L’opposition kényane a décidé de maintenir, coûte que coûte, la prestation de serment de son leader Raïla Odinga ce mardi 30 janvier. Ne reconnaissant pas la réélection d’Uhuru Kenyatta, la NASA a décidé de proclamer son chef président et a appelé ses partisans à converger mardi vers Uhuru Park, parc emblématique du centre de Nairobi.
Elle tergiversait, divisée sur la question. Par deux fois, elle
annulé l'événement. L’opposition semble cette fois bien décidée à aller
au bout de son idée. Raïla Odinga a appelé ses partisans à se lever tôt
ce mardi et se rendre en grand nombre à Uhuru Park, avec des mouchoirs
blancs en signe de paix, pour « le plus grand rassemblement pacifique depuis l’indépendance », a-t-il dit.
Son parti affirme qu’il s’agit d’une manifestation pacifique,
garantie par la Constitution, et que la police doit rester apolitique.
« Le Kenya pourrait se diriger vers un conflit. La police ne doit pas intervenir », a déclaré Raïla Odinga. « Si cela me coûte la vie ou m’emmène en prison, je suis prêt à en payer le prix », a-t-il prévenu.
Car le pouvoir tente depuis des semaines de faire avorter la prestation de serment.
Le procureur général a déclaré que cette cérémonie était un acte de
trahison passible de la peine de mort pour le vieil opposant.
Le gouverneur a interdit tout rassemblement dans Uhuru Park. La
police, connue pour sa brutalité, devrait être déployée en nombre. Leur
chef a déclaré que les forces de l’ordre ne laisseraient pas des
troubles éclater. « Aucun groupe ne sera autorisé sur les lieux », a indiqué Japheth Koome.
Certaines sources affirment que les autorités tenteront peut-être
d’empêcher les leaders de l’opposition de se rendre sur les lieux. « Toute
arrestation préventive serait illégale. Mais ce régime est capable de
tout. S’ils le font, je ne peux imaginer les conséquences », a déclaré Norman Magaya, directeur général de la NASA.
Vu la tension ambiante, les défenseurs des droits de l’homme s’inquiètent. « La
police a tué beaucoup de gens en toute impunité. Nous soupçonnons aussi
des groupes informels proches du pouvoir de préparer des violences »,
explique Otsieno Namwaya, chercheur à Human Rights Watch, pour qui le
pouvoir doit respecter la liberté d’expression et de rassemblement. « La fermeté n’est pas la solution. Si durant la cérémonie, un acte illégal est commis, l’affaire doit se régler après en justice », explique-t-il.
La Nasa divisée, Odinga victime de sa stratégie jusqu'au-boutiste?
Depuis des mois, cette prestation de serment divise la Nasa. D'un
côté une ligne dure, prête à continuer coûte que coûte le bras de fer
avec le pouvoir. De l'autre une frange moins radicale, incarnée par
certains leaders espérant un retrait progressif de Raïla Odinga.
Organiser la cérémonie signerait donc la victoire des faucons.
Au-delà de ça, la prestation de serment n'aura pas de valeur juridique
et la réalité du pouvoir ne changera pas de camp. Difficile donc de lire
les intentions de Raïla Odinga.
« Il subit une intense pression. Il cherche à satisfaire le
courant dur de sa base, rendre peut-être le pays ingouvernable. Mais je
ne vois pas de stratégie à long terme », analyse Rashid Abdi, de l'International Crisis Group.
Par contre, les conséquences politiques pourraient être lourdes pour
lui en cas de bain de sang. Si le pouvoir ternirait sa réputation et
risque de durcir encore sa position, « Raïla Odinga a lui aussi beaucoup à perdre au niveau national et international », explique Rashid Abdi.
Depuis des mois, les diplomates tentent de convaincre le vieux leader
d'abandonner son projet. Les chancelleries ont mis en avant son
héritage politique, son image auprès de la communauté internationale.
Mais le chef de la Nasa semble prêt à sacrifier cela.
« Il va aussi mécontenter une partie du pays. Les modérés qui ont voté pour lui mais qui ont tourné la page des élections », explique Rashid Abdi.