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Après les déclarations de Seddik Chihab (RND) sur la présence « de
forces extra-constitutionnelles »
au pouvoir, c’est au tour d’Amar
Saadani, ex-secrétaire général du FLN, de parler d'un « État profond »
qui serait aux manettes depuis la maladie du président. Des déclarations
et une situation commentées pour Jeune Afrique par Abou El Fadel Badji,
cadre du parti présidentiel.
« C’est Ouyahia qui a écrit les lettres (du président) avec son secrétaire. » L’accusation d’Amar Saadani, ancien président de l’Assemblée, lors d’une interview publiée dimanche 24 mars par le site Tout sur l’algérie (TSA), est grave. Dans ses réponses, celui-ci décrit un système où Ahmed Ouyahia, ex-Premier ministre et secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), aurait
profité de la maladie du président pour diriger le pays à sa guise. «
C’est lui qui se charge de l’envoi du parapheur et de son retour. Il
décide comme il l’entend, nomme, met fin aux fonctions, fait la
promotion. Ce n’est donc pas le président qui est responsable »,
assène-t-il.
Cet entretien intervient alors que le clan présidentiel apparaît plus divisé que jamais. En effet, le
porte-parole du Front de libération nationale (FLN), Hocine Khaldoun, a
déclaré que la « conférence nationale » proposée par le président
Bouteflika était « inutile ». Avant d’être rapidement contredit par le chef du parti Mouad Bouchareb, qui a affirmé le soutien du FLN au plan de travail du président.
Même scénario au sein du RND : le porte-parole Seddik Chihab a déclaré sur le plateau d’El Bilad TV
que des « forces extra-constitutionnelles » se sont emparées du pouvoir
depuis au moins cinq ans. « Ces forces, non organisées, non structurées
et qui sont partout, ne s’accommodent pas de partis politiques »,
a-t-il lâché. Il a notamment affirmé que le soutien au cinquième mandat
avait été une erreur, au vu de l’état de santé du président. Ses propos
ont eux aussi été démentis par la direction de sa formation.
Abou El Fadel Badji est un cadre du FLN, qui a notamment signé une
lettre rendue publique le 27 février et dans laquelle il dénonce, avec
d’autres membres du parti, l’illégalité de la nomination du coordinateur Mouad Bouchareb et « l’instance de direction illégitime » de la formation. Il livre à Jeune Afrique
son ressenti sur les propos d’Amar Saadani, sous la présidence duquel
il était membre du bureau politique, ainsi que sur les dernières
annonces du gouvernement.
Jeune Afrique : Les autorités promettent d’organiser une conférence nationale, de former un gouvernement d’ouverture et d’écrire une nouvelle Constitution. Que pensez-vous de cette feuille de route ?
Abou El Fadel Badji : Je ne peux pas vous donner mon
avis personnel, et le FLN ne peut se prononcer sur ce type de questions
qu’à travers son comité central. Nous sommes en train de nous concerter
en vue de tenir une rencontre. Au cours de cette réunion, le comité
central pourra se prononcer sur la tenue d’élections en vue de nommer un
nouveau secrétaire général du parti ainsi qu’un nouveau bureau
politique. Mais cette réunion sera également l’occasion de se prononcer
sur les événements que vit actuellement le pays.
Cette rencontre est urgente. Le comité central ne s’est pas rassemblé
depuis vingt-six mois, car les deux réunions annuelles de 2017 et de
2018 ont été reportées par l’ancien secrétaire général Djamel Ould Abbès.
L’ancien secrétaire général du parti Amar Saadani a lancé des
accusations très lourdes à l’encontre de l’ex-chef de gouvernement
Ahmed Ouyahia. Partagez-vous son point de vue ?
Dans cette interview, on peut déceler la bravoure d’un homme
politique qui se sent reconnaissant envers le président et qui connaît
les rouages du pouvoir. Il en a profité pour dénoncer l’ingratitude de
ceux qu’il a pu côtoyer, des administrateurs, des hommes d’affaires et
des zaouïas envers Abdelaziz Bouteflika, qui a beaucoup donné à l’Algérie.
Je rejoins Amar Saadani sur la véracité de la dernière missive, dans laquelle Monsieur Bouteflika renonce à sa candidature. C’est une décision personnelle
Il existe des personnes qui ont profité de sa maladie. Ouyahia, mais
pas seulement. Certaines lettres du président ont pu être écrites par
des personnes qui cherchaient à profiter de cette situation
particulière. Je rejoins également Amar Saadani sur la véracité de l’avant-dernière missive, dans laquelle Monsieur Bouteflika renonce à sa candidature. C’est une décision personnelle.
Au FLN, nous avons toujours milité pour une justice indépendante, une
démocratie basée sur des élections libres et transparentes et un État
civil. C’est cela le changement que nous souhaitons voir aboutir.
Amar Saadani affirme également qu’Abdelaziz Bouteflika va quitter le pouvoir à la fin de son mandat, le 28 avril.
Pourtant, ses Premier ministre et vice-Premier ministre affirment que
le président restera en poste jusqu’aux prochaines élections. Qui dit
vrai ?
Sur le plan constitutionnel, son mandat se termine bien le 28 avril.
C’est tout ce que je peux vous dire. Pour le reste, il faut attendre de
voir l’évolution des événements.
L’ex-secrétaire général a également avancé trois noms pour présenter le FLN lors de la prochaine élection présidentielle : Abdelaziz Belkhadem, Abdelmadjid Tebboune et Mouloud Hamrouche. Des discussions à ce sujet sont-elles déjà en cours au sein du parti ?
Ces trois hommes feraient de bons candidats. Surtout Mouloud
Hamrouche, qui remplit énormément de critères. Il est apprécié partout
dans le pays. C’est un moudjahid et fils de chahid [martyr], mais aussi
un administrateur de talent. Il est resté deux ans à la tête du
gouvernement [1989-91] et il a imprimé sa trace jusqu’à aujourd’hui.
Il est vrai que ce sont des noms qui circulent beaucoup, mais encore
une fois c’est au comité central de prendre position pour ces trois
candidats. Lui seul bénéficie de cette autorité.
Par Jeune Afrique