En Algérie, une nouvelle journée de manifestations est prévue aujourd’hui dans tout le pays. Cette semaine encore, l’enjeu est important, puisque le chef d’état-major a demandé à ce que le Conseil constitutionnel applique l’article 102 et déclare le président inapte à exercer ses fonctions. Une demande pour l’instant qui n’a pas été suivie d’annonce.
Combien y aura-t-il de manifestants aujourd’hui dans la rue ? La
question sur toutes les lèvres au centre-ville. Une dizaine de jeunes a
campé devant la Grande Poste en préparation de la journée. Ce sixième
vendredi de contestation est vu comme un nouveau test de la
détermination des manifestants. « Le moment de vérité », comme l’écrivait un éditorialiste.
Pourquoi ? Car la rue a obtenu cette semaine sa victoire la plus
importante depuis le début de la contestation, la promesse du départ
d’Abdelaziz Bouteflika par les tenants du pouvoir. Est-ce que cela va
être suffisant, est-ce que la rue va réussir à mobiliser autant après
ça ? C’est toute la question.
Le discours d’Ahmed Gaïd Salah,
le chef d’état-major, a donné le sentiment que la pression de la rue
pouvait avoir un impact. Le président Abdelaziz Bouteflika, dont le
cinquième mandat était soutenu par tout un appareil, est désormais
poussé vers la sortie. Et dans la foulée, les soutiens de toujours
demandent à leur tour le départ du président.
Pourtant, pour de nombreux manifestants, l’article 102 de la
Constitution n’est pas une réponse suffisante. Parce que, s’il était
appliqué, la transition serait dirigée par Abdelkader Bensalah le
président du Conseil de la Nation, ou Tayeb Belaiz, le président du
Conseil constitutionnel, deux proches d’Abdelaziz Bouteflika. Mais
surtout, cette solution ne laisserait que quatre mois et demi avant
l’organisation d’une élection présidentielle, un délai trop court selon
certains manifestants, mais aussi pour les partis politiques
d’opposition, qui craignent que la transparence du scrutin ne soit pas
garantie.
■ Quelle est la stratégie des islamistes ?
Plus d’un mois après le début de la contestation, des partis
politiques apparaissent désormais dans les manifestations et tentent de
rallier la contestation populaire. Parmi eux il y a aussi les mouvements
islamistes algériens ; certains, comme le MSP, parti qui a fait partie
de l'alliance présidentielle et d'autres comme les anciens du Front
islamique du salut, une formation politique dissoute en 1992 qui s’est
opposée au régime algérien plongeant le pays dans une guerre civile. Ces
islamistes de l’ex-Fis ne sont pas très nombreux dans les
manifestations, mais leur présence a été remarquée ces dernières
semaines.
Une vidéo postée sur YouTube il a 6 jours, un communiqué publié
dimanche, des déclarations à la presse lundi, d’anciens membres du Front
islamique du salut cherchent sans conteste à communiquer. Leur constat
est que le pays fait face à un soulèvement inédit depuis l’indépendance.
Un sursaut qui a ravivé « l’espoir d’un changement ». Quatre
anciennes figures historiques du Fis (Abbassi Madani, Ali Belhadj, Kamel
Guemazi et Ali Djeddi) appellent ainsi à mettre de côté les divergences
politiques jusqu’à ce que le régime Bouteflika soit remplacé.
« Nous participons à ce mouvement de protestation depuis le début
et même depuis longtemps, car nous avons refusé le quatrième mandat du
président, affirme Kamel Guemazi. Si les chefs du Fis avait le
droit d'apparaître dans les médias nous aurions exprimé notre refus d'un
cinquième mandat du président Bouteflika. Nous cherchons à avoir une
transition démocratique du pouvoir en Algérie. Le Front islamique du
salut est une composante de la société algérienne. Le pouvoir algérien a
dissous notre parti, mais ce parti existe et représente une couche
sociale qui possède sa pensée et sa vision de l'avenir du pays. En
Algérie, depuis l'indépendance, il n’y a jamais eu des élections libres
et transparentes, sauf en 1990 suite au pluralisme politique de 1988.
Ces élections ont été les seules libres et démocratiques de l’aveu du
pouvoir et de l’aveu même la communauté internationale. La majorité des
Algériens y ont participé et le Fis les avait remportées. Mais le
pouvoir à l'époque avait refusé le résultat. »
Appel à manifester pacifiquement donc et à ne pas marginaliser les
partis politiques. Un positionnement clair en faveur de la contestation
populaire qui ressemble fort à une tentative de récupération du
mouvement.
Résultat, depuis quelques semaines la présence de sympathisants de
l’ex-Fis a été relevée dans les manifestations, même si elle est
toujours minoritaire. Et quand on leur demande quelles sont leurs
intentions une fois le régime parti, les réponses se font vagues. Nulle
part dans les différentes déclarations il n’y a d’allusion au projet de
création d’un État islamique, l’un des fondements pourtant de l’ex-Fis
aujourd’hui dissous.