Près de quatre ans après les faits, l’État congolais, son président
Joseph Kabila et cinq autres
membres de son entourage ont été jugés le 16 janvier responsables de l’agression de manifestants aux États-Unis. Verdict : plus de 560 000 dollars de dommages et intérêts.
membres de son entourage ont été jugés le 16 janvier responsables de l’agression de manifestants aux États-Unis. Verdict : plus de 560 000 dollars de dommages et intérêts.
Sans doute se croyaient-ils tout permis. « Ils », ce sont les gardes du corps du « raïs » Joseph Kabila.
Seulement, ce 6 août 2014 en question, ces derniers avaient oublié un
détail : ils n’étaient pas sur le territoire congolais, mais sur le sol
américain. Sinon, comment comprendre la brutalité de leur agression sur
des manifestants venus protester contre le régime de Kinshasa ?
La scène se déroule le 6 août 2014 à Washington, devant l’hôtel Capella de Georgetown, dans lequel le chef de l’État congolais, invité au sommet États-Unis – Afrique, loge. Des « combattants », ces opposants radicaux de la diaspora congolaise,
improvisent alors une manifestation pour dénoncer « les violences
sexuelles, la corruption, le génocide, la dictature et les violations
des droits de l’homme » en RDC.
Jacques Miango est alors « renversé au sol, battu, étranglé, piétiné » par les agents de sécurité congolaises
Selon le récit de la plainte déposée en 2015 et dont Jeune Afrique a
pu consulter une copie, le premier accrochage avec des agents de
sécurité de Joseph Kabila a lieu quelques instants après le passage de
Jean-Marie Kassamba, présenté par les plaignants comme étant le « chargé
de la presse de la RDC ». Des gardes du président de la RDC commencent
alors à « insulter, menacer, intimider et bousculer » les manifestants.
Retour sur un passage à tabac à Washington
Lorsque le chef de l’État congolais arrive à l’hôtel, la
situation dégénère. Des mots laissent place aux violences physiques. Le
réfugié politique Jacques Miango, principal plaignant, est alors
« renversé au sol, battu, étranglé, piétiné » par les agents de sécurité
congolais. L’extrait de ce passage à tabac est filmé par un piéton et
diffusé dans la foulée sur YouTube.
Jacques Miango s’en sort avec « plusieurs dents » en moins, une « commotion cérébrale », la colonne vertébrale et le cou cassés.
Les agents de sécurité [n’ont] fait que leur travail », maintient Jean-Marie Kassamba
« Il s’était précipité sur l’escorte présidentielle pour
agresser le chef de l’État. Les agents de sécurité n’avaient fait que
leur travail », maintient alors Jean-Marie Kassamba, qui invoque la
« légitime défense ». Une ligne de défense qui n’a cependant pas été
entendue lors de l’instruction de l’affaire par la Cour du district de
Columbia, les accusés ne s’étant pas présentés à la barre.
C’est en effet depuis le 22 mars 2017 que cette cour a acté
l’absence des réponses de l’État congolais, de son président Kabila et
de cinq membres de l’entourage de ce dernier (Jean-Marie Kassamba,
Jacques Mukaleng Makal, Raymond Tshibanda, Sam Mpengo Mbey, Séraphin Ngwej),
poursuivis dans le dossier. Les juges ont toutefois mis hors de cause
les forces de sécurité américaine, la police du district de Columbia et
l’hôtel Capella cités, eux-aussi, dans la requête initiale des
plaignants.
460 000 euros de dommages-intérêts
Près de quatre années après les faits, la Cour fédérale de
Columbia a reconnu le 16 janvier dernier (jugement en copie ci-dessous)
les sept accusés restants responsables de l’agression de Jacques Miango
et de deux autres manifestants. En clair, l’État congolais mais aussi
Joseph Kabila, Jean-Marie Kassamba, Jacques Mukaleng Makal, Raymond
Tshibanda, Sam Mpengo Mbey, Séraphin Ngwej doivent verser quelque
562 660, 06 dollars (environ 460 000 euros) aux plaignants au titre de
dommages et intérêts. À en croire ces derniers, leurs biens personnels
auraient également été volés par les agents de sécurité de Kabila après
l’agression.
« C’est une condamnation in absentia puisque le gouvernement
n’était pas là pour évoquer le cas de légitime défense, réagit un
proche conseiller de Kabila. Ces « combattants » ont attaqué la garde
présidentielle pour se frayer un passage et atteindre le président. »
L’ambassade de la RDC aux États-Unis et nos services sur place sont déjà à pied d’œuvre pour dissiper ce malentendu judiciaire
De son côté, Jean-Marie Kassamba, cité et condamné dans
l’affaire, ne comprend pas la décision du juge fédéral américain à son
encontre. « Qui suis-je pour donner un quelconque ordre aux agents de
sécurité du chef de l’État ? » interroge-t-il. « Qu’à cela ne tienne,
l’ambassade [de la RDC aux États-Unis, ndlr] et nos services sur place
sont déjà à pied d’œuvre pour dissiper ce malentendu judiciaire. Il ne
faut pas oublier que le président Kabila était en mission officielle aux
États-Unis et que sa protection incombait d’abord aux services de
sécurité américains », poursuit le communicant du pouvoir de Kinshasa,
qui n’écarte pas l’hypothèse d’un éventuel appel de ces condamnations.
En attendant, cette affaire prend une résonance particulière en RDC, dans le contexte des récentes répressions sanglantes par les forces de l’ordre contre des manifestants anti-Kabila. Des responsables de ces « bavures » – reconnues du bout des lèvres par le chef de la police à Kinshasa – répondront-ils un jour de leurs actes ?
Source: jeune Afrique