
par rapport à 2015, selon le fonds
d’investissement Partech Ventures.
De plus en plus courtisées par les fonds d’investissements, les
pépites africaines du numérique sont en train de franchir une nouvelle
étape. Attirés par la « hype » médiatique autour de la « tech
africaine », les investisseurs internationaux s’engagent désormais
activement dans le financement des start-up du continent, selon les
données rendues publiques par le fonds de capital-risque Partech
Ventures, basé en France, aux Etats-Unis et en Allemagne.
D’après
Partech, 77 start-up africaines ont levé 366,8 millions de dollars
auprès d’investisseurs en 2016, soit une progression nette de 33 % par
rapport à 2015 (276 millions de dollars). Pour établir ces chiffres,
Partech Ventures n’a retenu que les levées de fonds supérieures à
200 000 dollars, les investissements en deçà de ce plancher étant
difficiles à suivre. Partech Ventures estime par ailleurs que dès qu’une
start-up innove et crée de la valeur sur le marché africain, elle doit
être considéré comme africaine quand bien même son siège social se
situerait hors du continent. Le fonds d’investissement cite l’exemple de
Flutterwave, une solution de paiement panafricaine fondée par un
entrepreneur nigérian, Iyinoluwa Aboyeji, mais dont le siège social est
aux Etats-Unis.
Lagos, Cape Town et Nairobi en locomotives
Un
grand bond en avant tiré d’abord par le Nigeria, dont les entreprises
de technologie ont attiré 109 millions de dollars en 2016. On parle
désormais d’une « Yabacon Valley », autour du quartier de Yaba, dans la
banlieue de Lagos, où se concentrent les incubateurs de start-up. Après
le Nigeria vient l’Afrique du Sud, qui a reçu 96,7 millions de dollars
en 28 levées de fonds. Le Kenya, lui, se hisse à la troisième place du
podium africain, avec 92,7 millions de dollars levés par 21 start-up de
la « Silicon Savannah ».
« Ces
trois pays leaders attirent encore la grande majorité de
l’investissement tech sur le continent. Les autres pays, qui sont
engagés dans une innovation digitale toute aussi structurante, restent
sous-représentés et constituent donc une opportunité encore inexploitée
pour les investisseurs », explique Cyril Collon, general partner
chez Partech Ventures et co-auteur de l’étude aux côtés de Tidjane Deme,
ancien directeur de Google en Afrique Francophone et également general
partner au sein du même fonds depuis 2016.
En
retrait par rapport aux trois grands frères anglophones, l’Afrique
francophone commence néanmoins à apparaître sur le radar des
investisseurs. Cyril Collon : « cinq pays francophones (Sénégal, Côte d’Ivoire, Rwanda, Tunisie, Maroc)
ont attiré en 2016 plus de 10 % de l’investissement total, soit
37 millions de dollars contre seulement 2 % en 2015 (6 millions de
dollars). Cela renforce notre conviction que cette partie de
l’écosystème africain est appelée à produire elle aussi ses champions
dans les années à venir ».
Secteurs phare : la finance et l’énergie
Du
côté des tendances sectorielles, les « Fintech » (contraction de
financial technology) africaines semblent en train de connaître leur
heure de gloire, avec 19 % des flux d’investissements enregistrés
en 2016. Loin, très loin devant le secteur des « Edtech » (le numérique
au service de l’éducation), avec 8 % des flux enregistrés, et plus loin
encore devant le secteur des « HealthTech » (seulement 2,5 %).
Mais
la vraie surprise vient du secteur dit du « off-grid » (hors réseau
électrique), où les innovations combinant énergie solaire et numérique
se multiplient, avec un volume d’investissement représentant 36,6 % du
total des levées de fonds du continent. Un boom qui s’explique par la
montée en puissance d’applications qui démocratisent l’accès à
l’énergie. C’est le triomphe des solutions agiles dites « pay
as-you-go » (l’usager ne paie que la quantité d’énergie qu’il consomme
au jour le jour), proposées à leurs clients par M-Kopa au Kenya, MobiSol
au Rwanda ou Arnergy au Nigeria. Leur succès grandissant emballe les
investisseurs en quête de nouveaux modèles disruptifs et transposables à
d’autres régions émergentes rencontrant les mêmes problématiques
d’accès à l’énergie, comme l’Asie.
Samir Abdelkrim, entrepreneur et consultant avec StartupBRICS. com, un blog sur l’innovation dans les pays émergents, est chroniqueur pour Le Monde Afrique. Depuis 2014, il a parcouru une vingtaine d’écosystèmes start-up africains avec #TECHAfrique.