
Un énigmatique plan d’eau d’altitude regorge de restes humains. D’après une récente étude, certains
Aux
confins de l’Inde et de la Chine, dans un recoin des montagnes de
l’Himalaya perdu à plus de 5 000 mètres d’altitude se trouve un lac à la
singularité mystérieuse et légèrement macabre qui intrigue depuis plus
d’un siècle. L’hiver, sous la glace et la neige, rien ne paraît. Mais
quand les températures montent, à l’approche de l’été, se révèle peu à
peu un spectacle inquiétant… Des centaines et des centaines de
squelettes humains affleurent à la surface de l’eau claire ou jonchent
les environs. Sur certains os flottent encore des lambeaux de chair.
Cette étendue d’eau est connue sous le nom de lac Roopkund, mais on
l’appelle généralement le « lac aux squelettes », comme le rapporte le New York Times, dans un article mis en ligne mardi 20 août.
Qu’est-il
arrivé à ces gens pour qu’ils finissent leurs jours dans ces solitudes
hostiles ? Comment plusieurs centaines de personnes peuvent-elles se
retrouver dans cette vallée éloignée de toute civilisation et y mourir
ensemble ? Pourquoi un tel massacre ? Si c’en est un, qui l’a commis ?
Leur mort a-t-elle été causée par une catastrophe naturelle ? Par des
conditions climatiques trop dures ? Et quoi qu’il en soit, pourquoi
certains se sont-ils retrouvés au fond de l’eau ?
Des corps arrivés à plusieurs moments de l’histoire
Depuis
des décennies, les chercheurs s’interrogent mais une équipe de
scientifiques (constituée d’un Indien, un Américain et un Allemand)
pourrait avoir percé une partie des secrets du lac mystérieux tout en
soulevant des questions abyssales. Les résultats de leur travail sont
exposés dans un article, paru le 20 août, dans la revue Nature Communications.
Alors
que la théorie la plus avancée, fondée sur quelques échantillons,
évaluait à 1 200 ans l’âge des restes humains en question, cette
nouvelle étude démontre, en se basant sur des échantillons d’ADN
prélevés sur 38 squelettes, que le site n’abrite pas une mais plusieurs
cohortes de cadavres et que les corps sont arrivés sur place à plusieurs
moments de l’histoire, répartis sur plus d’un millénaire.
Des Grecs contemporains de Louis XIV ?
Le lac est en effet le dernier séjour de multiples groupes qui s’y sont retrouvés entre le VIIe et le Xe siècle et, étrangement d’un groupe séparé qui aurait connu une grave mésaventure entre le Xe et le XVIIe siècle.
De manière plus étonnante, alors que les individus qui se sont perdus
sur les bords du lac Roopkund étaient, selon les analyses ADN,
originaires du sous-continent indien, le groupe tardif qui compte
quatorze personnes semble être originaire de Méditerrannée orientale.
Leur ADN présente en effet des similarités avec l’ADN des habitants
contemporains de la Crète. Mais que pouvaient bien faire des Grecs
potentiellement contemporains de Louis XIV au fin fond de l’Himalaya ?
Plutôt
que de se dissiper à la lumière de cette découverte, le mystère
s’épaissit… D’autant plus qu’aucune trace d’infection bactérienne, ni de
maladie n’a été détectée et il semble que chacun de ces individus soit
mort de manière différente. Il ne s’agit pas non plus d’une bataille,
aucune arme ni aucune trace de blessure violente sur les squelettes n’a
été retrouvée. On compte d’ailleurs parmi eux des enfants et des
vieillards et aucun lien familial entre les morts qui reposent près du
lac n’a été décelé… Les analyses chimiques des squelettes montrent en
outre que, toutes époques confondues, plusieurs régimes alimentaires
distincts sont représentés.
Le
mystère reste donc plus entier que jamais… L’équipe de scientifiques à
l’origine de cette découverte prévoit de laisser passer l’hiver et de
revenir sur place, rapporte le National Geographic. Les
chercheurs travailleront lors de cette mission sur les objets
archéologiques présents sur le site et non plus seulement sur les corps,
en espérant qu’ils puissent livrer des indices supplémentaires sur le
destin énigmatique de ces infortunés voyageurs.
Par Le Monde