Défilés annulés, invités et collections qui ne peuvent sortir de
Chine... la mode aussi est
impactée par la propagation du Coronavirus.
Décryptage.
Le monde tremble. S’il y a encore quelques semaines le gouvernement
chinois laissait espérer un contrôle rapide et efficace de l’épidémie,
le Coronavirus se répand désormais à travers le monde. Ce jeudi 27
février, les dernières données partagées par les différents
gouvernements de la planète décomptent 2700 décès et quelques 80 000
personnes contaminées. Un bilan en constante hausse qui a poussé Tedros
Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, a annoncé que le monde
devait se « préparer à une éventuelle pandémie ». Une situation
délicate qui a aussi un impact sur les économies. Parmi elles, celle de
l’industrie de la mode qui, depuis quelques jours, fait face aux
premières répercussions conséquentes du virus.
Des créateurs qui peinent à présenter leurs nouvelles collections
En
pleine période de Fashion Week, présenter sa nouvelle collection semble
être devenu un véritable défi. Entre New York, Londres, Milan et Paris,
ce sont plus d’une dizaine de designers chinois et asiatiques qui n’ont
pas pu présenter leurs créations dans l’une des quatre capitales de la
mode. Parmi eux, Shiatzy Chen. La créatrice taiwanaise, qui a fondé sa
marque éponyme en 1978, devait présenter sa nouvelle collection
automne-hiver 2020-2021 pendant la Fashion Week de Paris. Mais face à
l’ampleur de la crise, la maison a décidé d’annuler son défilé. « Nous
étions sur le point de finaliser les derniers détails du show et
d’envoyer les invitations lorsque le Coronavirus a commencé à se
répandre, nous explique Wang Chen Tsai-Hsia, co-fondatrice et directrice
artistique de la griffe. Nous respections nos clients et nos invités et
ne voulions pas leur faire courir de risque. Dans un tel contexte, nous
ne pouvions pas envisager de maintenir le défilé ». Une décision
difficile à prendre pour la marque, qui présentera sa nouvelle
collection dans un lookbook réalisé en collaboration avec des artistes.
« Nous avions mis beaucoup de temps et d’énergie dans ce projet pour
finalement perdre en visibilité, regrette la créatrice. Mais nous
restons optimistes et espérons que la situation s’améliorera
rapidement ».
Un récit qui écho celui d’ Angel Chen, première créatrice chinoise à avoir collaboré avec H&M,
récemment aperçue dans l’émission et concours Netflix « Next in
Fashion ». Sa nouvelle collection devait être présentée le 21 février
dernier lors de la Fashion Week de Milan. Le coronavirus aura finalement
eu raison de l’événement. « Le calendrier, l'emplacement et le lieu
étaient confirmés. Puis, assez rapidement, la situation s'est aggravée
et nous n'avons malheureusement pas eu d'autre choix que d'annuler le
défilé, ce qui est évidemment une vraie déception. En ce moment, nous
évaluons la faisabilité d'une manière numérique de montrer notre
collection, nous espérons donc la présenter bientôt au monde »,
confiait-elle à Vogue US le 17 février dernier.
Montrer sa
collection de façon numérique, c’est le choix qu’a fait Giorgio Armani
le 23 février dernier. « Le défilé automne-hiver 2020-2021 de demain
sera présenté à huis clos, dans un Teatro vide, en raison des récents
développements du Coronavirus en Italie (…) La décision a été prise afin
de préserver le bien-être de tous les invités, en évitant qu’ils ne
fréquentent des lieux bondés », signalait la maison italienne sur son
compte Instagram, quelques heures à peine avant son défilé. Une décision
radicale, prise suite à l'annonce du pays de mettre en quarantaine
plusieurs villes et d'annuler le célèbre carnaval de Venise. La
collection a donc été présentée en direct sur les réseaux sociaux, le
créateur venant même saluer les internautes à la fin du show.
Le calendrier de la mode perturbé pour plusieurs mois
Si le Coronavirus a perturbé ce mois de Fashion Week,
il a aussi perturbé le calendrier de la mode pour les mois à venir. La
traditionnelle Fashion Week de Séoul, qui devait avoir lieu du 17 au 21
mars s’est ainsi vue annulée. La semaine de la mode de Pékin, qui devait
quant à elle avoir lieu du 25 au 31 mars, a elle aussi été annulée. Le
maintien de l’événement dans les mois à venir n’est, pour le moment,
toujours pas assuré.
De son côté, la maison anglaise Burberry, qui
a présenté sa collection automne-hiver 2020 à Londres mi-février,
devait faire défiler sa nouvelle collection à nouveau à Shanghai, le 23
avril prochain. L’événement, qui devait présenter « de nouveaux modèles
développés spécifiquement pour l’occasion », est finalement annulé. De
même, Prada a annoncé reporter son défilé Croisière 2021, initialement
prévu le 21 mai prochain au Japon. La compagnie italienne dévoilera la
date et le lieu de son défilé dans les prochaines semaines.
Autre
problématique et pas des moindres : l’approvisionnement même en
vêtements. Si pour les marques de luxe, la majorité des productions sont
réalisées en Europe, pour les griffes de prêt-à-porter premium, moyen
et la fast fashion, la Chine est bien souvent un espace de production
important. Et alors que le virus se propage dans le pays, l’activité
industrielle en prend un sacré coup. Selon l’Observatoire de l’Institut
français de la mode, la Chine et Hong Kong représentent 27% de
l’approvisionnement des marques françaises. De quoi inquiéter les
griffes tricolores, qui vont devoir prévoir de nombreux retards de
livraisons et auront probablement du mal à installer leurs nouvelles
collections en boutiques au cours des prochains mois.
Des pertes financières importantes
Face
à un tel constat, les marques se préparent déjà à des conséquences
financières importantes. Avec les deux tiers de ses magasins chinois
fermés temporairement, Ralph Lauren a déjà annoncé prévoir entre 55 et
70 millions de dollars, soit entre 51 et 65 millions d’euros, de pertes
sur ses ventes de 2020. Des données impressionnantes qui représentent
environ 1% des revenus annuels du label. Même son de cloche chez Under
Armour, qui a estimé que le Coronavirus lui coûterait environ 60
millions de dollars de ses ventes. Le géant allemand Adidas, qui
comptabilise 500 magasins en Chine, voit déjà ses ventes chutes de 85%
par rapport à l’année dernière.
Interrogé par Europe 1 le 29
janvier dernier, Bernard Arnault s’est quant à lui montré prudent quant
aux conséquences de l’épidémie de coronavirus sur le bilan de fin
d’année du groupe LVMH. « Tout dépend de la façon dont cela va se
régler, mais aussi de la durée : si cela est limité dans le temps,
l'impact sera très faible sur le résultat [du groupe], si ça devait
durer deux ans, c'est une autre histoire... ».