Le Président Robert Mugabe a finalement cédé à la pression de
l’armée, de la rue et de son parti. Il a
remis ce mardi sa démission
après 37 ans au pouvoir. Sa première interview à un journal francophone,
en 1980, il l'avait accordée à Jeune Afrique, alors qu'il était encore
Premier ministre.
« Le Zimbabwe ne s’alignera sur aucun des deux blocs et
choisira ses amis en fonction de ses propres intérêts et de ses propres
besoins, quel que soit le camp auquel ils appartiennent. L’Est ou
l’Ouest ». Ces mots, ce sont ceux de Robert Mugabe, alors Premier
ministre du Zimbabwe. Nous sommes le 29 octobre 1980, et jeune Afrique
publie la première interview de celui qui deviendra près de quatre
décennies plus tard le plus vieux dirigeants au monde. A l’époque, il
n’est encore « que » Premier ministre.
La rencontre a lieu à Milton House, la bâtisse de Salisbury
qui abritait quelques mois plus tôt Ian Smith… Le 18 avril 1980, la
Rhodésie devient indépendante et prend le nom de Zimbabwe, après 90 ans
de colonisation britannique. La guerre d’indépendance qui opposait les
autorités de Salisbury et les nationalistes noirs, entre 1972 et 1979, a
fait 27 000 morts.
A la suite des accords de Lancaster House, Robert Mugabe, chef de l’Union nationale africaine du Zimbabwe (ZANU),
est nommé Premier ministre du Zimbabwe après la victoire de son parti
lors des premières élections multiraciales du pays. En tant que Premier
ministre, Robert Mugabe
avait pour lourdes responsabilités de réconcilier le peuple du Zimbabwe
et de relancer l’économie du pays. C’est dans ce contexte
postindépendance, porteur d’espoir pour les Zimbabwéens que Robert
Mugabe a accepté de se confier à François Soudan.
Le Zimbabwe ne s’alignera sur aucun des deux blocs
L’armée, la lutte des classes et la France
Robert Mugabe explique alors qu’après la guerre de 1972-1979
« seuls 7 000 combattants ont demandé à être démobilisés et cela a été
fait sans heurts » et que les autres veulent « être intégrés au sein de
la nouvelle armée nationale ». 37 ans plus tard, les vétérans défileront dans les rues d’Harare pour réclamer son départ.
Il évoque également les aspects idéologiques du régime qui
se met en place. « La classe ouvrière est très minoritaire ; ce n’est
pas à elle qui a lutté et souffert le plus pendant la lutte armée :
c’est donc à la paysannerie que doit revenir le rôle de groupe social
moteur, d’avant-garde dans notre société », explique-t-il.Et dans le
contexte de guerre froide, il affirme que « le Zimbabwe ne s’alignera
sur aucun des deux blocs et choisira ses amis en fonction de ses propres
intérêts et de ses propres besoins, quel que soit le camp auquel ils
appartiennent. L’Est ou l’Ouest ».
L’Afrique francophone s’est peu souciée de nous. Peut-être faut-il y voir l’influence de la France
Déjà, il se fait le héraut de la lutte contre le
néocolonialisme, et attaque la France de front. Le pays a certes
« accordé quelques bourses universitaires » à plusieurs étudiants du
pays, mais il a surtout « mis le plus d’obstacles » à l’adhésion du
Zimbabwe à la Convention de Lomé, accuse le Premier ministre.
Surtout, il note que « peu de pays » ont soutenu le Zimbabwe dans sa lutte pour l’indépendance. « Mais
l’Afrique francophone, tout particulièrement, s’est peu souciée de
nous. Pourquoi ? Peut-être faut-il y voir l’influence de la France et le
fait que ces pays tiennent compte, dans leur analyse, des orientations
de la politique étrangère française. »
Relisez l’intégralité de l’entretien ci-dessous :

Source: Jeune Afrique