![Le président équatorien Lenin Moreno (micro en main) s'adresse aux leaders indigènes à Quito, le 13 octobre 2019 [Cristina VEGA / AFP] Le président équatorien Lenin Moreno (micro en main) s'adresse aux leaders indigènes à Quito, le 13 octobre 2019 [Cristina VEGA / AFP]](https://static.cnews.fr/sites/default/files/styles/image_640_360/public/afec25a9665d6f2b46e8f313af255b6983ab1f62.jpg?itok=rRC1MbnR)
Le gouvernement équatorien et le mouvement indigène étaient réunis
dimanche à Quito pour
chercher une issue à la crise sociale provoquée
par un accord avec le FMI, qui paralyse le pays depuis 12 jours et a
fait sept morts et 1.300 blessés.
«Frères indigènes, je vous ai toujours traités avec respect
et affection», a lancé le président Lenin Moreno en ouverture de cette
réunion, organisée dans un centre religieux de la capitale et
retransmise à la télévision.
«Cela n'a jamais été mon intention d'affecter les secteurs les plus
démunis (...), les plus pauvres», a insisté le chef de l'Etat, un
libéral élu en 2017 sous l'étiquette socialiste.
La communauté indigène, qui représente un quart de la population, est
le fer de lance de la contestation contre les réformes économiques
négociées avec le Fonds monétaire international (FMI) en échange d'un
prêt de 4,2 milliards de dollars, dont la mesure la plus polémique est
le décret 883, qui supprime les subventions au carburant et multiplie
par deux les prix à la pompe.
Visage peint et tête coiffée d'une couronne de plumes, le
président de la Confédération des nationalités indigènes de l'Equateur
(Conaie), Jaime Vargas, a fustigé «l'improvisation de la politique
économique» du président, notant avec regret qu'«on sent que la droite
et le FMI gèrent le pays».
Il a réitéré la principale revendication de sa communauté: «Nous demandons l'abrogation du décret 883».
«Violence démesurée»
Cette réunion de dialogue, sous l'égide de l'ONU et de l'Eglise
catholique, survient alors que le pays andin est secoué par une vague de
manifestations avec, depuis le 3 octobre, sept morts, 1.340 blessés et
1.152 arrestations, selon le bureau du Défenseur du peuple, organisme
public de défense des droits.
Quito, capitale située à 2.850 mètres d'altitude, a été le théâtre de
débordements d'une violence inédite et de longs affrontements entre
manifestants armés de pierres et fusées artisanales et forces de l'ordre
tirant grenades lacrymogènes et balles en caoutchouc.
![Manifestation devant la Maison de la Culture à Quito, le 13 octobre 2019 [RODRIGO BUENDIA / AFP]](https://static.cnews.fr/sites/default/files/styles/image_630/public/a2069896a4e526cafb9c27592fadf8b22bf562f9.jpg)
Manifestation devant la Maison de la Culture à Quito, le 13 octobre 2019
[RODRIGO BUENDIA / AFP]
Dimanche, des heurts se poursuivaient aux abords du Parlement alors
que la ville se remettait à peine de la journée mouvementée de samedi,
avec des bâtiments incendiés, comme celui de l'Inspection générale des
finances ou de la chaîne Teleamazonas, des barricades de pierres, des
vitres brisées et des pneus brûlés sur la chaussée.
Débordé face à cette situation incontrôlable, le président Moreno,
qui avait déjà déplacé le siège du gouvernement à Guayaquil (sud), a
décrété le couvre-feu et placé la ville sous contrôle militaire jusqu'à
nouvel ordre.
«Il y a eu une convulsion sociale et un non-respect des droits
humains, une violence démesurée contre le peuple et un terrorisme
d'Etat», a dénoncé Jaime Vargas à propos de la répression des forces de
l'ordre.
Donc, «comme geste de paix sociale pour le pays (...), nous demandons
le départ immédiat (des) deux ministres» de l'Intérieur et de la
Défense.
«On n'avait jamais vu un niveau de violence brutale comme ces
derniers jours», a renchéri Leonidas Iza, président du Mouvement
indigène et paysan de Cotopaxi (centre).
Il a mis en parallèle la brutalité de la police avec le coup dur que
représente le bond du prix de l'essence: «Si je dois faire le plein et
que le prix augmente de 123%, c'est violent».
12 jours de paralysie
La communauté indigène souffre de plein fouet des effets du décret
sur les carburants: généralement pauvre et travaillant dans
l'agriculture, elle voit ses coûts de transport s'envoler pour écouler
ses produits.
Puissante et organisée, elle a fait venir ces derniers des milliers
de ses membres des Andes et d'Amazonie pour camper à Quito. Et par le
passé, elle a déjà renversé trois présidents.
![Manifestation devant la Maison de la Culture à Quito, le 13 octobre 2019 [RODRIGO BUENDIA / AFP]](https://static.cnews.fr/sites/default/files/styles/image_630/public/2bab6bce649719d4c59660fa4b4ff8b7b931e387.jpg)
Manifestation devant la Maison de la Culture à Quito, le 13 octobre 2019
[RODRIGO BUENDIA / AFP]
«L'objectif d'un Etat plurinational n'a pas été rempli», a déclaré
lors de la réunion de dialogue Jaime Vargas, reflétant une rancoeur
beaucoup plus large de cette communauté, notamment envers les classes
aisées et les médias, dont elle se dit absente.
«Si nous n'étions pas là, ceux de la campagne, les gens de la ville,
les riches, ne pourraient pas vivre», clamait jeudi, furieuse, une
manifestante indigène, Maria Escobar, 52 ans.
Mais pour Santiago Basabe, politologue de la Faculté latinoaméricaine
de Sciences sociales (Flacso), «une fois le dialogue ouvert, ce sera
très difficile (pour eux) de revenir en arrière» et reprendre la
mobilisation.
Le pays restait à l'arrêt dimanche, entre blocages de routes,
transports publics quasi inexistants et puits pétroliers d'Amazonie à
l'arrêt, ce qui a déjà forcé l'Equateur à suspendre la distribution de
près de 70% de sa production de brut.
«Cela fait 12 jours que le pays est paralysé», a lancé à la table de
dialogue, Eustaquio Toala, président de la Feine, organisation
d'indigènes évangéliques, promettant au président Moreno que le retour à
la normale pourrait avoir lieu «dès ce soir» si le décret est abrogé.
Par
AFP avec CNEWS