Faute d'accord entre l'Opep et la Russie sur des réductions de production de pétrole face aux turbulences sur la demande, le prix du pétrole accusé un plongeon historique depuis vendredi. De quoi alimenter les craintes sur les obligations d'entreprises américaines et faire plonger les actions.
Nouveau bain de sang pour les marchés actions, alors que les cours du
pétrole (-30% !) se sont effondrés à l'ouverture des marchés ce lundi
après l'échec de négociations cette semaine entre l'Organisation des
pays exportateurs de pétrole (Opep) et la Russie (son principal allié) sur
des réductions de production. Les cours du pétrole ont accusé la chute
la plus sévère depuis la guerre du Golfe de 1991, après que l'Arabie
saoudite a lancé une guerre des prix du brut.
Riyad a décidé
unilatéralement de baisser ses prix à la livraison, en raison de l'échec
de l'Opep et de la Russie, à se mettre d'accord pour soutenir les
cours. Face aux incertitudes économiques causées par l'épidémie du
nouveau coronavirus, les ministres du cartel pétrolier avaient tenté de
conclure un accord avec les autres pays producteurs de pétrole pour
réduire la production et maintenir les prix du brut. Mais la Russie,
deuxième producteur mondial de pétrole et qui n'est pas membre de
l'Opep, s'est opposée à une nouvelle réduction de 1,5 million de barils
par jour. En réponse, l'Arabie saoudite s'est lancée dans une vaste
braderie en effectuant la plus importante réduction de ses prix
pétroliers en 20 ans, a rapporté dimanche Bloomberg News.
"Une
chute de 30% des prix du brut est sans précédent et envoie une onde de
choc énorme à travers les marchés financiers," a souligné Margaret Yang,
analyste pour CMC Markets. Pour Jeffrey Halley, analyste chez Oanda,
"l'Arabie saoudite semble avoir l'intention de punir la Russie". Le
marché du pétrole va probablement rester au tapis durant les prochains
mois, les rabais de l'Arabie saoudite se conjuguant avec le coup d'arrêt
donné à la croissance économique mondiale par le coronavirus, qui a
fait chuter la demande d'or noir, a ajouté cet analyste.
"Quelque
chose comme cela pourrait avoir plus de répercussions dans le monde
qu'une guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis parce que le
pétrole est lié à beaucoup de secteurs dans l'économie mondiale" a
souligné de son côté Rohitesh Dhawan, directeur de l'énergie, du climat
et des ressources naturelles à la société de conseil Eurasia Group à
Londres. Margaret Yang de CMC Markets a émis l'espoir que l'effondrement
pourrait faire revenir la Russie à la table de négociations avec l'Opep
pour trouver un accord.
Après l'effondrement des cours du
pétrole, les Bourses d'Asie et du Golfe ont plongé ce lundi. L'indice
principal de la place du Koweït, Premier Index, a dégringolé de 9,5% et
les échanges y ont été suspendus, alors que les marchés à Dubaï ont
dévissé de 9,0% et à Abou Dhabi de 7,1%. Une évolution contre laquelle
Capital avait dernièrement mis en garde.
La
Bourse de Tokyo a connu lundi sa pire séance depuis plus de deux ans,
sur fond d'écroulement des prix du pétrole et de la propagation
incessante de l'épidémie mondiale de coronavirus, qui ont fait flamber
le yen face au dollar. L'indice Nikkei s'est effondré de 5,07% pour
finir à 19.698,76 points, effaçant ainsi 1.050,99 points en une séance,
ce qui ne lui était plus arrivé depuis février 2018. L'indice élargi
Topix a quant à lui sombré de 5,61% à 1.388,97 points.
A
la Bourse de Paris, le CAC40 a plongé de plus de 6% en début de séance.
Et les valeurs liées au pétrole, comme Total, ainsi que les valeurs bancaires
(BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole) sont en première
ligne. Les obligations d'entreprises américaines sont aussi à
surveiller, au vu de l'ampleur de l'endettement des sociétés du secteur de l'énergie outre-Atlantique.
"On
sait que le secteur de l’énergie représente un peu plus du dixième du
secteur High Yield (obligations à haut rendement) aux Etats-Unis et que
lorsque les cours du brut passent au-dessous de 50 dollars, ce qui est
proche du coût d’extraction du gaz de schiste aux Etats-Unis, ce secteur
est particulièrement sous pression. C’est le cas actuellement. Le
graphique ci-dessous montre que ce secteur est en train de sur-réagir en
comparaison des autres secteurs et que la prime de risque progresse
très rapidement", souligne La Banque Postale Asset Management.
"On
est donc sur un niveau de marché où à la fois le marché monétaire ne
fonctionne pas correctement et où certains secteurs commencent à montrer
des signes inquiétants. Tout ceci peut être en partie traité par une
injection de liquidité encore plus massive de la Fed mais ces « points
de rupture » doivent être suivis de prêt, ils peuvent faire boule de
neige et mener à une crise économique beaucoup plus grave", met en garde
le gestionnaire d'actifs.

Par capital.fr