Emmanuel Macron, officiellement investi dimanche matin, a nommé
lundi après-midi son Premier ministre en la personne d'Édouard Philippe,
maire Les Républicains (LR) du Havre. Favori des
pronostics depuis
plusieurs jours, ce proche d'Alain Juppé est un personnage assez méconnu
de la droite française. De Sciences Po à l’ENA puis vers le privé, comme Macron
Né à Rouen en 1970, ce fils de deux professeurs de français
suit une formation relativement classique. Après un baccalauréat obtenu à
Bonn en Allemagne, où son père dirige le lycée français, il entre à
Sciences Po Paris après deux ans d’hypokhâgne avant de rejoindre les
rangs de la promotion Marc Bloch (1995-1997) de l’École Nationale
d’Administration (ENA). Un parcours identique à celui que réalisera
quelques années plus tard le nouveau président, Emmanuel Macron.
À l’issue de ses études, Édouard Philippe entre au Conseil
d’État, avant d’effectuer un passage par le privé en 2004, puis en 2008
au sein d’Areva.
Ancien rocardien devenu juppéiste
Alors étudiant à Sciences Po, Édouard Philippe prend sa
carte au Parti socialiste (PS) et soutient Michel Rocard, Premier
ministre de François Mitterrand. L’aventure socialiste du jeune étudiant
ne dure que deux ans, au terme desquels il rend sa carte et se
rapproche de la droite. En 2001 il rejoint les rangs d’Antoine
Rufenacht, maire du Havre (1995-2010) avant d’accompagner, dès l’année
suivante, Alain Juppé dans la fondation de l’UMP, ancien nom de l’actuel
parti Les Républicains.
Juppéiste convaincu, Édouard Philippe devient le conseiller
spécial du maire de Bordeaux lorsqu’il est nommé au ministère de
l’Écologie en 2007 dans le premier gouvernement de François Fillon. En
2016, il a également assuré, aux côtes de Benoist Apparu, le poste de
porte-parole de la campagne d’Alain Juppé pour la primaire de la droite
remportée par François Fillon en novembre dernier.
Indéfectible soutien d’Alain Juppé depuis plus de quinze
ans, Édouard Philippe prend ses distances avec la campagne de François
Fillon lorsque le « Penelopegate »
éclate. Personnage discret, assez isolé à droite, jamais ministre et
arrivé au terme de son premier mandat de député, il devient de facto un candidat idéal pour incarner le gouvernement du nouveau président qui entend s’affranchir des clivages droite-gauche et insuffler un vent de renouvellement.
Une nomination qui divise la droite et irrite la gauche
Au PS comme chez Les Républicains, la nomination d’Édouard
Philippe à Matignon a fait réagir. Le premier secrétaire du Parti
Socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a été parmi les premiers à
s’exprimer sur la nomination du maire Les Républicains à Matignon,
estimant que ce choix d’un Premier ministre issu de la droite devait
amener la gauche à se mobiliser pour les élections législatives prévues
au mois de juin.
Candidat de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon s’est de
son côté insurgé contre cette décision qui représente selon lui « le
retour du vieux monde ». Crédité de 19,6% des voix au premier tour de la
présidentielle, il a de nouveau encouragé à « ne pas donner les pleins
pouvoirs » à Emmanuel Macron.
À droite, l’opération est plus délicate. Si des
personnalités comme Alain Juppé, mentor du nouveau locataire de
Matignon, ou Bruno Le Maire ont salué cette nomination, d’autres figures
des Républicains se sont montrées plus mesurées. À commencer par le
secrétaire général du parti Bernard Accoyer, qui a annoncé avoir « pris
acte » d’une décision « individuelle », évacuant néanmoins la question
de l’exclusion du nouveau Premier ministre du parti Les Républicains.
Pour Bruno Retailleau, éternel soutien de François Fillon, cette
nomination aura surtout pour effet de « brouiller les cartes et de gêner
l’opposition ».
Chroniqueur pour Libération pendant la campagne, où il a critiqué… Macron
Après son retrait de la campagne présidentielle, le maire du
Havre a débuté une série de chroniques hebdomadaires pour le quotidien Libération
où il analyse la campagne vue de l’intérieur. Une tribune dans laquelle
il ne manque pas d’égratigner le futur président de la République à
propos duquel il écrit le 18 janvier dernier : « Qui est Macron ? Pour
certains, impressionnés par son pouvoir de séduction et sa rhétorique
réformiste, il serait le fils naturel de Kennedy et de Mendès France. On
peut en douter. Le premier avait plus de charisme, le second plus de
principes. Pour d’autres, il serait Brutus, fils adoptif de César. »
Auteur de fictions politiques
Avant de prendre en charge cette tribune pour le quotidien Libération, Édouard Philippe avait déjà co-écrit avec Gilles Boyer, un autre fidèle d’Alain Juppé, deux fictions politiques, Dans L’ombre, roman publié en 2007 et L’heure de vérité, paru en 2011 qui entendent dévoiler les dessous d’un monde politique intransigeant.
Source: Jeune Afrique

